Maxime Borgogno, Fondation Grameen Crédit Agricole
Coup de projecteur sur l’interview de Maxime Borgogno pour FinDev. Maxime est Chargé d’investissement pour la région Asie et Europe Centrale au sein de la Fondation Grameen Crédit Agricole.
Depuis le début de la pandémie, la Fondation Grameen Crédit Agricole suit la manière dont le secteur de la microfinance fait face à la crise de la Covid-19. Un an plus tard, qu’avez-vous appris?
Maxime Borgogno : Si les conséquences immédiates auxquelles ont fait face des institutions de microfinance (IMF) ont été une augmentation du portefeuille à risque et une réduction de leur portefeuille, la crise opérationnelle n’a pas conduit à un échec total du secteur comme on le craignait au départ. En fait, nous avons vu de nombreuses IMF s’adapter de manière proactive au nouveau contexte : elles ont pris des mesures de gestion adéquates tout en maintenant une approche responsable avec leurs clients. Seule une petite proportion des institutions interrogées a dû licencier du personnel pendant la crise, et celles situées dans les pays les plus touchés ont réussi la transition vers des systèmes d’accès à distance. La plupart des IMF ont mis en œuvre une restructuration des prêts pour soulager les clients affectés. Certains, notamment en Asie du Sud-Est, ont fourni aux clients des kits d’urgence (nourriture, équipements sanitaires, etc.). Ils ont même exploré de nouvelles opportunités telles que les canaux de remboursement de prêts numériques pour s’adapter à la situation.
En général, les IMF restent optimistes quant à l’avenir, sur la base d’une bonne compréhension des défis actuels et de l’expérience acquise en 2020. Si la crise n’est pas terminée et qu’il reste des défis à relever, le secteur a la capacité de les relever.
Quels sont les principaux défis à venir ? Pourquoi pensez-vous que le secteur a la capacité de les surmonter?
MB : La situation reste imprévisible et dépend de chaque pays. Une IMF peut être confrontée très rapidement à des contraintes opérationnelles importantes, ce qui limitera son activité. Les dernières données montrent que près de 75% des IMF sont confrontées à un portefeuille à risque plus élevé qu’avant la crise. Par conséquent, elles devront trouver un équilibre entre une gestion prudente de ce risque et la poursuite des octrois de nouveaux prêts à leurs clients. Il est désormais clair que la crise Covid-19 a bouleversé certains secteurs, structures d’entreprises et modes de fonctionnement. Les IMF devront tenir compte de ces changements majeurs dans leur stratégie pour les années à venir.
Au cours de l’année écoulée, nous avons vu des IMF rester pleinement engagées dans leur mission sociale. Elles ont prouvé leur résilience et leur capacité d’adaptation au cours d’une crise sans précédent. Avec l’augmentation des niveaux de pauvreté du fait de la crise, la mission de la microfinance est plus que jamais d’actualité.
Comment avez-vous suivi la situation au cours de l’année écoulée?
MB : Nous avons lancé la première enquête mensuelle en mars 2020 auprès de 75 IMF que nous soutenons. L’objectif était de recueillir les premières impressions sur la situation ainsi que l’impact potentiel sur leurs activités et leurs clients. En juin 2020, nous nous sommes associés à ADA et Inpulse pour étendre la portée de l’enquête à plus de 100 IMF, y compris en Amérique latine et dans les Caraïbes, où la Fondation n’est pas présente. Depuis septembre, nous sommes passés à un format trimestriel pour éviter de surcharger les institutions en période de reprise de leurs activités. La prochaine enquête aura lieu dans le courant du mois de mars.
Les résultats de l’enquête, ainsi que d’autres articles en rapport avec la crise Covid-19, sont disponibles sur l’Observatoire Covid-19, un espace créé par la Fondation au début de la pandémie.
Les institutions de microfinance n’ont souvent pas la capacité de répondre aux enquêtes, en particulier lorsqu’elles doivent faire face à une crise majeure. Qu’est-ce qui vous a aidé à continuer à collecter des données auprès d’elles ?
MB : Dès le début, nous avons choisi de ne pas demander des informations financières détaillées aux IMF, mais plutôt de recueillir leurs impressions et observations sur l’impact de la crise. Nous avons délibérément limité le nombre de questions et veillé à ce qu’elles soient aussi claires que possible. Nous avons également évité de demander les mêmes informations qu’ils nous envoient dans leurs rapports mensuels réguliers.
Nous insistons sur un haut niveau de communication avec nos partenaires, nous partageons donc avec eux les résultats des enquêtes dès qu’ils sont disponibles et restons ouverts à leurs retours dans ce processus. Les commentaires de nos répondants nous ont aidés à adapter la formulation des questions et le contenu du questionnaire. Nous pensons que leur implication dans le processus est une motivation essentielle pour que nos IMF partenaires continuent de participer à l’enquête.
Quel est votre sentiment sur la manière dont cette crise façonne l’avenir de la microfinance? Êtes-vous inquiet pour l’avenir du secteur ?
MB : 2020 a été une année historique qui a démontré la résilience du secteur de la microfinance. Les IMF ont innové et renforcé leurs services pour protéger leurs clients. Dans le même temps, les bailleurs et autres parties prenantes se sont coordonnés entre eux pour adopter les mesures les plus appropriées afin de soutenir les IMF. La dernière enquête que nous avons menée sur l’impact de la crise Covid-19 révèle que la plupart des institutions s’attendent à ce que leur activité augmente en 2021, en termes de volume de portefeuille et de nombre de clients.
Cependant, bon nombre des institutions les plus touchées auront besoin du soutien de leurs actionnaires et de leurs bailleurs. Le risque de crédit se traduisant progressivement par des pertes en 2021, la réactivité des investisseurs sera fondamentale et sera le prochain sujet de l’Observatoire Covid-19 de la Fondation.
La crise n’est pas encore derrière nous, mais nous sommes confiants pour l’avenir du secteur. La transformation numérique, la coordination entre les parties prenantes et l’innovation seront essentielles pour renforcer la résilience et l’impact de la microfinance.