L’Observatoire Covid-19 est un espace dédié aux articles liés au Coronavirus, ainsi qu’aux résultats des enquêtes et analyses de la Fondation autour de l’impact de la crise sur les institutions de microfinance soutenues.
Vous découvrirez également toutes les informations relatives à l’engagement commun signé par un groupe de bailleurs de fonds et plateformes de microfinance pour soutenir les institutions de microfinance et leur clients face à la crise du Covid-19.
Engagement pour renforcer la microfinance
La Fondation publie la 2e édition de “Prises de Parole”
La Fondation Grameen Crédit Agricole promeut, depuis treize ans, l’inclusion financière et l’entrepreneuriat social et continue d’agir en priorité en faveur du développement du milieu rural et des femmes entrepreneurs. Fin 2021, la Fondation cumule près de 300 millions d’euros de financements, 379 missions d’assistance technique en cours ou réalisées et 136 organisations financées.
Nous sommes heureux de partager avec vous cette seconde édition de nos prises de parole. Elles parlent de notre accompagnement au quotidien au service des entrepreneurs, des communautés rurales, des réfugiés, des agriculteurs. Permettre aux réfugiés du camp Nakivale d’accéder au crédit en Ouganda, moderniser les pratiques agricoles en Moldavie, financer l’accès à l’eau et assurer la paie des éleveurs au Sénégal, ce sont quelques illustrations qui sont évoquées dans cette seconde édition.
Ces prises de paroles démontrent la résilience du secteur de la microfinance, cette capacité à faire face au contexte sanitaire, aux difficultés économiques et aux effets du réchauffement climatique. La résilience désigne aussi l’aptitude à transformer les obstacles en opportunités pour se renforcer. La transformation numérique, la coordination entre les acteurs et l’innovation dont ont fait preuve nos partenaires tout au long de ces derniers mois difficiles le démontrent clairement.
La Fondation Grameen Crédit Agricole en 2021
Eric Campos, Fondation Grameen Crédit Agricole
En 2021, la Fondation Grameen Crédit Agricole a soutenu 81 institutions de microfinance et entreprises sociales dans 37 pays. Dans un contexte de crise Covid-19, la Fondation a accompagné ses partenaires avec des financements et de l’assistance technique. Coup de projecteur sur l’interview d’Eric Campos, Délégué général de la Fondation et Directeur RSE de Crédit Agricole SA.
Comment avez-vous accompagné les institutions de microfinance ?
Contrairement à ce que nous pensions, toute l’année 2021 a été marquée par la crise du Covid et les effets économiques, et les mesures prises par les états pour protéger les populations. La Fondation est donc intervenue de trois façons auprès des partenaires. D’abord nous avons conservé un volume de financement assez élevé, avec 45 millions d’Euros prêtés aux institutions de microfinance. Nous avons également accordé des reports d’échéances, pour donner de l’air aux institutions, leur permettre de faire face à leurs propres reports d’échéances qu’elles accordaient à leurs bénéficiaires. Et enfin, nous avons accru notre capacité, notre coordination en matière d’assistance technique puisque, et c’est un record, nous avons coordonnée 130 missions d’assistance technique, principalement pour accompagner les institutions en matière de risques, de risques de contrepartie, de renforcement de leur équipe risque, de leur organisation, et aussi en termes de management de leur trésorerie.
Comment le secteur de la microfinance se porte à la fin 2021 ?
2020 a été une année Covid et les institutions ont fait face, ont su faire face à cette crise systémique. 2021 a été plus rude. Elles avaient été un peu épuisées par cette première année 2020 et elles ont dû poursuivre leurs efforts, leur résistance. Et donc, effectivement, la Fondation a pu accompagner ces institutions mais on a vu apparaitre quelques cas difficiles pour lesquels, non seulement il a fallu accorder des reports mais aussi des restructurations.
C’est important de dire que l’ensemble du secteur de la microfinance, les fondations, les fonds d’investissement, ont su se parler pour accompagner au mieux les institutions qui connaissaient les difficultés les plus importantes. Le secteur est encore résilient. C’est un secteur qui est attractif. On peut dire qu’il a fait face à cette crise systémique avec une résilience qui a été probablement au-dessus même de ce que nous pensions.
Quel est l’agenda de la Fondation en 2022 ?
2022 va être l’année de préparation de notre plan à moyen terme, 2022-2025. Il va s’articuler autour de cette crise climatique qui frappe durement les territoires d’intervention de la Fondation.
Mieux accompagner les populations rurales, renforcer leur résilience économique, au lendemain d’une crise économique extrêmement grave ; ce sera le premier axe sur lequel nous allons travailler. Et le second c’est l’accompagnement des populations les plus vulnérables, celles qui ont, elles aussi, souffert de cette crise économique et qui ont besoin que l’on puisse les accompagner dans l’accès aux financements, dans le développement d’activités génératrices de revenus. Ce seront les deux axes de notre plan à moyen terme 2022-2025.
Partenariat de 10M€ en faveur de l’entrepreneuriat africain entre la BEI et la Fondation
16 février 2022
De petits entrepreneurs du continent Africain vont bénéficier d’un partenariat de 10 millions d’euros entre la Banque européenne d’investissement et la Fondation Grameen Crédit Agricole
- Coopération continue visant à renforcer l’accès à la microfinance des entrepreneurs ruraux défavorisés qui ont été touchés par la pandémie de COVID-19
- Programme visant à soutenir les institutions de microfinance dans différents pays d’Afrique, en mettant l’accent sur l’égalité des sexes
- Le secteur privé africain bénéficiera d’un financement en devise locale et du soutien aux petites institutions de microfinance
L’accès au financement des entrepreneurs et des entreprises touchés par la COVID-19 dans les régions rurales des pays subsahariens sera renforcé par une nouvelle initiative de financement ciblée de 10 millions d’euros lancée par la Banque européenne d’investissement (BEI) et la Fondation Grameen Crédit Agricole en amont du premier sommet UE-Afrique tenu depuis la pandémie.
Cette toute dernière coopération entre la Banque européenne d’investissement, la plus grande banque publique internationale au monde, et la Fondation Grameen Crédit Agricole, l’un des principaux bailleurs de fonds en microfinance dans toute l’Afrique, s’attachera à veiller à ce que les petites entreprises puissent accéder au financement, créer des emplois et lutter contre la pauvreté.
« Il est essentiel de s’assurer que les entrepreneurs et les communautés d’Afrique puissent accéder au financement afin de générer de nouvelles opportunités, d’accélérer l’inclusion sociale et de renforcer la résilience économique face aux défis engendrés par la pandémie de COVID-19. La BEI s’est engagée à soutenir la microfinance dans toute l’Afrique et nous sommes heureux de renforcer la coopération de longue date avec la Fondation Grameen Crédit Agricole. L’engagement de 10 millions d’euros lancé aujourd’hui profitera directement à de petites entreprises sur le continent », a déclaré Ambroise Fayolle, Vice-président de la Banque européenne d’investissement.
« Il est fondamental de procurer des financements ciblés dans les régions fragiles pour lutter contre la pauvreté, prévenir l’exclusion sociale et générer de nouvelles opportunités qui stimulent la croissance économique. Cette nouvelle coopération entre la BEI et notre Fondation renforcera l’accès des entrepreneurs au financement dans les secteurs touchés par la COVID et dans les communautés isolées et rurales », a déclaré Éric Campos, Directeur général de la Fondation Grameen Crédit Agricole.
Le nouveau partenariat panafricain en faveur de la microfinance a été officiellement convenu à Bruxelles en début de journée en amont du sommet UE-Afrique lors du Forum des affaires UE-Afrique.
Améliorer l’accès du secteur privé au financement dans les communautés défavorisées
La nouvelle coopération entre la BEI et la Fondation Grameen Crédit Agricole contribuera à renforcer l’activité de microfinance dans toute l’Afrique en fournissant des financements à long terme et en devise locale aux institutions de microfinance locales.
L’investissement devrait financer plus de 147 000 prêts destinés à des travailleurs indépendants et micro-entreprises, tout en maintenant jusqu’à 36 000 emplois. Compte tenu de l’importance de l’autonomisation des femmes et des filles dans toute l’Afrique, le programme permettra de financer environ 98 000 prêts destinés à des femmes entrepreneures.
Relever les défis qui freinent la microfinance en Afrique
Cette nouvelle initiative soutiendra des institutions de microfinance plus petites que celles que la BEI peut directement financer. Ces partenaires de microfinance sont souvent incapables de bénéficier du financement des banques commerciales locales et ne peuvent se développer.
Cette initiative contribuera à l’inclusion financière et sociale et devrait soutenir les entrepreneurs des régions reculées, les micro-entreprises gérées par des femmes et les jeunes qui ont un accès limité ou inexistant aux services financiers. Ces segments vulnérables et mal desservis sont également les plus touchés par la pandémie de COVID-19.
Soutenir les régions fragiles en Afrique
La Fondation Grameen Crédit Agricole pourra allouer le prêt aux nombreuses institutions de microfinance d’Afrique subsaharienne. Le réseau d’institutions de microfinance partenaires couvre seize pays de la région, dont des pays fragiles comme le Bénin, le Togo, le Niger et le Malawi.
S’appuyer sur une coopération de longue date entre les partenaires de la microfinance
La Banque européenne d’investissement et la Fondation Grameen Crédit Agricole coopèrent depuis 2018 pour renforcer la microfinance en Afrique et s’efforcent d’améliorer les bonnes pratiques en matière de microfinance et d’aider les entrepreneurs à améliorer leurs compétences professionnelles grâce à des projets d’assistance technique.
La Banque européenne d’investissement est la plus grande banque publique internationale et a consacré plus de 8 milliards d’euros à de nouveaux investissements en Afrique depuis le début de la pandémie.
La Banque européenne d’investissement (BEI) est l’institution de prêt à long terme de l’Union européenne détenue par ses États membres. Elle met à disposition des financements à long terme destinés à des investissements sains afin de contribuer à la réalisation des objectifs politiques de l’UE.
Créée en 2008 à l’initiative conjointe du Crédit Agricole et du Prix Nobel de la Paix le professeur Muhammad Yunus, la Fondation Grameen Crédit Agricole finance et soutient avec de l’assistance technique des institutions de microfinance et des entreprises sociales dans près de 40 pays.
Covid-19 : Evolution de la crise dans certains de nos pays d’intervention
Depuis le début de la pandémie, la Fondation Grameen Crédit Agricole suit l’évolution de la crise sanitaire dans ses pays d’intervention afin de mieux comprendre ses effets sur les institutions de microfinance soutenues et leurs clients. Après Covid-19 : l’impact de la crise sur la microfinance, cette nouvelle publication compile les données et les analyses de certains pays où la Fondation intervient.
La Fondation a fait le choix d’analyser des outils de mesure accessibles, quantitatifs et qualitatifs. Les indicateurs quantitatifs se centrent notamment sur le nombre de cas Covid et le nombre de décès, qui sont analysés en moyenne sur 7 jours et en proportion sur 1 million d’habitants afin d’avoir de données comparatives. Le pourcentage d’habitants entièrement vaccinés est aussi pris en compte pour évaluer l’efficacité de la campagne vaccinale dans le pays. Les outils de mesure qualitatifs reposent sur les actions du gouvernement en réponse à la crise, l’impact de la pandémie sur l’économie et la cartographie sanitaire (pays rouge, orange ou vert) développé par la France.
Les sources proviennent exclusivement d’entités compétentes telles que le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, le Fonds monétaire international, le Ministère Français des Affaires étrangères, le Ministère de la Santé publique, l’Organisation de la coopération et du développement économiques, la Banque Mondiale et l’Organisation Mondiale de la Santé.
Avec cette publication, destinée aux décideurs publics, financeurs, opérateurs et institutions de microfinance, nous espérons contribuer à la compréhension des effets de la Covid-19 sur le secteur de la microfinance pour mieux se préparer, innover et répondre à la crise.
Le digital au cœur des orientations stratégiques des institutions de microfinance
ADA, Inpulse et la Fondation Grameen Crédit Agricole se sont associés en 2020 pour suivre et analyser les effets de la crise Covid-19 sur leurs institutions de microfinance (IMF) partenaires dans le monde. Ce suivi a été réalisé périodiquement en 2020 et 2021 afin d’avoir une meilleure vision de l’évolution de la crise à l’international. Les conclusions exposées dans cet article font suite à la dernière étude menée en novembre 2021. Avec cette analyse régulière, nous espérons contribuer, à notre niveau, à la construction de stratégies et de solutions adaptées aux besoins de nos partenaires, ainsi qu’à la diffusion et à l’échange d’informations entre les différents acteurs du secteur.
Les résultats présentés proviennent de la 8e enquête de la série commune (1) à ADA, Inpulse et la Fondation Grameen Crédit Agricole. Les 70 institutions qui ont répondu sont situées dans 39 pays d’Europe de l’Est et d’Asie centrale (EAC-24%), d’Afrique subsaharienne (ASS-38%), d’Amérique latine et Caraïbes ( ALC-20%), d’Asie du Sud et du Sud-Est (ASSE-9%) et du Moyen-Orient et Afrique du Nord (MOAN-9%) (2) .
1. Malgré la reprise des opérations, la croissance est limitée par une faible demande
Au cours du 2e semestre 2021, le contexte Covid-19 s’est largement amélioré pour nos institutions de microfinance partenaires. En effet, en novembre 2021, 64% d’entre elles indiquent que les mesures d’endiguement de l’épidémie dans leurs pays s’étaient allégées par rapport à celles connues dans l’été et 70% des répondants (49 IMF) ne rencontrent plus de contraintes liées à la Covid-19 dans leurs activités.
Les IMF d’Europe de l’Est (Bulgarie, Lituanie, Moldavie et Roumanie) ressortent comme une exception à cette dynamique puisqu’une partie d’entre elles (7 IMF sur 13 dans cette sous-région) témoignent d’un contexte durci lors de cette période, en lien avec le regain épidémique dans la région au dernier trimestre. Cela se matérialise notamment par des difficultés à rencontrer les clients sur le terrain ou en agence et donc à mener les activités de manière générale (collecte et déboursement de prêts).
C’est dans ce contexte changeant que les IMF opèrent depuis près de deux ans désormais. Bien que la tendance soit à l’amélioration des conditions, les performances opérationnelles restent inférieures aux prévisions au fur et à mesure des enquêtes : 53% des sondés (37 IMF) indiquent ne pas avoir atteint leurs objectifs de déboursements depuis le début de l’année. Ce phénomène se retrouve globalement dans chaque région, à l’exception de la zone ALC (dont la plupart des partenaires sont situés en Amérique Centrale).
Les faibles niveaux de décaissements sont liés avant tout aux difficultés que connaissent les clients des IMF. Parmi les IMF qui n’ont pas les niveaux de croissance attendus cette année, les deux raisons les plus avancées (respectivement 54% et 49%) sont le profil de risque détérioré de la clientèle et la réticence des clients à prendre de nouveaux prêts. Cette justification se confirme d’ailleurs par le fait que 53% des répondants ont encore un portefeuille à risque plus élevé qu’avant la crise. Cette augmentation du risque persistante et la situation d’une partie des clients des IMF dont les besoins sont faibles, voire inexistants, limite donc les possibilités de développement des IMF.
2. La digitalisation reste la grande priorité des institutions de microfinance
Malgré une reprise économique à la fois progressive et contrastée, la proactivité des IMF pour s’adapter aux enjeux ponctuels et futurs continue de se vérifier au fil des mois. Dès le début de la crise, nous avions remarqué que la crise avait nourri la réflexion autour de sujets stratégiques. En fin d’année 2021, 47% des IMF confirment que les pistes importantes de travail pour les années à venir ont émergé avec la crise. Surtout, les thématiques les plus mentionnées au début de la pandémie (développement de produits pour l’agriculture, adaptation de l’offre, digitalisation) sont toujours au cœur des orientations que devraient prendre les institutions partenaires.
La mise en place de solutions digitales (internes et externes) ressort comme l’axe de développement principal. La digitalisation est en effet incontournable pour pallier les difficultés de contact direct avec les emprunteurs, sujet mis en exergue dès le début de la pandémie. Nous notons d’ailleurs que l’attrait pour le digital se retrouve dans toutes les régions mais qu’il est plus ou moins prononcé en fonction de la taille des IMF : 69% (9 IMF) des institutions de Tiers 1 (3) pensent lancer des nouveaux produits et service digitaux alors que cela ne concerne que 47% (15 IMF) des Tiers 2 et 24% (5 IMF) des Tiers 3.
Les autres axes stratégiques mentionnés le sont dans une moindre mesure. Cependant, 30% des répondants prévoient de s’orienter davantage vers le secteur de l’agriculture. Les réponses à ce sujet ne font pas ressortir de corrélation marquée que ce soit en termes de taille des IMF ou de localisation ; seule la région ASSE montre un intérêt particulier (67%). Cette piste fait écho aux témoignages que nous avions récoltés il y a un an et demi : ce secteur était alors apparu comme l’un des moins touchés par la crise de la Covid-19. Cette intention de plus investir dans le secteur agricole est particulièrement positive tant ce secteur représente à la fois un enjeu économique, social et environnemental pour les années à venir.
Enfin, un autre point saillant parmi les réponses de nos partenaires est la formation et la sensibilisation des clients sur différentes thématiques : l’usage des solutions digitales (27%), l’éducation financière (27%), la santé (11%) ou la protection de l’environnement (11%). Si ces sujets sont moins plébiscités, ils sont en lien avec les axes de développement des IMF mentionnés ci-dessus et mettent en avant la nécessité d’accompagner les clients pour qu’ils s’adaptent à ces changements.
3. La capacité de mise en œuvre de ces stratégies varie en fonction de la taille des IMF
Nous notons que 76% des IMF ont déjà démarré la mise en place de mesures en lien avec ces axes stratégiques et 16% prévoit de lancer des actions dans ce sens dans les mois à venir. Ainsi, seul 7% de l’échantillon présente des perspectives moins évidentes sur ce point. Un certain décalage dans la mise en place de ces mesures émerge toutefois en fonction de la taille des institutions : les IMF de Tiers 1 ont pour la très vaste majorité (93%) déjà mis en place de telles mesures alors que cette proportion baisse à 77% pour les Tiers 2 et 64% pour les IMF de Tiers 3.
Ces différences par taille d’IMF (que nous constations déjà dans des travaux de 2020 sur les conséquences directes de la crise sur les IMF (4)) se retrouvent aussi sur le niveau du soutien attendu de la part des parties prenantes externes (investisseurs, donateurs, etc.). Alors que l’assistance technique (69% des réponses) et le financement dédié (66%) sont les deux composantes qui ressortent le plus pour avancer sur ces thématiques, elles sont bien plus sollicitées par les IMF de Tiers 2 et 3. De même, les IMF de la zone EAC sont les seuls à marquer une certaine indépendance à ce sujet, un tiers des répondants de la zone ne soulignant aucun besoin de soutien.
Les IMF de plus grande taille paraissent donc plus armées et autonomes après la crise pour relever leurs prochains défis, comme elles le furent au pic de la crise. En parallèle, même si c’est dans une moindre mesure, une partie de celles de plus petite taille confirme également des orientations fortes pour les années à venir. Malgré des moyens moins importants, elles n’en sont donc toutefois pas moins ambitieuses.
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(1) Les résultats des sept premières enquêtes sont accessibles ici : //www.gca-foundation.org/observatoire-covid-19/, //www.ada-microfinance.org/fr/crise-du-covid-19/ et //www.inpulse.coop/news-and-media/
(2) Nombre d’IMF répondantes par région : EAC : 17 IMF ; ASS 27 IMF ; ALC : 14 IMF ; ASSE 6 IMF ; MOAN : 6 IMF.
(3) Les IMF de Tiers 3 ont un encours de crédit inférieur à 5 millions USD, les Tiers 2 entre 5 et 50 millions USD et les Tiers 1 supérieur à 50 millions USD.
(4) //www.gca-foundation.org/la-crise-covid-19-des-impacts-varies-selon-la-taille-des-imf/
Des signaux de reprise économique encore contrastés
ADA, Inpulse et la Fondation Grameen Crédit Agricole se sont associés en 2020 pour suivre et analyser les effets de la crise liée à la Covid-19 sur leurs institutions de microfinance partenaires dans le monde. Ce suivi a été réalisé périodiquement tout au long de l’année 2020 afin d’avoir une meilleure vision de l’évolution de la crise à l’international. Nous prolongeons ces travaux cette année, à un rythme trimestriel. Les conclusions exposées dans cet article font suite au deuxième trimestre 2021. Avec cette analyse régulière, nous espérons contribuer, à notre niveau, à la construction de stratégies et de solutions adaptées aux besoins de nos partenaires, ainsi qu’à la diffusion et à l’échange d’informations entre les différents acteurs du secteur.
En résumé
Les résultats présentés dans les pages suivantes proviennent de la septième enquête de la série commune[1] à ADA, Inpulse et la Fondation Grameen Crédit Agricole. Les réponses de nos institutions de microfinance (IMF) partenaires ont été rassemblées lors de la deuxième quinzaine de juillet 2021. Les 78 institutions qui ont répondu sont situées dans 40 pays d’Afrique subsaharienne (SSA-32%), d’Amérique latine et Caraïbes (LAC-30%), d’Europe de l’Est et d’Asie centrale (EAC-22%), , du Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA-9%) et d’Asie du Sud et du Sud-Est (SSEA-6%)[2].
La tendance générale assez positive cache malgré tout des réalités très contrastées entre institutions qui repartent en croissance (les plus nombreuses), et d’autres continuant à rencontrer des conditions économiques difficiles. Le premier groupe affiche une croissance de leurs encours et des projections de développement en tendance positive pour la fin d’année 2021. Ces perspectives restent néanmoins mesurées (majoritairement entre 0 et 10% de croissance de portefeuille) puisque certains facteurs comme la demande des clients ou la gestion du risque se répercutent toujours sur les possibilités d’expansion.
En revanche, quelques institutions se heurtent à des difficultés propres à des contextes sanitaires dont les effets pèsent sur la vie économique et se répercutent très fortement sur les volumes d’opérations. Partant, la rentabilité de leurs performances financières s’en trouve affectée au point de se matérialiser négativement, pour les plus fragiles, sur leurs fonds propres.
- Un contexte opérationnel qui continue globalement à s’améliorer
La réduction des contraintes opérationnelles et la reprise graduelle des activités se confirment à nouveau dans cette dernière enquête. Bien sûr, cette tendance cache quelques disparités moins bien orientées en raison des mesures prises pour lutter contre la propagation du virus. Début juillet 2021, 47% des institutions interrogées déclarent ne plus rencontrer de contraintes opérationnelles au quotidien (figure 1). Egalement, toutes les contraintes liées au déplacement dans le pays et à la rencontre des clients ne concernent pas plus de 20% des sondés.
Cela se reflète de fait dans le niveau d’activité des institutions : 72% des IMF ont soit repris un rythme semblable à celui d’avant la crise, soit connaissent une reprise progressive sans interruption majeure (figure 2). Ce phénomène est particulièrement visible dans la région ECA où le niveau d’activité n’a pas baissé pour la quasi-totalité des institutions. Dans les régions LAC et SSA, une majorité d’organisations est dans la même situation (respectivement 63% et 68%). Dans ces régions, les difficultés se font particulièrement ressentir en Afrique de l’Est, au Panama et au Honduras. Enfin, pour les IMF de la région MENA, la tendance est à la reprise tandis que celles situées en SSEA font largement face à de nouvelles difficultés (Cambodge, Laos, Myanmar, Sri Lanka).
- Une partie des institutions de microfinance a retrouvé la croissance
C’est dans ce contexte que les IMF continuent de débourser des prêts à leurs clients. Alors que la hausse du portefeuille à risque (PAR) et la réduction du portefeuille de crédits ont été les conséquences financières majeures de la crise en 2020, seules 36% des IMF sondées en juillet indiquent encore constater le recul de leur encours de prêt (figure 5).
Cette analyse positive dissimule néanmoins un processus lent, comme montré par les réponses de nos partenaires concernant l’atteinte ou non de leurs objectifs de déboursements au Q2 2021. Plus de la moitié (53%) indique ne pas avoir atteint ses objectifs de déboursements sur cette période, un chiffre relativement proche de celui obtenu au premier trimestre. Ce résultat n’est d’ailleurs pas totalement corrélé avec le niveau des opérations d’une organisation : plus de la moitié des IMF dans les régions LAC et SSA font état d’objectifs non-remplis malgré un environnement opérationnel favorable. Notons que trois raisons majeures sont citées par les IMF qui n’ont pas atteint leurs objectifs de croissance lors de ce trimestre : la baisse des montants demandés par les clients (45% d’entre elles), la réticence des clients à s’engager pour de nouveaux prêts (43%) et la gestion du risque en se concentrant seulement sur les clients existants (38%). Ainsi, les IMF de la région EAC font figures d’exception avec des excellentes performances au Q2 2021.
Même si ces indicateurs montrent un rythme de développement inconstant, l’année 2021 devrait cependant bien se terminer sur une croissance de l’encours de crédits pour la vaste majorité des IMF. En effet, 86% des institutions interrogées prévoient d’avoir un encours supérieur à celui de décembre 2020 à la fin de l’année 2021. Cette croissance sera d’ailleurs raisonnable pour une grande partie d’entre elles : 44% des répondants prévoient une croissance entre 0 et 10% du portefeuille, en particulier dans les régions MENA et LAC. Pour un peu plus d’un tiers des IMF (36%), elle sera entre 10 et 30%. Les projections sont partagées entre ces deux estimations dans les trois autres régions analysées. Notons enfin qu’une proportion de 10 à 20% des IMF dans chaque zone prévoit une réduction de leur encours.
- Bien que toujours présent, le risque de crédit demeure maitrisé
Malgré ces indices rassurants concernant la croissance du portefeuille, les IMF doivent toujours gérer un risque de crédit élevé, vestige pour l’instant persistant de la crise. En effet, 58% des sondés au Q2 2021 témoignent du fait que leur portefeuille à risque actuel reste supérieur à celui de début 2020. Si certaines institutions ont toujours un moratoire actif (seulement 5%), les prêts des clients en difficultés au début de la crise apparaissent désormais dans le PAR, en tant que prêt restructuré ou en retard de paiement. A cela s’ajoutent les clients en retard de paiement qui n’ont pas eu de moratoire. L’ensemble de ces prêts fait l’objet d’un provisionnement pour couvrir le risque avéré de défaut. Dès lors, nous retrouvons la baisse de la profitabilité comme une autre conséquence financière majeure de la crise, alimentée par la forte hausse des dépenses de provisionnement et la réduction de l’encours.
Dans le détail, il apparait que 59% de nos partenaires ont augmenté leur niveau de provisionnements par rapport à l’avant crise (figure 6). Pour la plus grande partie d’entre eux (71% de ces 59%), la hausse se situe entre 0 et 25% du montant habituel, situation que l’on retrouve dans chaque zone exceptée la région SSEA. A l’inverse, il existe un groupe d’IMF (40%) ne constatant plus de hausse majeure du risque de crédit et dont les dépenses de provisionnement sont similaires au passé, voire à la baisse. Dans cette optique, la zone ECA se démarque à nouveau puisque c’est le cas pour près de 60% des organisations sondées de la région.
Néanmoins, comme nous le remarquions lors de nos récentes études, cela ne s’est pas encore matérialisé par une très forte hausse de la radiation de prêts. A la fin du deuxième trimestre 2021, 59% des répondants indiquaient en effet que les niveaux de prêts radiés pour l’année était soit en baisse par rapport aux années précédentes, soit au même niveau. Néanmoins, 13% des IMF ont dû radier au moins le double de ce qu’elles avaient connu avant la crise.
- Des fonds propres jusqu’ici majoritairement épargnés
La profitabilité des institutions de microfinance se retrouve affectée par le retour des activités, la variation de l’encours de crédit et la couverture du risque (facteurs présentés dans les paragraphes ci-dessus). Pour 51% de nos partenaires, la tendance est à la baisse (figure 5). Cependant, les informations récoltées à fin juin 2021 sont rassurantes : 80% des sondés ont un niveau de profitabilité au moins à l’équilibre, ce qui n’a donc pas de conséquences sur le capital de leur structure (figure 7). Dans le même sens, malgré un résultat négatif, 11% des sondés ne sentent pas de pression au niveau de leurs fonds propres. La situation est néanmoins plus critique pour 8% des partenaires interrogés, dont le niveau de capitalisation se retrouve en danger, entrainant un potentiel bris de covenant avec leurs bailleurs ou le régulateur.
Face aux difficultés de certains clients, qui doivent faire face à de nouvelles vagues de complications liées à la pandémie de Covid-19 ou à d’autres facteurs, de potentielles pertes pourraient atteindre la solvabilité d’institutions de microfinance. Certaines nécessitent déjà l’intervention de leurs actionnaires ou investisseurs. Nous apprenions dans notre dernière étude que le type d’actionnaires vers lesquels les institutions souhaitent s’orienter dépend de la raison pour laquelle cet appui est nécessaire (couvrir des pertes ou bien, croître). Il ressort de cette enquête que la question se pose déjà pour 20% des sondés : des besoins peuvent apparaitre malgré un soutien récent au niveau du capital, mais certaines IMF sont également sans solution face à ce sujet (10%). Ces cas montrent que l’impact de la crise se manifestera encore sur des institutions déjà durement affectées par cette période inédite, mais aussi sur des IMF moins robustes. La vigilance aux besoins en capital demeure de mise puisque l’impact à long terme du risque de crédit pourrait faire basculer la donne pour d’autres organisations si la situation générale ne s’améliore pas, par exemple avec l’arrivée de nouvelles vagues épidémiques.
[1] Les résultats des cinq premières enquêtes sont accessibles ici : //www.gca-foundation.org/observatoire-covid-19/, //www.ada-microfinance.org/fr/crise-du-covid-19/ et //www.inpulse.coop/news-and-media/
[2] Nombre d’IMF répondantes par région : EAC 17 IMF ; SSA 25 IMF ; LAC 24 IMF ; SSEA 5 IMF ; MENA : 7 IMF.
La Fondation publie son rapport “L’impact de la crise sur les institutions de microfinance”
La pandémie de Covid-19 a touché toutes les économies en impactant particulièrement les économies fragiles et les populations les plus vulnérables.
La Fondation Grameen Crédit Agricole s’est intéressée aux effets sans précédent de cette crise planétaire sur les institutions de microfinance. Une première enquête a ainsi été lancée en mars 2020 auprès de tous nos partenaires pour comprendre comment ils s’adaptaient aux répercussions de la pandémie qui se faisaient déjà ressentir sur leurs activités. En nous associant dans les mois qui suivirent à deux autres grands acteurs de la finance inclusive, ADA et Inpulse, nous avons étendu la portée de ces études à plus d’une centaine d’institutions présentes sur 4 continents : Afrique, Amérique du Sud, Asie et Europe. Au total, 6 enquêtes ont été menées depuis le questionnaire inaugural du mois de mars.
Vous découvrirez à travers cette publication les résultats de ces études synthétisés sous 3 volets :
S’adapter rapidement aux contraintes opérationnelles
Les enquêtes menées tout au long de l’année 2020 ont révélé trois difficultés majeures : l’impossibilité de rencontrer les clients physiquement, des collectes de remboursements limitées et des contraintes pour décaisser de nouveaux prêts. Pour y remédier, les IMF ont agi de manière proactive et adaptée, traduisant la grande capacité de résilience de ces organisations. Néanmoins, toutes n’ont pas été impactées de la même manière. Ce document retrace ainsi l’évolution de ces contraintes et les mesures mises en place pour y faire face.
Un impact financer significatif et durable
Les contraintes opérationnelles rencontrées ont inévitablement eu des répercussions financières importantes. Parmi elles, deux conséquences majeures ont été visibles chez la quasi-totalité des IMF : une augmentation du portefeuille à risque (PAR) et une réduction de l’encours de crédit. Ces deux phénomènes ont fluctué tout au long de l’année en fonction des contextes locaux et d’autres difficultés financières ont pu apparaitre ponctuellement. L’analyse des indicateurs de performance, détaillée dans ce document, permet de visualiser l’effet durable de la crise.
Perspectives d’avenir
Dans ce contexte, la majeure partie des IMF a résisté et fait preuve d’optimisme. Parmi les axes envisagés pour les prochaines années ressortent un retour à la croissance du portefeuille ainsi que l’ouverture à de nouveaux produits et services, voire à de nouveaux marchés, et ce dès 2021. Vous découvrirez au fil des pages d’autres mesures d’adaptation explorées par les IMF, témoignant d’une volonté qui rassure quant à l’avenir du secteur. Nous devons néanmoins rester vigilants face à l’instabilité du contexte actuel. C’est pourquoi nous maintenons notre démarche de suivi rapproché de la crise auprès de nos partenaires en 2021, à un rythme trimestriel.
L’AFD et la Fondation Grameen Crédit Agricole, un partenariat historique et prometteur
Rémy Rioux, Directeur général,
Groupe Agence française de développement
Partenaire historique, l’Agence française de développement (AFD) soutient les activités de la Fondation depuis plus de 10 ans. Son Directeur, Rémy Rioux, nous partage sa vision sur l’impact de la crise économique et sanitaire générée par la pandémie Covid-19 sur le continent africain et son bilan du partenariat avec la Fondation.
—Quels ont été selon vous les points d’impact de la crise sanitaire sur le continent africain et comment l’AFD a agi face à cette crise ? Quels ont été vos principaux axes d’intervention ?
R. R. : L’Afrique a connu en 2020 un choc, dont je rappelle qu’il lui est totalement exogène, sans précédent. Le continent est apparu assez résilient sur le plan sanitaire, moins sur le plan économique. Une récession inédite, de 2,6% en moyenne, a touché plus d’une quarantaine de pays de façon simultanée. Au-delà de l’impact conjoncturel, la crise fait surtout redouter une fragilisation en profondeur des économies et des sociétés.
Le groupe Agence française de développement (AFD) s’est mobilisé très rapidement pour soutenir ses partenaires. Sur le plan sanitaire, avec une initiative Santé en commun d’1,2 milliards d’euros, dont la moitié en Afrique pour une cinquantaine de projets et près de 130 millions d’euros en dons ; et sur le plan économique avec notre programme « Choose Africa » en soutien au tissu entrepreneurial puis son renforcement avec un volet Résilience, portant le programme à 3,2 milliards d’euros engagés d’ici 2022. Enfin, nous soutenons, dans la continuité du Sommet « Finance en Commun », les banques publiques de développement africaines –il en existe une centaine sur le continent– pour en faire des relais de croissance durable.
—Quel bilan faites-vous du partenariat historique avec la Fondation Grameen Crédit Agricole ?
R. R. : Depuis plus de 10 ans, le groupe AFD accorde à la Fondation des garanties de portefeuille et individuelles et finance la Facilité africaine qui nous permet d’accompagner des institutions de petite taille au profit des populations défavorisées, en parti culier en zones rurales. Depuis 2020, la relation partenariale avec la Fondation est assurée par Proparco, notre filiale dédiée au secteur privé. Au-delà du partenariat financier, nous apprécions la qualité de la relation entre nos deux institutions, empreinte de confiance et de transparence. Le caractère primordial du soutien au secteur de la microfinance a été renforcé par la crise Covid-19 et travailler avec la Fondation constitue un levier solide pour renforcer le secteur.
—Une grande institution comme la vôtre et un acteur agile comme la Fondation peuvent-ils encore inventer de nouvelles façons d’agir et dans quels domaines prioritaires ?
R. R. : C’est la complémentarité de nos deux institutions et de leurs modes d’intervention qui font la force du partenariat et sa pertinence au service de plusieurs axes d’intervention prioritaires, à savoir : le soutien au développement de la microassurance, en particulier la microassurance agricole ; l’accompagnement des institutions de microfinance dans l’amélioration de la gestion de la performance sociale ; le développement de l’offre digitale du secteur de la microfinance ; et la microfinance verte. Le contexte de la crise est venu renforcer la pertinence de ces domaines d’intervention.
La crise Covid-19 et les inégalités entre les sexes
Par Miren Bengoa, Administratrice, membre du Comité Finance, Risques et Impact,
Fondation Grameen Crédit Agricole &Directrice Action Internationale, Groupe SOS
Administratrice de la Fondation Grameen Crédit Agricole depuis 2020, Miren Bengoa est, depuis janvier 2021, la nouvelle Directrice Action Internationale du Groupe SOS. Elle était à la tête, depuis 2011, de la Fondation CHANEL qui a vocation à soutenir des projets améliorant la situation économique et sociale des femmes. Son regard sur l’impact de la crise Covid-19 sur l’égalité femmes-hommes et les réponses pour y faire face.
— Quel est l’impact de la Covid-19 sur la condition des femmes ?
M. B. : La montée des inégalités entre les femmes et les hommes est l’une des conséquences immédiates de la crise Covid-19. Nous avons constaté au cours de cette pandémie une augmentation des actes de violence envers les femmes et les filles et un recul de l’apprentissage des filles à mesure que les taux d’abandon scolaire et les mariages d’enfants augmentent. Des dizaines de millions de femmes supplémentaires ont sombré dans l’extrême pauvreté, car elles perdent leur emploi à un rythme plus élevé que les hommes, et pâtissent de leurs difficultés à accéder aux nouvelles technologies et de leur manque de compétences numériques.
— En quelques mots, quel est aujourd’hui le panorama des inégalités entre les sexes dans le monde ?
M. B. : Les projections actuelles indiquent que l’égalité femmes-hommes ne sera pas atteinte pendant encore 130 ans. En 2020, les femmes représentaient en moyenne (à l’échelle mondiale) 4,4% des chefs d’entreprise, 16,9% des membres des conseils d’administration, 25% des parlementaires et 13% des négociateurs de paix. Seuls 22 pays ont actuellement à leur tête une femme cheffe d’État ou de gouvernement (UN Women, 2020). Nous avons besoin d’une meilleure représentation des femmes qui reflète les femmes et les filles dans leur diversité et leurs capacités.
— Comment l’entrepreneuriat féminin peut être une réponse à la crise ?
M. B. : Les femmes entrepreneures ont été en première ligne et fortement affectées par la baisse de l’activité économique. Néanmoins, elles sont également porteuses de solutions innovantes et doivent être soutenues au mieux par les financeurs et les pouvoirs publics. Etant fortement impliquées dans la réponse aux besoins communautaires, elles ont pu adapter leurs activités aux contraintes dues à la pandémie. Cela n’a pas été évident : elles ont parfois renoncé à une activité lucrative pour s’occuper en priorité de leurs familles.
— Promouvoir l’autonomisation des femmes est une des missions de la Fondation Grameen Crédit Agricole. Quelles devraient être les priorités pour renforcer cette ambition ?
M. B. : Depuis sa création, promouvoir l’autonomisation des femmes est au cœur de l’action de la Fondation : parmi les 7 millions de clients des institutions de microfinance soutenues, 73% sont des femmes bénéficiaires des microcrédits pour créer ou développer des activités génératrices de revenus. Le maintien des financements, la flexibilité apportée dans le report d’échéances et l’analyse fréquente des besoins de ces institutions sont et seront clés pour leur permettre de retrouver une capacité d’action en faveur de l’entrepreneuriat féminin.
COVID-19 : La gouvernance de la Fondation pendant la crise sanitaire
Coup de projecteur sur l’interview croisée de Sylvie Lemmet, Présidente du Comité Finance, Risques et Impact, Jérôme Brunel, Président du Comité Conformité et Contrôle interne, et Bernard Lepot, Président du Comité d’Investissement, à découvrir dans le Rapport intégré 2020 de la Fondation.
En vous remémorant le moment de la survenance de la crise, pouvez-vous nous dire quelle fut à ce moment-là votre perception ?
Bernard Lepot : Dès le mois de mars nous avons tous compris que nous étions en « terra incognita » pour une durée indéterminée avec des conséquences systémiques peu lisibles. Tous les continents étaient touchés dont l’Afrique et l’Asie où nous avons l’essentiel de nos activités. Le risque de fortes difficultés de nos partenaires étaient probables avec possiblement d’importantes provisions pour la Fondation. Malgré cette absence de visibilité, il fallait, pour le Conseil, définir rapidement la posture de la Fondation que nous résumons ainsi : soutien à nos partenaires existants et concertation avec les autres prêteurs internationaux.
Sylvie Lemmet : En mars dernier, nous étions dans l’inconnu total. Avec le sentiment que la crise allait frapper fortement les pays en développement et que nous allions être confrontés à des faillites potentielles et des pertes pour la Fondation. Nous étions inquiets pour nos partenaires.
Jérôme Brunel : Je craignais que l’impact de la pandémie, dont je pensais qu’elle allait affecter plus fortement les pays en voie de développement ou émergents moins développés –ce qui n’a d’ailleurs pas été confirmé–, fragiliserait la solidité des contreparties de la Fondation entraînant un montant substantiel de provisions, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent grâce à la résilience des organisations soutenues ainsi qu’à la coordination et les actions communes des différents acteurs du secteur de la finance inclusive.
Quel a été le rôle du Comité que vous présidez dans ce contexte ?
J.B. : Le Comité de Conformité et de Contrôle interne a joué pleinement son rôle en adaptant le dispositif de contrôle interne à la montée des risques Covid-19, en organisant une formation sur les méthodes de restructuration de dettes, en adaptant la politique de provisionnement et en approfondissant la collecte des informations sur les clients finaux de nos contreparties. Mais à vrai dire, c’est surtout le Comité des Finances, Risques et Impacts qui avait le rôle premier dans la mobilisation de la gouvernance de la Fondation pour faire face aux conséquences de la pandémie.
S.L. : Le Comité Finance, Risque et Impact (FRI) comprend déjà le Président du Comité de Conformité et de Contrôle interne parmi ses membres. L’an dernier, nous avons immédiatement senti le besoin de faire le lien avec le Comité d’Investissement et son Président a aussi siégé dans le Comité FRI. L’évolution de la gouvernance avec ce comité ad hoc s’est révélée extrêmement positive. Cela nous a permis de construire ensemble et avec le Comité de Direction de la Fondation une bonne compréhension de la situation globale (l’impact sur le portefeuille, la liquidité et la marge) et une doctrine d’intervention, que nous avons faite évoluer au fur et à mesure de la crise. L’objectif : fournir l’oxygène nécessaire à nos partenaires tout en « monitorant » le risque de défaut de remboursement.
B.L. : Une fois la feuille de route établie, le Comité d’Investissement a continué à se réunir tous les mois mais en visio-conférence avec une activité de nouveaux dossiers bien sûr réduite mais avec un suivi rapproché des reports d’échéance accordés aux institutions de microfinance qui en faisaient la demande et plus généralement, un suivi du risque renforcé. Le Conseil avait également décidé la création d’une instance ad hoc réunissant les 3 Présidents des Comités spécialisés pour examiner et approfondir les adaptations éventuelles de la stratégie de la Fondation. Cette structure s’est réunie plusieurs fois permettant les échanges avec les équipes et l’éclairage du Conseil avant décisions.
Un an après, quels sont les enseignements que vous tirez de cette expérience et quelles perspectives voyez-vous pour la Fondation en 2021 ?
S.L. : Un an après, je suis avant tout rassurée par la qualité des femmes et des hommes qui forment l’exécutif de la Fondation et qui ont su réagir avec beaucoup de souplesse, de professionnalisme et d’engagement dans une situation inédite. Nous avons su maîtriser les risques financiers sans abandonner nos partenaires en difficulté. Nous avons pu tester la résilience des organisations soutenues, ce qui rassure à la fois sur leur qualité et sur la résistance du secteur de la microfinance face aux chocs. C’est d’ailleurs un point qu’il faudra creuser pour mieux comprendre les mécanismes qui se sont mis en oeuvre localement et l’impact social réel derrière la bonne performance financière. Pour 2021, nous espérons tous le retour d’une situation moins chaotique et la reprise des activités. Il faudra tirer les leçons des instructions à distance et jongler avec une activité qui semble reprendre mais des déplacements qui restent limités. La pandémie n’est pas encore derrière nous, mais j’espère qu’elle restera sous contrôle dans nos pays d’intervention.
J.B. : La crise sanitaire a montré d’abord, la solidité des engagements pris par la Fondation, c’est-à-dire le choix judicieux de ses contreparties. Ensuite, la qualité de la réaction de l’équipe –et de son Délégué général– pour s’adapter à ce contexte inédit, aidée par la mobilisation de son Conseil et de ses Comités spécialisés. Enfin, l’engagement de la Fondation à continuer malgré cet environnement « hostile » l’activité de prêteur et à soutenir les institutions de microfinance par une initiative internationale pour harmoniser les politiques des autres prêteurs et par un travail précis de dialogue avec chacun des emprunteurs.
B.L. : Un an après, il convient de souligner la remarquable mobilisation et adaptation des équipes de la Fondation avec une grande collaboration entre les différentes fonctions. A ce jour, il faut noter aussi la grande résilience de notre portefeuille, peut-être même au-delà de ce que nous pensions. Une bonne information et implication du Conseil lui a permis d’exprimer sans réserve son soutien et sa solidarité à la stratégie et aux actions de la Fondation. Pour 2021 les choses sont toujours très incertaines avec peut-être une meilleure visibilité au 4e trimestre, mais là encore rien n’est sûr. Espérons que 2021 sera une année de transition permettant de reprendre nos activités de développement en 2022.
Téléchargez le Rapport Intégré 2020 ici.
En 2020, la Fondation a renforcé son activité d’assistance technique
Par Violette Cubier, Responsable AT, Fondation Grameen Crédit Agricole
En 2020, nous poursuivons le développement de notre troisième métier : l’assistance technique au bénéfice de nos partenaires. Nos missions d’assistance technique ont contribué au renforcement institutionnel et à la résilience des partenaires dans ce temps de crise.
La Fondation appuie ses partenaires via différents programmes d’assistance technique. Cet accompagnement porte sur des thématiques variées telles la gestion des opérations et des ressources humaines, la gouvernance, la gestion financière, la planification stratégique, la digitalisation des opérations et produits, le lancement de nouveaux services, la gestion des risques ou encore la gestion de la performance sociale et environnementale.
La Fondation s’est mobilisée tout au long de l’année 2020 pour assurer un accompagnement rapproché de ses partenaires. Les missions d’assistance technique ont ainsi été adaptées pour répondre aux priorités et aux urgences auxquelles les partenaires ont dû faire face (gestion de la liquidité et de la qualité du portefeuille, plans de continuité des activités), mais aussi pour les accompagner dans leur reprise d’activité, leurs réflexions stratégiques et les transitions nécessaires pour faire face à la crise (digitalisation, renforcement des activités en zone rurale). Nous avons aussi mis en place des actions communes avec d’autres acteurs comme la SIDI et le Fonds Fefisol avec lesquels nous avons organisé des formations en faveur d’une cinquantaine d’organisations en Afrique.
L’année 2020 a également été marquée par un fort développement de nos activités d’assistance technique, avec une montée en puissance des programmes existants et le lancement de nouveaux programmes. Grâce aux nouveaux programmes, la Fondation a étendu les zones géographiques d’intervention en assistance technique et a adressé plus activement des enjeux clé tel s le développement des économies rurales, l’adaptation face au changement climatique ou l’inclusion financière des réfugiés.
La coordination des activités d’assistance technique constitue désormais un axe majeur d’intervention de la Fondation, pour contribuer au renforcement institutionnel de ses partenaires et pour les accompagner dans leurs transitions économique, écologique et digitale et ainsi démultiplier leur impact sur le terrain.
Plus d’informations : //www.gca-foundation.org/assistance-technique
Téléchargez le Rapport Intégré 2020
Le risque de crédit persistant : une menace pour la solvabilité des institutions de microfinance ?
ADA, Inpulse et la Fondation Grameen Crédit Agricole se sont associés en 2020 pour suivre et analyser les effets de la crise liée au Covid-19 sur leurs institutions de microfinance partenaires dans le monde. Ce suivi a été réalisé périodiquement tout au long de l’année 2020 afin d’avoir une meilleure vision de l’évolution de la crise à l’international. Nous prolongeons ces travaux cette année, à un rythme trimestriel. Les conclusions exposées dans cet article font suite au premier trimestre 2021. Avec cette analyse régulière, nous espérons contribuer, à notre niveau, à la construction de stratégies et de solutions adaptées aux besoins de nos partenaires, ainsi qu’à la diffusion et à l’échange d’informations entre les différents acteurs du secteur.
En résumé
Les résultats présentés dans les pages suivantes proviennent de la sixième enquête de la série commune (1) à ADA, Inpulse et la Fondation Grameen Crédit Agricole. Les réponses de nos institutions de microfinance partenaires ont été rassemblées lors de la deuxième quinzaine d’avril 2021. Les 87 institutions qui ont répondu sont situées dans 47 pays d’Europe de l’Est et d’Asie centrale (EAC-25%), d’Afrique subsaharienne (SSA-29%), d’Amérique latine et Caraïbes (LAC-25%), d’Asie du Sud et du Sud-Est (SSEA-13%) et du Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA-8%) (2) .
Alors que l’amélioration générale des contextes locaux liés à la COVID-19 permet aux institutions de microfinance de mieux mener leurs activités, notre dernière enquête montre que les IMF ont néanmoins eu beaucoup de difficultés à atteindre leurs objectifs de développement au premier trimestre 2021. Les raisons évoquées sont principalement liées aux difficultés rencontrées par les clients des IMF. Ces derniers sont réticents à s’engager avec de nouveaux emprunts, et s’ils le font c’est avec des montants moindres que par le passé. Dans le même temps, leur profil de risque s’est détérioré à cause de la crise et les IMF auront plus de difficultés à les financer.
Cette tendance générale de la hausse du risque s’est matérialisée par une baisse de la qualité du portefeuille des IMF. En 2020, elle s’est ultimement répercutée sur les comptes de résultats des institutions avec une augmentation des dépenses de provisionnement. Cela sera vraisemblablement à nouveau le cas cette année, avec des réserves additionnelles mais également la radiation de prêts.
De fait, les opérations des IMF ont été réduites ou ralenties, avec en général une baisse du niveau de leurs fonds propres. C’est en effet une IMF sur deux qui indique avoir des besoins en capital en 2021, et ce quelle que soit la taille. Deux tendances se dégagent alors : les IMF comptent sur leurs actionnaires actuels pour couvrir les pertes liées à la crise. En revanche, les investisseurs internationaux sont attendus pour soutenir leur développement dès cette année. Les réponses formulées par nos partenaires soulignent donc l’enjeu de recapitalisation nécessaire cette année, ce qui impliquera l’ensemble des acteurs du secteur.
1. Malgré la réduction des contraintes, des niveaux de déboursement en demi-teinte
Alors que nous constatons depuis l’été 2020 le progressif mais certain recul des contraintes opérationnelles pour les IMF, ce phénomène se poursuit au premier trimestre 2021. Au total, 50% des IMF indiquent que les mesures en place dans leurs pays sont moins contraignantes en avril par rapport à la fin d’année 2020. Ce point est particulièrement marqué en Afrique subsaharienne (64% des répondants de la zone) et l’Amérique Latine et les Caraïbes (59%). Cela se retrouve dans une moindre mesure pour les IMF d’Europe et Asie Centrale, où la situation est soit en amélioration, soit stable. Enfin, la situation est opposée en Asie du Sud et du Sud-Est, avec 45% des répondants de la zone qui signalent un contexte plus difficile, les situations cambodgiennes et birmanes pesant notamment sur les résultats.
Dans l’ensemble, ce sont même près de la moitié des sondés qui indiquent ne rencontrer plus aucune contrainte opérationnelle pour mener leurs activités. Cela se reflète dans la reprise d’activité des IMF : 52% de celles d’Afrique subsaharienne peuvent travailler comme avant la crise. En Amérique Latine, c’est une vaste majorité d’entre elles qui reprennent l’activité progressivement depuis les premières difficultés rencontrées. En Europe et Asie Centrale, la situation est partagée à nouveau, entre reprise progressive ou quasi-complète. A l’inverse, pour les IMF de la région SSEA, le contexte dégradé se matérialise dans des activités, soit toujours contraintes, soit à nouveau affectées par de nouvelles mesures d’endiguement de l’épidémie.
Malgré ces signaux positifs et continus sur le niveau d’activité de nos partenaires, il s’avère que le niveau de déboursement de prêts prévu pour le trimestre est encore difficile à atteindre. Ainsi, 55% des sondés indiquent ne pas avoir atteint leurs objectifs de déboursements de prêts au premier trimestre 2021. Seulement 10% des sondés ont dépassé leurs attentes, tandis 35% ont réussi à remplir leurs objectifs. Les réponses ne semblent pas liées uniquement à la reprise des activités : par exemple, 80% des IMF d’Afrique subsaharienne n’ont pas atteint leurs objectifs de déboursements au premier trimestre alors que la moitié dit avoir repris un niveau d’activité proche de celui d’avant la crise.
Lorsque les IMF n’ont pas atteint leurs objectifs de croissance en début d’année, trois raisons ressortent pour expliquer ce phénomène. Tout d’abord, le fait que les clients soient encore réticents à prendre de nouveaux prêts (58% de ce groupe), en particulier dans un contexte toujours assez incertain. Ensuite, cela s’explique par le profil de risque des clients qui s’est détérioré (50%), et qui ne sont plus éligibles à des prêts, ou alors le sont pour des montants moins importants (38%).
Ces deux derniers arguments sont également mentionnés par les IMF qui ont atteint leurs objectifs sans les dépasser. Néanmoins, cette dynamique est compensée en partie par le fait que les institutions se sont ajustées face à la crise et ont mis en place des produits adaptés (digital, secteurs ciblés…) aux contextes actuels pour répondre à la demande (47%).
Enfin, la tendance est bien différente pour les IMF qui ont dépassé leurs objectifs de déboursement : le facteur principal est la forte demande reçue (78%), tandis que l’ajustement de l’offre (33%) et la hausse des montants sollicités (22%) soutiennent cette tendance.
2. Un risque crédit toujours élevé continue d’avoir un impact significatif sur la profitabilité des institutions
En parallèle de ces problématiques de décaissements de prêts, le sujet du risque de crédit reste l’enjeu majeur pour 64% de nos IMF partenaires, comme nous le constatons depuis le début de notre série d’enquêtes. Si les retards de paiement par les clients peuvent encore provenir de moratoires toujours en cours (20% des sondés, particulièrement dans les régions Asie du Sud et du Sud-Est, et Amérique Latine et Caraïbes), la sortie de moratoire s’est traduite majoritairement par un passage du portefeuille « moratoire » au portefeuille à risque, soit comme prêts impayés, soit comme prêts restructurés. Au total, 61% des sondés indiquent que moins de 90% de leurs clients repaient leurs prêts, et 25% sont concernés par des taux de remboursements inférieurs à 70%.
Une autre difficulté principale est la baisse de la profitabilité des IMF depuis le début de la crise de la COVID-19. A la fin du Q1 2021, 55% de nos partenaires soulèvent ce point. Dans le détail, on découvre qu’une part des sondés a réussi à conserver une certaine profitabilité en 2020, grâce à certaines mesures (33% – indiqué en vert dans le graphique ci-dessous). Nous retrouvons ensuite un groupe d’institutions (49% – indiqué en orange) pour lesquelles un impact sur la profitabilité a été ressenti, mais sans mettre en danger l’institution. Enfin, un dernier groupe se détache (18% – indiqué en rouge), dans une position moins favorable puisque les pertes engrangées en 2020 ont des conséquences directes sur les fonds propres des institutions. Parmi celles-ci, cela implique même pour certaines que le capital de l’entreprise passe sous des niveaux planchers exigés de la part du régulateur ou des financeurs.
Le provisionnement du portefeuille à risque ressort en fait comme le facteur principal d’impact sur la profitabilité (61%). Cela a d’ailleurs pu entrainer pour une partie des institutions (26%) un bris d’engagement contractuel avec ses bailleurs de fonds. Au même moment, on ne constate encore que peu de radiations massives de prêts, puisque seulement 13% des sondés ont déjà recours à l’annulation de dettes de manière plus importante par rapport aux années précédentes.
Cependant, l’impact du risque de crédit sur la rentabilité des IMF devrait se poursuivre dans les mois à venir. La radiation de prêt dans de fortes proportions, supérieurs aux standards habituels, devrait concerner 25% de nos partenaires sondés. Dans le même temps, 24% prévoient que le provisionnement du PAR, notamment par la sortie de moratoire, va continuer à avoir de fortes conséquences sur leur résultat financier. Soulignons enfin que le vieillissement du portefeuille à risque actuel pourrait également entrainer des dépenses de provisionnement supplémentaires.
3. Des fonds propres sous tension mènent à la recherche d’investisseurs
La baisse de la profitabilité, qui pourrait donc se poursuivre dans un futur proche sans amélioration du risque de crédit, doit s’analyser à court et à long terme. A court terme, la maitrise du portefeuille à risque est un enjeu majeur pour éviter une (nouvelle) dégradation de la rentabilité. Cela se répercute alors directement sur les opérations des IMF. D’après nos partenaires, ce constat a en effet majoritairement amené à revoir à la baisse les projections de croissance (55%) pour les prochaines années. Il ressort également que la gestion du risque passe par une attention particulière portée au type d’activité des clients (31% ont suspendu des déboursements vers certains secteurs – souvent le tourisme, le commerce international, etc.) et aux critères d’éligibilité (29%). Cette prudence accrue reflète l’emphase actuellement mise sur la gestion du risque.
L’autre angle de réflexion, à plus long terme, pose la question de la solvabilité des institutions de microfinance face à des revenus en baisse ou des pertes à encaisser. Aujourd’hui, une majorité d’institutions (61%) n’ont pas pris de mesures concernant leurs fonds propres depuis le début de la crise. Lorsque ce fut le cas, ce sont les actionnaires existants qui ont apporté du soutien aux IMF, tandis que les dettes subordonnées (fonds propres tiers 2) ont également été mises en place, dans une moindre mesure.
Pourtant, une très forte partie de ces institutions (48%) fait état de besoin au niveau des fonds propres en 2021. Cette importante proportion témoigne de l’étendue du support nécessaire au sein du secteur pour assurer son développement. Il ne ressort d’ailleurs pas de véritable archétype de l’IMF qui souligne cette attente de soutien au haut de bilan en 2021 : quelle que soit la taille des IMF, environ la moitié de chaque catégorie de Tiers exprime des besoins de capital.
Pour subvenir à ces attentes de capital, les types d’actionnaires vers lesquels les institutions de microfinance souhaitent s’orienter dépendent de la raison pour laquelle cet appui est nécessaire. Ainsi, concernant les institutions mentionnant un besoin de soutien au niveau des fonds propres 2021, nous constatons que lorsque l’IMF a besoin d’aide pour couvrir des pertes, elle s’oriente alors en très vaste majorité vers ses actionnaires existants (83% des cas, 10/12). En revanche, lorsque les IMF cherchent du soutien pour continuer à se développer, elles feront alors plus appel à des investisseurs internationaux (56% des cas, 14/25), au-delà de l’apport potentiel des actionnaires existants. Enfin, notons que la dette subordonnée peut être favorisée par rapport à une injection de capital, cette option étant mentionnée par 5 institutions.
L’ensemble des réponses de nos partenaires laissent donc penser que l’impact de la crise, par le risque de crédit, crée logiquement des besoins en fonds propres pour une grande proportion d’entités, puisqu’elles font face soit à des pertes financières, soit à une limitation de leur capacité de reprise. Alors que 41% des sondés disent vouloir se concentrer en priorité sur l’amélioration de la qualité du portefeuille cette année, nos partenaires rappellent ici le rôle essentiel que devront jouer les investisseurs internationaux et actuels dans le maintien d’un niveau de capitalisation satisfaisant et propice à leur développement.
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(1) Les résultats des cinq premières enquêtes sont accessibles ici : //www.gca-foundation.org/observatoire-covid-19/, //www.ada-microfinance.org/fr/crise-du-covid-19/ et //www.inpulse.coop/news-and-media/
(2) Nombre d’IMF répondantes par région: EAC 22 IMF ; SSA 25 IMF ; LAC 22 IMF ; SSEA 11 IMF ; MENA : 7 IMF.
(3) Tiers 1 signifie que l’IMF gère un portefeuille supérieur à 50 millions de dollars, Tiers 2 s’applique aux portefeuilles de 5 à 50 millions de dollars et Tiers 3 concerne les portefeuilles inférieurs à 5 millions de dollars.
Regards croisés : 2020, une année marquée par la crise de la Covid-19
Par Jean-Marie Sander, Président de la Fondation Grameen Crédit Agricole jusqu’en mars 2021 et
Raphaël Appert, Président de la Fondation Grameen Crédit Agricole depuis mars 2021 &
Vice-Président de Crédit Agricole SA et Fédération Nationale du Crédit Agricole
Il y a un peu plus de 30 ans, Michel Serres partageait avec nous la nécessité d’un « Contrat naturel » analogue au « Contrat social » qui appelait à une réconciliation entre l’homme, la nature et le vivant. L’année 2020 fut terrible pour les économies fragiles.
La bonne santé de la Fondation, qui s’est adaptée tout au long de l’année aux effets économiques de cette crise, n’est pas le miroir des drames qui se sont joués et qui se jouent encore dans les territoires de nos partenaires où les amortisseurs sociaux sont quasi inexistants. Face à la pandémie et à son impact sur la vie au quotidien, la solidarité familiale fut souvent le rare soulagement trouvé par les populations à très faibles revenus.
Bien que son origine anthropocentrique reste encore à démontrer, cette crise sanitaire nous invite à la prise de conscience de notre inclusion dans la nature, nous rappelle à notre humilité face à l’ordre naturel et nous confie le soin non seulement de développer l’humanité mais aussi de la maintenir.
Les effets économiques de la pandémie ont affecté le monde entier mais plus particulièrement les populations vulnérables : selon les chiffres de la Banque Mondiale, ils pourront rapidement entraîner 150 millions de personnes dans l’extrême pauvreté. En ce qui nous concerne, nous éviterons de nous auto-satisfaire d’une capacité probable à retrouver un semblant de croissance économique, dont nous savons tous qu’elle n’atteindra pas rapidement et équitablement les populations les plus fragiles.
Dans cette reprise économique, la Fondation se mobilisera toute entière en 2021 car beaucoup d’efforts restent encore à faire pour essayer de modifier la machine à créer des inégalités face aux drames. Pour cela, nous devrons compter sur notre professionnalisme, notre détermination et sur les valeurs qui guident notre action au quotidien.
C’est avec cette ambition que nous avons créé la Fondation avec le Professeur Yunus en 2008. C’est toujours avec cette même ambition que nous continuerons à nous engager dans les mois qui viennent.
Le rôle de la Fondation Grameen Crédit Agricole pour répondre à la crise
Soukeyna Ndiaye Bâ est membre du Conseil d’administration de la Fondation depuis sa création. Engagée dans la promotion des femmes entrepreneures depuis plus de 20 ans, elle est également directrice exécutive d’INAFI (International Network of Alternative Financial Institutions), un réseau mondial d’organisations qui soutiennent des programmes de microfinance. Abdul Hai Khan est membre du Conseil d’administration et Directeur général de Grameen Trust. Il est également membre du Conseil d’administration de différentes organisations de microfinance et d’entreprises sociales en Australie, au Bangladesh, en Chine, en France, en Inde, au Kosovo, en Italie, aux États-Unis et au Yémen.
1/ Administrateurs de la Fondation, vous êtes aussi tous les deux des experts internationaux et des praticiens de la microfinance. Pouvez-vous partagez avec nous votre analyse de la crise et plus particulièrement sur les territoires que vous connaissez bien ?
Soukeyna Ndiaye Bâ : En Afrique, le bilan aujourd’hui est de près de 100 000 décès et plus de 3,7 millions de personnes infectées, chiffres qui ne révèlent pas la réalité dans le continent parce qu’il n’y a pas un dépistage massif faute de moyens. En raison des restrictions et des fermetures de frontières pour contenir la pandémie, le continent africain n’a pas échappé à la crise. Dans ce contexte, les petits entrepreneurs, les agriculteurs et les acteurs du secteur informel sont évidemment directement affectés. En première ligne : les femmes, en milieu rural comme en milieu urbain, qui sont très actives dans le secteur informel. Au Sénégal, par exemple, 94% des femmes entrepreneures opèrent dans le secteur informel. En milieu rural, en plus de la gravité de la situation économique, la précarité sanitaire et la difficulté d’accès aux soins déjà alarmantes risquent d’empirer.
Abdul Hai Khan : On estime actuellement le nombre de décès en Asie à environ 417 000, tandis que le nombre de cas d’infection s’élève à plus de 26 millions. Les écoles en Asie de l’Est et dans le Pacifique ont été complètement fermées pour plus de 25 millions d’enfants pendant presque une année entière. Le Covid-19 a freiné la croissance en Asie de l’Est et dans le Pacifique (AEP) en réduisant considérablement l’activité économique, notamment le tourisme et le commerce. Selon les prévisions, la croissance de la région AEP, hormis la Chine, devrait ralentir à 1,3% en 2020, contre 4,7% en 2019. Des millions de ménages ont été touchés par la perte d’emplois et de revenus (y compris les envois de fonds), alors qu’ils doivent encore couvrir leurs dépenses de première nécessité ou assurer le remboursement de leurs dettes. De ce fait, le pourcentage de personnes pauvres a augmenté.
2/ Comment la microfinance et l’entrepreneuriat social atténuent-ils les effets de la crise économique ?
A.H.K. : En facilitant l’accès aux services essentiels, les institutions de microfinance et les entreprises sociales renforcent la résilience des populations à faibles revenus, notamment les petits entrepreneurs travaillant dans les secteurs formels et informels et les petits exploitants agricoles. Elles sont donc essentielles pour protéger les populations les plus vulnérables, sévèrement touchées par les effets de la crise économique et sanitaire lors de la pandémie Covid-19. Pour faire face à cette pandémie, de nombreuses institutions de microfinance ont innové et renforcé leur soutien à leurs clients. Elles ont par exemple fait une restructuration des prêts pour mieux accompagner les clients les plus affectés et ont accéléré leur transformation numérique, en introduisant ou en améliorant les transactions sans espèces via les canaux bancaires mobiles et en créant des agences en ligne.
3/ À quoi peut-on s’attendre dans les années à venir ?
A.H.K. : L’ampleur des dégâts engendrés par la pandémie Covid-19 dans le monde est considérable. Cependant, elle nous o¯re une opportunité unique d’améliorer, voire de redéfinir, nos structures économiques en nous appuyant sur une conscience sociale et environnementale. Nous ne devrions pas parler d’un programme de “redressement”, mais d’un programme de “reconstruction”. Dans ce plan de reconstruction global, l’entrepreneuriat social peut jouer un rôle essentiel, car il peut être un levier pour transformer les personnes sans emploi en entrepreneurs. L’inclusion financière peut contribuer à ce que la reprise économique s’accompagne d’un développement social.
S.B. : Le monde est menacé de récession et de crises alimentaires et sociales. La construction du monde « après Covid » doit donc être aussi multisectorielle et centrée sur l’innovation. Il faut tirer des leçons des problèmes rencontrés lors de cette crise : mieux évaluer et anticiper les risques, renforcer nos modèles socioéconomiques et repenser nos politiques publiques pour protéger davantage les populations les plus vulnérables. Les femmes entrepreneures auront un rôle primordial à jouer dans la dynamisation de l’économie. Soutenir l’entrepreneuriat féminin sera un levier pour renforcer l’autonomisation des femmes et le développement des économies rurales et urbaines. Le digital sera un outil majeur pour promouvoir l’entrepreneuriat, moderniser, développer et innover.
[Covid-19] La Fondation Grameen Crédit Agricole en 2020
Eric Campos, Fondation Grameen Crédit Agricole
En 2020, la Fondation a soutenu 80 institutions de microfinance et entreprises sociales dans 39 pays à travers le monde. Avec la pandémie de la Covid-19, la Fondation a établi un dialogue permanent avec toutes les organisations partenaires et a adapté son soutien financier et technique. La Fondation s’est également concertée avec d’autres acteurs clés du secteur de la finance inclusive pour développer des solutions communes et mieux protéger les institutions de microfinance et leurs clients. Coup de projecteur sur l’interview d’Eric Campos, Délégué général de la Fondation, et quelques chiffres clés de l’activité en 2020.
La crise Covid-19 a affecté le secteur de la microfinance dans le monde
Eric Campos : L’année 2020 a été une année très éprouvante pour les partenaires de la Fondation Grameen Crédit Agricole, les institutions de microfinance, les entreprises à impact social environnemental. Très éprouvante parce que les bénéficiaires finaux, qui sont très dépendants des secteurs comme le commerce, l’agriculture et l’artisanat, ont dû faire face aux mesures de confinement et donc ont eu le plus grand mal pour développer leurs activités génératrices de revenu.
La Fondation s’est adaptée pour mieux accompagner les entrepreneurs sur le terrain
EC : Les équipes de la Fondation se sont concentrées sur toutes les actions qui pouvaient permettre à ces institutions, à ces entreprises de gagner du temps et de s’adapter aux effets économiques de cette crise. Au niveau international, nous avons coordonné un accord avec des bailleurs de fonds internationaux pour éviter une crise de liquidité du secteur de la microfinance. Au niveau de la Fondation, nous avons accordé de nombreux reports d’échéance, nous avons accompagné les institutions et les entreprises en envoyant des missions d’assistance technique pour leur permettre de s’améliorer sur la gestion des risques, sur la gestion de la trésorerie. Nous avons été présents tout au long de cette année, aux côtés des institutions partenaires de longue date de la Fondation.
Quelles perspectives en 2021 ?
EC : En 2021 nous sommes encore dans un contexte de crise. Nous voyons quelques signes faibles de reprise économique dans le tiers à peu près des pays d’intervention de la Fondation. En 2021, la Fondation renforcera son dispositif d’assistance technique. Nous continuerons à financer nos partenaires, à les accompagner, et nous sommes prudents mais confiants sur la reprise économique que l’on commence déjà à constater. Notre engagement : aider nos partenaires à traverser cette crise mondiale.
Un an après : Ce qu’une année d’enquêtes nous apprend sur la Covid-19 et la microfinance
Maxime Borgogno, Fondation Grameen Crédit Agricole
Coup de projecteur sur l’interview de Maxime Borgogno pour FinDev. Maxime est Chargé d’investissement pour la région Asie et Europe Centrale au sein de la Fondation Grameen Crédit Agricole.
Depuis le début de la pandémie, la Fondation Grameen Crédit Agricole suit la manière dont le secteur de la microfinance fait face à la crise de la Covid-19. Un an plus tard, qu’avez-vous appris?
Maxime Borgogno : Si les conséquences immédiates auxquelles ont fait face des institutions de microfinance (IMF) ont été une augmentation du portefeuille à risque et une réduction de leur portefeuille, la crise opérationnelle n’a pas conduit à un échec total du secteur comme on le craignait au départ. En fait, nous avons vu de nombreuses IMF s’adapter de manière proactive au nouveau contexte : elles ont pris des mesures de gestion adéquates tout en maintenant une approche responsable avec leurs clients. Seule une petite proportion des institutions interrogées a dû licencier du personnel pendant la crise, et celles situées dans les pays les plus touchés ont réussi la transition vers des systèmes d’accès à distance. La plupart des IMF ont mis en œuvre une restructuration des prêts pour soulager les clients affectés. Certains, notamment en Asie du Sud-Est, ont fourni aux clients des kits d’urgence (nourriture, équipements sanitaires, etc.). Ils ont même exploré de nouvelles opportunités telles que les canaux de remboursement de prêts numériques pour s’adapter à la situation.
En général, les IMF restent optimistes quant à l’avenir, sur la base d’une bonne compréhension des défis actuels et de l’expérience acquise en 2020. Si la crise n’est pas terminée et qu’il reste des défis à relever, le secteur a la capacité de les relever.
Quels sont les principaux défis à venir ? Pourquoi pensez-vous que le secteur a la capacité de les surmonter?
MB : La situation reste imprévisible et dépend de chaque pays. Une IMF peut être confrontée très rapidement à des contraintes opérationnelles importantes, ce qui limitera son activité. Les dernières données montrent que près de 75% des IMF sont confrontées à un portefeuille à risque plus élevé qu’avant la crise. Par conséquent, elles devront trouver un équilibre entre une gestion prudente de ce risque et la poursuite des octrois de nouveaux prêts à leurs clients. Il est désormais clair que la crise Covid-19 a bouleversé certains secteurs, structures d’entreprises et modes de fonctionnement. Les IMF devront tenir compte de ces changements majeurs dans leur stratégie pour les années à venir.
Au cours de l’année écoulée, nous avons vu des IMF rester pleinement engagées dans leur mission sociale. Elles ont prouvé leur résilience et leur capacité d’adaptation au cours d’une crise sans précédent. Avec l’augmentation des niveaux de pauvreté du fait de la crise, la mission de la microfinance est plus que jamais d’actualité.
Comment avez-vous suivi la situation au cours de l’année écoulée?
MB : Nous avons lancé la première enquête mensuelle en mars 2020 auprès de 75 IMF que nous soutenons. L’objectif était de recueillir les premières impressions sur la situation ainsi que l’impact potentiel sur leurs activités et leurs clients. En juin 2020, nous nous sommes associés à ADA et Inpulse pour étendre la portée de l’enquête à plus de 100 IMF, y compris en Amérique latine et dans les Caraïbes, où la Fondation n’est pas présente. Depuis septembre, nous sommes passés à un format trimestriel pour éviter de surcharger les institutions en période de reprise de leurs activités. La prochaine enquête aura lieu dans le courant du mois de mars.
Les résultats de l’enquête, ainsi que d’autres articles en rapport avec la crise Covid-19, sont disponibles sur l’Observatoire Covid-19, un espace créé par la Fondation au début de la pandémie.
Les institutions de microfinance n’ont souvent pas la capacité de répondre aux enquêtes, en particulier lorsqu’elles doivent faire face à une crise majeure. Qu’est-ce qui vous a aidé à continuer à collecter des données auprès d’elles ?
MB : Dès le début, nous avons choisi de ne pas demander des informations financières détaillées aux IMF, mais plutôt de recueillir leurs impressions et observations sur l’impact de la crise. Nous avons délibérément limité le nombre de questions et veillé à ce qu’elles soient aussi claires que possible. Nous avons également évité de demander les mêmes informations qu’ils nous envoient dans leurs rapports mensuels réguliers.
Nous insistons sur un haut niveau de communication avec nos partenaires, nous partageons donc avec eux les résultats des enquêtes dès qu’ils sont disponibles et restons ouverts à leurs retours dans ce processus. Les commentaires de nos répondants nous ont aidés à adapter la formulation des questions et le contenu du questionnaire. Nous pensons que leur implication dans le processus est une motivation essentielle pour que nos IMF partenaires continuent de participer à l’enquête.
Quel est votre sentiment sur la manière dont cette crise façonne l’avenir de la microfinance? Êtes-vous inquiet pour l’avenir du secteur ?
MB : 2020 a été une année historique qui a démontré la résilience du secteur de la microfinance. Les IMF ont innové et renforcé leurs services pour protéger leurs clients. Dans le même temps, les bailleurs et autres parties prenantes se sont coordonnés entre eux pour adopter les mesures les plus appropriées afin de soutenir les IMF. La dernière enquête que nous avons menée sur l’impact de la crise Covid-19 révèle que la plupart des institutions s’attendent à ce que leur activité augmente en 2021, en termes de volume de portefeuille et de nombre de clients.
Cependant, bon nombre des institutions les plus touchées auront besoin du soutien de leurs actionnaires et de leurs bailleurs. Le risque de crédit se traduisant progressivement par des pertes en 2021, la réactivité des investisseurs sera fondamentale et sera le prochain sujet de l’Observatoire Covid-19 de la Fondation.
La crise n’est pas encore derrière nous, mais nous sommes confiants pour l’avenir du secteur. La transformation numérique, la coordination entre les parties prenantes et l’innovation seront essentielles pour renforcer la résilience et l’impact de la microfinance.
Source : FinDev
Ugafode et l’inclusion financière des réfugiés
Soutenue par la Fondation Grameen Crédit Agricole depuis 2015, UGAFODE Microfinance Limited est une institution de microfinance qui offre des services financiers et non financiers inclusifs aux populations à faibles revenus mais économiquement actives en Ouganda. UGAFODE est l’une des trois organisations soutenues par un programme lancé par la Fondation, l’Agence suédoise de coopération internationale au développement (Sida) et l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés afin de soutenir l’inclusion financière des réfugiés. Grâce à ce soutien financier et technique, UGAFODE a ouvert une antenne dans le camp de réfugiés de Nakivale en Ouganda. Coup de projecteur sur une interview de Shafi Nambobi, Directeur exécutif d’UGAFODE.
1. En quelques mots, qu’est-ce qu’UGAFODE Microfinance Limited ?
UGAFODE Microfinance Limited a débuté en 1994 en tant qu’ONG spécialisée dans le crédit de groupe pour les femmes et s’est depuis transformée en une institution de dépôt de microfinance réglementée par la Banque d’Ouganda. L’institution cible spécifiquement les populations à faibles revenus mais économiquement actives du pays, par le biais de 7 agences urbaines et 12 agences rurales, au service de plus de 110 000 clients d’épargne et 8 000 clients de crédit. Elle offre une gamme de services financiers comprenant l’épargne, les prêts et les services de transfert d’argent avec un portefeuille de prêts de 12,1 millions d’euros et un volume d’épargne de 6 millions d’euros.
2. UGAFODE a reçu un soutien financier novateur de la Fondation Grameen Crédit Agricole, de l’Agence suédoise de coopération internationale au développement (Sida) et de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés en 2019, lorsqu’elle a été sélectionnée comme bénéficiaire d’un programme de soutien à l’inclusion financière des réfugiés. Pouvez-vous nous expliquer cette initiative et le soutien dont UGAFODE a bénéficié ?
La plupart des réfugiés ont été victimes de discrimination et se sont vus refuser des facilités de crédit par les institutions financières car ils sont considérés comme trop risqués, bien qu’ils soient engagés dans l’agriculture et le commerce de détail. En mars 2020, UGAFODE a été la première institution de services financiers à créer une antenne dans un camp de réfugiés en Ouganda grâce à ce programme. Le camp de réfugiés de Nakivale est le 8e plus grand camp au monde, accueillant plus de 134 000 réfugiés de 13 pays. Le budget total du projet est de 536 780 euros, dont 396 882 euros proviennent de Sida et 139 810 euros d’UGAFODE en trois ans. En outre, la Fondation a également accordé un nouveau prêt de 540 000 euros en juillet 2020, dont 50% seront utilisés dans le cadre du programme pour les réfugiés, afin d’octroyer des prêts aux réfugiés et aux populations d’accueil.
3. Quels sont les premiers résultats du projet ?
Le projet a déjà commencé à faire ses preuves. Depuis l’ouverture de l’agence de la Nakivale, 505 prêts d’un montant total de 383 596 euros ont été déboursés entre le 2 mars 2020 et le 31 décembre 2020, principalement pour soutenir les petites et moyennes entreprises et les prêts individuels à l’agriculture. Il est important de noter que tout cela a été réalisé dans le contexte de la crise du Covid-19. Le portefeuille à risque (PAR) est à 1,65% pour 1 jour et à 0% pour 30 jours, ce qui est à la fois considérable et bienvenu. Par ailleurs, nous avons sensibilisé plus de 5 000 réfugiés aux questions financières et 2 534 clients ont ouvert des comptes d’épargne pour un montant total de 65 112 euros. Au total, 5 301 réfugiés ont reçu 776 345 euros grâce aux services de transfert d’argent d’amis et de parents de l’agence de Nakivale au cours des neuf mois qui ont suivi l’ouverture de l’agence. Nous employons actuellement 21 personnes, dont 8 réfugiés à Nakivale et 4 au centre d’appel de Kampala, pour gérer les plaintes des clients dans les principales langues des réfugiés.
4. Comment la pandémie Covid-19 a-t-elle affecté le projet ? Quelles mesures ont été prises pour faire face à la crise ?
La mise en œuvre et l’ouverture du projet ont eu lieu au début de la crise Covid-19. Comme le gouvernement a rendu les services financiers essentiels, la succursale de Nakivale a pu offrir les services nécessaires aux clients de l’établissement sur une note très positive. UGAFODE a pu ajuster ses politiques et procédures afin de servir les réfugiés dans le respect des directives réglementaires. Nous avons recruté du personnel pour les réfugiés au centre d’appel afin de fournir des conseils et des informations aux clients. Nous avons également construit une extension de l’agence afin de disposer d’un espace suffisant pour assurer la sécurité du personnel et des clients. En outre, nous avons accordé des options de rééchelonnement aux clients avec des prêts pour les soutenir en cette période de crise. La Fondation Grameen Crédit Agricole et KIVA nous ont également soutenus pour faire face à la crise. La Fondation nous a accordé des crédits budgétaires flexibles au sein de lignes principales pour faire face aux incertitudes de la crise. La Direction fonctionne selon les procédures opérationnelles standard Covid-19 (Standard Operating Procedures) instituées par le Ministère de la Santé et le Gouvernement. Nous pourrons également acheter 3 motos supplémentaires pour permettre au personnel de l’agence de rejoindre plus de clients, facilement et plus rapidement.
5. Quelles sont maintenant les priorités du projet ?
Il y a trois priorités :
- Intensifier les formations d’éducation financière pour sensibiliser au moins 8 800 réfugiés et 8 000 communautés d’accueil la deuxième année et 15 500 réfugiés et 14 000 communautés d’accueil la dernière année du projet.
- Mener une enquête auprès des clients pour faciliter la prise de décisions éclairées et développer des produits adaptés aux réfugiés.
- Déployer le modèle du projet dans d’autres établissements. Après Nakivale, le projet sera reproduit au plus tôt dans d’autres camps de réfugiés. Les premières études de faisabilité ont été menées pour les camps de réfugiés de Kyaka, Kyangwali et Rwamwanja.
OXUS Kirghizstan et ses six commandements pour la crise Covid-19
Entretien avec Denis Khomyakov, DG, OXUS Kirghizstan
Depuis le début de la crise Covid-19, la Fondation Grameen Crédit Agricole a travaillé sur plusieurs initiatives pour mieux soutenir le secteur de la microfinance. OXUS Kirghizstan est l’une des institutions de microfinance qui a bénéficié de la réponse de la Fondation à la crise. Cinq questions à Denis Khomyakov, Directeur général de OXUS Kirghizstan (OKG).
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La crise Covid-19 a impacté fortement l’économie en Kirghizstan et votre organisation. Quelles mesures avez-vous adoptées pour y faire face ?
La crise a frappé de plein fouet l’économie et le système de santé du Kirghizstan. Avec la fermeture des frontières et les confinements, l’industrie et l’agriculture ont décliné et les services de transports se sont effondrés. Même si de nouvelles activités sont apparues (comme les services de livraison), la Covid-19 a impacté l’économie du pays et par extension nos clients et notre activité.
Dans ce contexte, nous étions bien préparés chez OKG. Dès février, nous avons d’abord protégé notre personnel par du télétravail ou du chômage partiel au 2/3 du salaire, ce qui a impliqué la digitalisation de nos activités. En mai, nous avons adopté le travail présentiel et à distance grâce aux mesures anti-Covid prévues dans le plan de continuité des activités (PCA) Covid-19, qui a vite été opérationnel.
Nous nous sommes toujours assurés de bien communiquer. Pour cela, nous avons d’abord créé un Comité Covid-19 composé de membres de différents départements et moi pour structurer la communication et définir des mesures opérationnelles. Plusieurs actions ont été entreprises : nous avons organisé la communication avec les agences et les clients, établi la restructuration des prêts et le soutien aux clients et décidé de négocier avec les prêteurs pour obtenir un délai de grâce sur les remboursements. Nous avons également échangé régulièrement avec différentes parties prenantes : la gouvernance qui nous a guidé et conseillé, les prêteurs qui se sont coordonnés pour assurer la continuité de nos activités et la Banque nationale qui nous a fourni des éclaircissements sur les possibilités de restructurations et exonérations.
Quel a été le soutien de la Fondation pour renforcer la réponse d’OKG ?
Les enquêtes Covid-19 menées par la Fondation ont été bien organisées et se sont toujours déroulées au bon moment. L’Observatoire Covid-19 lancé par la Fondation, où les résultats des enquêtes et d’autres articles utiles sont publiés, nous a été précieux pour évaluer notre situation et notre position dans la région. La Fondation a également conduit le groupe de prêteurs d’OKG à appliquer les mesures de restructuration et les extensions coordonnées ; sous l’impulsion de la Fondation, avec le suivi régulier de Julie Serret, Chargée d’investissement de la Fondation, nous avons agi immédiatement pour se préparer au pire des scénarios et avons convenus des conditions avec les prêteurs tous ensemble.
Quelles ont été les principales mesures mises en œuvre par ce groupe de prêteurs ?
Le groupe de prêteurs a décidé de reconduire tous les versements payables entre mai et décembre 2020 pendant 12 mois. Les prêteurs ont également simplifié le reporting en collectant des informations via un document commun, ce qui nous a donné plus de temps pour nous concentrer sur d’autres questions. Ils nous ont également fourni des outils pour créer un PCA, pour relancer l’activité tout en protégeant le personnel. Résultat : nous ne nous sommes pas vraiment préoccupés de la situation de liquidité. Nous avons pu payer les salaires et avantages de notre personnel sans retard.
Quelles leçons tirez-vous de cette période pour l’évolution de la microfinance ?
Voici mes six commandements :
- Anticipez. Toute entreprise doit avoir un plan de continuité des activités (PCA) pour ce genre d’événements. Avoir un plan de reprise après sinistre informatique est très utile –cela nous a beaucoup aidé à réagir à la crise et maintenir le système en marche.
- Prenez soin du personnel, informez-les de la situation et des mesures décidées.
- Prenez des décisions. N’arrivez pas trop tard, mais réfléchissez à deux fois.
- Informez les investisseurs et les prêteurs de la situation et fournissez des prévisions (détaillées, même si vous ne connaissez pas l’évolution de la situation) pour les prochains mois.
- Communiquez souvent avec votre Conseil d’administration. Sa composition, son expérience vous permettront de traverser tout type de crise.
- Soyez digital. Les canaux numériques sont précieux pour communiquer avec les clients et le personnel. La Covid-19 nous a poussés à penser et à être plus numériques.
Quelles sont les perspectives pour OKG en 2021 ?
L’entreprise poursuit son développement et sa croissance. Nous prévoyons d’ouvrir deux nouvelles agences en zone rurale et de servir les clients à faibles revenus. Nous prévoyons d’introduire des tablettes pour accélérer le déboursement des prêts, mais aussi pour collecter moins de documents papier et être plus respectueux de l’environnement. Nous prévoyons d’ailleurs de développer les prêts verts afin de contribuer à lutter contre la pollution atmosphérique et l’utilisation intensive de l’énergie au Kirghizistan.
D’autres initiatives comme notre travail sur la fidélisation des clients et le projet de soutien aux femmes entrepreneures initié début 2020 ont été ralentis par la crise sanitaire. Nous les reprendrons. Nous resterons une entreprise fiable pour nos clients, ayant une approche zéro exclusion !
La volonté des institutions de microfinance de maintenir leurs activités face à la crise Covid-19
ADA, Inpulse et la Fondation Grameen Crédit Agricole se sont associés pour suivre et analyser les effets de la crise liée au Covid-19 pour leurs institutions de microfinance partenaires dans le monde. Ce suivi a été réalisé périodiquement tout au long de l’année 2020 afin d’avoir une meilleure vision de l’évolution de la situation. Avec cette analyse régulière et approfondie, nous espérons contribuer, à notre niveau, à la construction de stratégies et de solutions adaptées aux besoins de nos partenaires, ainsi qu’à la diffusion et à l’échange d’informations entre les différents acteurs du secteur.
En résumé
Les résultats présentés dans cet article proviennent de la cinquième enquête de la série commune (1) à ADA, Inpulse et la Fondation Grameen Crédit Agricole. Les réponses ont été collectées dans la deuxième moitié du mois de décembre auprès de 74 institutions de microfinance (IMF) situées dans 42 pays d’Europe de l’Est et d’Asie centrale (EAC-28%), d’Afrique subsaharienne (ASS-26%), d’Amérique latine et Caraïbes (ALC-23%), d’Asie du Sud (14%) et du Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA-9%) (2).
Nos derniers travaux confirmaient la reprise progressive de l’activité des IMF dans l’été 2020, pour lesquelles la plupart des difficultés opérationnelles rencontrées dans le cadre de la crise du COVID-19 s’estompaient. Dans le même temps, la contrainte majeure qui subsistait était la difficulté à collecter les remboursements de prêts, et impliquait l’augmentation du portefeuille à risque. Ce dernier point est toujours valable en fin d’année, et ce sont toujours trois quarts des répondants qui constatent une hausse du PAR. A cela s’ajoute la dégradation de la situation épidémiologique dans le monde à l’automne 2020, dont témoignent les réponses rassemblées en Décembre-2020. Les mesures d’endiguement de l’épidémie prises en fonction des contextes locaux peuvent à nouveau avoir des conséquences sur les activités des IMF et de leurs clients, et un retour à la normale n’est pas encore à l’ordre du jour.
Néanmoins, ces nouvelles complications et leurs incidences ne sont pas des éléments nouveaux. Ainsi, elles ne se répercutent que peu dans les indicateurs de risque des IMF. La stabilité de l’augmentation du PAR, mais aussi des niveaux de recouvrement ne traduisent pas de nouvelle aggravation majeure de la situation financière des IMF. Ce relatif équilibre correspond également à l’état d’esprit des IMF pour aborder 2021. En dépit d’un contexte instable et de tous les obstacles qu’il entraîne, la très grande majorité de nos partenaires envisagent une croissance de leur activité en cette nouvelle année, à la fois en termes de volume du portefeuille, mais également du nombre de clients. Cette confiance, que l’on constatait déjà dans les enquêtes menées au cours de l’été, est un nouveau signe de la résilience de ces institutions.
1. Les IMF évoluent toujours dans des conditions instables
Notre dernière enquête, menée en octobre, démontrait une grande amélioration du contexte opérationnel des IMF et témoignait de la reprise progressive de leur activité dans l’ensemble des régions du monde. Cependant, dans une grande partie des pays, même ceux qui semblaient bien gérer la propagation du virus, de nouvelles mesures plus restrictives d’endiguement de l’épidémie ont été prises au dernier trimestre 2020 face à la nouvelle hausse des cas. Cette dégradation est notamment confirmée par nos partenaires en Europe et en Asie, lorsque les IMF en Amérique du Sud et Centrale, Afrique australe ou Afrique du Nord témoignent d’une amélioration de la situation.
La comparaison des réponses de nos 38 partenaires ayant participé aux sondages d’octobre et de décembre (3) dans les paragraphes suivants confirme le constat d’un retour de certaines difficultés pour les IMF, et sont à l’image des résultats généraux obtenus en fin d’année.
Tout d’abord, le virus continue de se propager rapidement dans certaines régions du monde, et les IMF n’en sont pas exemptées. Ainsi, nous pouvons noter une hausse de la part des IMF indiquant que les clients et le personnel ont été infectés par la COVID-19. Ceci se voit dans la baisse de 47% à 32%, (17 à 12 IMF) des IMF dont ni les clients, ni le personnel ne sont atteints par la COVID-19. En octobre, cette catégorie comprenait deux tiers des IMF d’Afrique subsaharienne (10/15) et la grande majorité de celles d’Asie du Sud (5/6). En décembre, la part des IMF d’Afrique subsaharienne est quasi stable (9/15), alors que celles de l’Asie baisse à 50% (3/6). Enfin, la catégorie « plus de 20% du personnel a été infecté » passe de 0% à 13% (5 IMF) sur la période, très majoritairement dans la région Europe et Asie Centrale (4 IMF).
Du côté des contraintes opérationnelles, les résultats sont relativement stables entre les deux périodes. La liste des IMF qui indiquent ne plus faire face à des contraintes opérationnelles reste sensiblement la même (39%), et se concentre en Asie Centrale et Afrique de l’Ouest. Ajoutons que collecter les remboursements de prêts (42% de l’échantillon) et débourser de nouveaux prêts (32%) demeurent les deux principales difficultés rencontrées par les IMF.
La difficulté à entrer en contact avec les clients, à la fois en agence et sur le terrain était considérée comme une conséquence de la crise pour seulement 16% (6 IMF) de cet échantillon en octobre, et ce chiffre est en hausse en décembre (24%, 9 IMF). Dans le détail, il faut noter que la localisation des IMF qui soulignent cette contrainte a évolué au cours des deux derniers mois. Ainsi, elles étaient notamment situées en Amérique Latine et Caraïbes et en Afrique de l’est en Octobre. En décembre, ce point est soulevé par les IMF d’Asie du Sud-Est (3/6), d’Europe de l’Est (2/5) et d’Afrique de l’Ouest (2/8). Au niveau général de l’enquête, ce sont finalement 30% des IMF qui précisent être de nouveau limitées dans leurs activités, malgré une reprise progressive.
2. Les clients restent donc exposés
Comme en témoignent les IMF à travers ces enquêtes, le contexte incertain et particulièrement instable pèse également sur les clients des IMF. Et logiquement, la difficulté à collecter les remboursements pour les IMF par exemple, est intimement liée aux difficultés que rencontrent les clients eux-mêmes. L’activité d’une grande partie d’entre eux n’a toujours pas redémarré ou reste ralentie par le contexte de crise : notre dernière enquête faisait notamment ressortir les secteurs du tourisme et du commerce comme étant les plus affectés (4). A décembre 2020, la proportion
des IMF indiquant que plus de 90% de leurs clients ont repris leur activité reste minoritaire (23%, 17 IMF). Toutefois, 46% (34 IMF) des IMF indiquent que les clients ayant repris leur activité représentent entre 70% et 90% de leur portefeuille. Et seulement 11% (8 IMF) des sondés indiquent que moins de 50% de leurs clients peuvent de nouveau travailler. Notons néanmoins quelques disparités régionales dans ces résultats : en Asie du Sud, Europe et Asie Centrale, et Afrique subsaharienne, au moins 80% des sondés indiquent que plus de 70% des clients ont repris leur activité. Dans les régions MENA et Amérique Latine et Caraïbes, cette part se réduit à 43% et 41% respectivement.
Les réponses de nos partenaires permettent également de continuer à dresser le profil des clients les plus impactés par la crise. Tout d’abord, il faut noter qu’une grande partie des IMF interrogées excluent la possibilité qu’il y ait une catégorie de clients plus affectée que les autres, que ce soit au niveau du genre, de la localisation (urbain ou rural) ou de l’âge. Dans le détail, 42% (31 IMF) des sondés estiment que tous leurs clients sont impactés identiquement, et 51% (38 IMF) indiquent qu’il n’y a pas de différence notable au niveau des remboursements en fonction de ces critères. De manière générale, l’idée qu’il y ait une différence d’exposition à l’impact de la crise en fonction de l’âge est également écartée. Et si certaines IMF disent voir des différences en fonction des catégories d’âge (-30 ans, 30-50 ans, 50+ ans), aucune d’entre-elles ne se démarque.
Parmi les IMF qui perçoivent une différence dans l’impact de la crise sur leurs clients (36 IMF), un critère ressort majoritairement : 76% (27 IMF) estiment que les populations les plus impactées sont les populations urbaines. La même proportion affirme que cette différence se ressent sur les remboursements de prêts. Ces réponses confirment les précédents résultats que nous obtenions concernant les secteurs les plus affectés, décidément urbains. Le fait que le critère de ruralité ne soit que peu mentionné va dans le même sens, et fait écho au secteur de l’agriculture, révélé au fil des enquêtes par nos partenaires comme secteur moins touché par la crise liée à la Covid-19 que les autres, et vers lequel un certain nombre d’IMF imaginaient vouloir s’orienter. Enfin, une dernière caractéristique est mentionnée par les IMF notant des disparités dans l’impact de la crise : 36% (13 IMF) perçoivent que les femmes sont plus touchées que les hommes et donc par défaut pourraient avoir plus de difficultés à rembourser leurs emprunts. Notons qu’une partie des répondants ne servent que des clientes, qui font logiquement d’elles la population la plus affectée dans le secteur.
3. Des défis désormais bien connus des IMF
Des niveaux d’activités toujours en berne ou des mesures d’endiguement de la COVID-19 mis en place par les autorités locales sont désormais des éléments connus par les IMF. Et face auxquels elles s’adaptent. Ainsi, les difficultés financières mentionnées par les IMF sont très stables d’octobre à décembre 2020, ne font pas ressortir de nouvelles tendances. Deux des quatre difficultés les plus citées restent liées à la baisse de la profitabilité des IMF, en raison de la hausse des dépenses de provisionnement (45% des sondés, 33 IMF) et la non perception d’intérêts (55%, 41 IMF). Ces deux points sont intimement liés à la difficulté la plus marquante de la crise pour les IMF en cette période : la hausse du portefeuille à risque (74%, 55 IMF).
A décembre 2020, 74% (55 IMF) des répondants indiquent que plus de 70% des clients remboursent leurs prêts, et 37% constatent un niveau de remboursement des clients au-dessus de 90%. De l’autre côté, seulement 9% soulignent que moins de 50% des clients parviennent à rembourser leurs prêts, ce qui coïncide avec les niveaux de reprise des activités des clients. Ces niveaux se retrouvent dans le niveau de portefeuille à risque des IMF : à décembre 2020, 47% des sondés (35 IMF) indiquent que le PAR 30 a augmenté sans doubler, 16% que celui-ci a doublé et 12% qu’il a plus que doublé.
Néanmoins, cette configuration du risque semble s’être globalement stabilisée au dernier trimestre 2020, en dépit des contraintes additionnelles présentées précédemment (voir Fig. 7). Dans l’échantillon commun aux sondages d’octobre et décembre, nous retrouvons toujours un quart d’IMF qui n’est pas concerné par cette augmentation du portefeuille à risque. Dans le même temps, aucune IMF ne s’ajoute à la liste des IMF dont le PAR 30 a plus que doublé. Les transferts d’une catégorie à une autre sur la période octobre-décembre se font pour la grande majorité entre un PAR stable et un PAR qui augmente sans doubler. Signe donc que les détériorations des contextes locaux présentées précédemment n’affecteraient donc pas l’ensemble des clients, ne se répercutant ainsi que modérément dans les indicateurs de risque des IMF.
Cette stabilité coïncide avec les nouveaux objectifs des IMF en ce début de nouvelle année. La crise a bouleversé leurs opérations, et a inévitablement eu des conséquences sur leurs projections. Ainsi, 58% des IMF affirment avoir mis à jour leur plan d’affaires et leurs objectifs de croissance pour les mois et années à venir. Fortes de ces acquis de crise et d’une meilleure compréhension du contexte, les IMF prévoient toujours, pour une très grande majorité d’entre elles, de continuer à se développer en 2021. Ainsi, 80% des sondés s’attendent à une hausse en volume de leur portefeuille cette année, alors que 15% s’attendent à ce qu’il stagne et 5% envisagent un recul. De plus, cette augmentation du portefeuille devrait également s’accompagner d’une hausse du nombre de clients pour 75% des IMF qui prévoient une croissance en cette nouvelle année. Un nouveau signe d’espoir donc, mais aussi d’ambition de la part d’institutions déterminées à continuer à avancer en 2021.
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(1) Les résultats des quatre premières enquêtes auprès des partenaires de ADA, Inpulse et la Fondation Grameen Agricole sont accessibles ici : //www.gca-foundation.org/observatoire-covid-19/, //www.ada-microfinance.org/fr/crise-du-covid-19 et //www.in-pulse.coop/news-and-media/
(2) Le nombre d’IMF répondantes par région est le suivant : ASS 19 IMF ; ALC 17 IMF ; EAC 21 IMF, Asie du Sud 10 IMF ; MENA : 7 IMF.
(3) L’échantillon est de 38 IMF : 6 en Asie du Sud, 10 en Europe de l’Est et Asie Centrale, 6 en Amérique Latine et Caraïbes, 1 dans le MENA et 15 en Afrique subsaharienne.
(4) //www.gca-foundation.org/espace-medias/#covid-19-une-reprise-des-imf-progressive-au-rythme-de-celle-de-leurs-clients
[INTERVIEW] Les actions de la Fondation face à la crise Covid-19
Hélène Keraudren Baube & Edouard Sers, Fondation Grameen Crédit Agricole
Pour surmonter les effets de cette crise sanitaire et économique sans précédent, la Fondation a dû innover, s’adapter et se concerter avec d’autres acteurs clés des secteurs de la finance inclusive et de l’entrepreneuriat à impact social. Un travail transversal qui implique l’ensemble des équipes de la Fondation. Pour en savoir plus, coup de projecteur sur les témoignages de deux experts de la Fondation, Hélène Keraudren-Baube, Directrice Administrative et Financière, et Edouard Sers, Directeur Risques, Conformité et Performance Sociale.
1.Comment la crise Covid-19 a impacté l’organisation interne de la Fondation et des organisations soutenues ?
Hélène : Nous avons eu recours au télétravail du jour au lendemain, mais comme c’était déjà une modalité possible à la Fondation la transition a été très fluide. En plus de fournir les équipements pour le télétravail, nous avons également adapté les horaires pour prendre en compte le contexte de confinement avec enfants à la maison. Nous avons vécu une année très particulière, avec aucune mission terrain pour l’équipe basée en France depuis février alors que les Chargés d’investissement partent tous en mission terrain plusieurs fois par an. Le Comité de Direction de la Fondation a fait des points réguliers pour faire le suivi de la situation et déterminer les meilleures mesures pour appuyer les équipes et les organisations financées. Par ailleurs, nous avons échangé d’une façon plus régulière avec notre gouvernance pour les tenir informés de l’évolution de la situation et de l’activité.
2. Quelles réponses a donné la Fondation pour y faire face ?
Edouard : La première réponse de la Fondation a été d’établir un dialogue rapide et permanent avec les organisations soutenues pour comprendre les effets de la crise, les mesures prises et leurs besoins. Les équipes de chargés d’investissement sont restées en contact très rapproché avec l’ensemble des organisations que nous soutenons, et nous avons mené des enquêtes régulières auprès de celles-ci pour comprendre les impacts de la crise dans les différents pays d’intervention. De plus, nous avons créé l’Observatoire Covid-19 dans lequel nous avons régulièrement publié des articles afin de partager nos analyses et d’informer les parties prenantes de l’évolution de la situation. En parallèle, nous avons animé une coordination internationale de prêteurs et d’acteurs de la finance inclusive pour agir ensemble, en concertation, afin de protéger les institutions de microfinance et leurs clients et prévenir tout choc de liquidité qui aurait déstabilisé le secteur.
Hélène : Nous avons adapté nos outils de suivi et d’analyse et nos demandes d’information s’agissant notamment des plans de continuation d’activité et des plans de trésorerie à court terme. Sur le plan financier, nous avons octroyé des reports d’échéance à une trentaine d’organisations partenaires de la Fondation, principalement des institutions de microfinance. Ces reports, de 6 à 12 mois selon les cas, ont été matérialisés par des avenants aux contrats de prêts, et des échéanciers revus. Ce volume de demandes de reports est totalement inédit et a ‘stressé’ nos liquidités. Nous avons affiné nos outils de projections et de suivi pour suivre l’impact financier pour la Fondation.
3. Concernant la coalition internationale, quels sont les premiers résultats ?
Edouard : Six mois après la signature de l’Engagement, avec l’ensemble des signataires nous avons rédigé une publication commune présentant l’état de mise en œuvre de 10 principes de l’Engagement. Parmi les conclusions de la publication, nous pouvons souligner la solide coordination entre les bailleurs internationaux pour s’accorder en termes de report d’échéances, évitant une crise de liquidité dans le secteur de la microfinance. Nous avons également avancé dans le domaine de l’assistance technique avec notamment des webinaires et des enquêtes de terrain conjoints auprès des clients finaux. Enfin, nous avons encouragé la collecte coordonnée d’informations sur la gestion du personnel et le suivi des clients des institutions de microfinance et promouvons les initiatives pour renforcer la protection des clients et du personnel. En 2021, nous poursuivrons nos efforts pour accompagner la reprise progressive des institutions de microfinance soutenues avec de l’assistance technique, des financements adaptés et des échanges réguliers entre les différents acteurs du secteur.
4. Par rapport aux bailleurs de fonds de la Fondation, quelles actions communes ont été prises ?
Hélène : nous avons très rapidement tenu nos bailleurs de fonds informés de l’évolution de la situation, avec des présentations détaillées. Nous avons compris dès le début de la crise que le principal impact pour nous en 2020 serait sur la gestion de nos liquidités. Les demandes de reports d’échéance de nos partenaires pèsent sur la trésorerie de la Fondation, et nous avons souhaité préserver notre capacité à soutenir nos partenaires et éviter à tout prix une crise des liquidités. Pour cela nous avons sollicité des reports d’échéances auprès de nos bailleurs, et envisagé de nouvelles lignes de financement « spéciales Covid-19 » pour soutenir la reprise de l’activité des institutions de microfinance que nous appuyons.
5. Pour finir, quelles sont les perspectives pour 2021 ? Quelles seront les priorités de la Fondation ?
Hélène : Après une année 2020 marquée par un résultat opérationnel soutenu par la croissance du portefeuille les années précédentes et des économies substantielles en 2020 notamment sur les frais de déplacement, l’année 2021 sera impactée de plein fouet par la contraction du portefeuille de prêts de la Fondation des suites de la crise. L’activité de la Fondation devrait poursuivre sa progressive et prudente reprise entamée ces derniers mois, nous pensons que le premier semestre sera encore fortement contraint par la pandémie et ses conséquences, et espérons pouvoir reprendre nos déplacements sur le terrain, au plus près de nos partenaires, à partir du second semestre. Il faudra sans doute encore une année pour que la Fondation renoue avec le niveau d’activité qui était le sien avant la crise.
Edouard : Une grande partie des organisations soutenues ont su faire face à la crise et sont éligibles aux financements que propose la Fondation selon des critères de risque standards. En revanche, une partie non négligeable d’entre elles porte encore dans leur bilan un risque important hérité de l’année 2020. Il est crucial que nous continuons à renforcer notre dispositif d’accompagnement pour proposer des solutions adaptées aux différents niveaux de risque, combinant nouveau financement, assistance technique, report d’échéance ou –de plus façon exceptionnelle– restructuration de la dette.
Au niveau du secteur, les prêteurs ont su se coordonner en 2020 afin d’éviter une crise de liquidité et nous continuerons sur cette voie en 2021. Cette année sera également cruciale pour les investisseurs afin qu’ils soutiennent les institutions de microfinance conformément à leur responsabilité d’actionnaire. Enfin, nous continuerons à promouvoir les initiatives pour protéger la clientèle et le personnel des institutions de microfinance en ces temps de crise. Par exemple, nous participons de façon active au groupe de travail de la Social Performance Task Force (SPTF) pour définir des nouveaux critères de certification relatifs à la protection de la clientèle du secteur. Un dialogue permanent avec nos partenaires et des actions coordonnées seront parmi les clés du succès de nos engagements.
Microfinance en Inde : l’histoire de la résilience
Par Devesh Sachdev, DG, Fusion
Le modèle de microfinance consistant à fournir de petits prêts sans garantie aux clients du « bas de la pyramide » jusque-là négligés par le secteur formel, s’est imposé comme un modèle efficace et durable d’inclusion financière. L’inclusion financière a, à juste titre, été le principal domaine d’intérêt des décideurs politiques au cours des dernières décennies, étant donné la part de notre population qui est restée non desservie et / ou mal desservie. Il n’y a pas besoin d’analyse complexe pour savoir que si l’Inde, en tant que pays, doit améliorer son revenu par habitant et faire passer les gens au-dessus du seuil de pauvreté, l’accès au financement doit être la clé.
En dépit de l’impulsion politique menée à travers le système bancaire traditionnel, peu de facteurs ont agi comme des obstacles à cet objectif national d’inclusion financière. D’abord et avant tout, le fait que notre système bancaire formel a largement développé ses politiques et sa portée (qu’elle soit physique ou numérique) pour répondre à la population urbaine / semi-urbaine avec des antécédents / revenus et garanties établis qui correspondent à leur risque défini / matrice de récompense en tant que classe d’actifs. Deuxièmement, le « coût de livraison » pour les petites transactions sur le marché de la balance des paiements est devenu un amortisseur pour les banques. Le manque de littérature financière a également agi comme une contrainte.
Le modèle de microfinance consistant à fournir de petits prêts sans garantie aux clients du « bas de la pyramide » jusque-là négligés par le secteur formel, s’est imposé comme un modèle efficace et durable d’inclusion financière. Il a été conceptualisé pour fournir de manière transparente des services et des produits financiers à la porte de ces mêmes clients d’une manière très simple à comprendre. Le concept de responsabilité conjointe tirant parti du capital social combiné à la livraison directement auprès du client a aidé le secteur de la microfinance à gagner en confiance et en acceptabilité.
Le « parcours » de la microfinance au cours de la dernière décennie s’articule autour de deux grands thèmes. D’un côté, il a résisté à de graves revers comme celui de la crise de l’Andhra de 2010, de la crise de démonétisation de 2016, de la crise de liquidité et de crédibilité de la NBFC et se bat actuellement contre la pandémie mondiale de la Covid-19. Tous ces événements ont créé l’impression, dans l’esprit des parties prenantes, que la microfinance en soi est une classe d’actifs risquée, car malheureusement pour le secteur elle a été affectée par ces événements imprévus une fois tous les 3 à 4 ans.
Cependant, le secteur compte heureusement une facette plus brillante :
- Aujourd’hui, le secteur sert environ 60 millions de clients uniques avec une taille de portefeuille combinée de Rs 23 milliards à travers 620 districts dans 28 États et huit territoires de l’Union. Cela en fait le 2ème secteur en importance après les prêts hypothécaires. Cependant, ce qui est encore plus louable, c’est que le secteur a enregistré une croissance de 30% au cours des 3 dernières années contre 17% pour le secteur de la banque de détail
- Un autre point fort du secteur de la microfinance a été l’offre de produits et de services financiers via une fusion prudente de « Touch and Tech » au coût le plus bas parmi ses pairs à l’échelle mondiale. Le secteur tire parti des progrès de la technologie pour offrir constamment une plus grande transparence, la sécurité des données, la confidentialité et une accessibilité de proximité à ses clients ruraux.
- Avec à la fois une portée et une efficacité opérationnelle, la microfinance est aujourd’hui un modèle commercial durable, calibré pour tirer parti de son réseau afin de fournir d’autres biens et services aux populations rurales, contribuant ainsi à l’importante croissance enregistrée par l’Inde.
- Le secteur génère également d’importantes opportunités d’emploi non seulement en embauchant dans l’arrière-pays, mais aussi en permettant à ses clients d’offrir des opportunités d’emploi à d’autres via un soutien financier étendu.
Le secteur a démontré une résilience remarquable au cours de la dernière décennie et cela a été rendu possible grâce à certains facteurs contributifs clés :
- Le besoin « inhérent » d’un tel modèle dans une Inde ambitieuse, où une importante population non desservie / mal desservie doit encore se voir offrir la possibilité de monter dans le train en marche, a fait en sorte que la microfinance reste un véhicule «préféré» à la fois pour les planificateurs politiques et les praticiens au fil des ans.
- L’important soutien et le cadre politique propice fournis par la Banque Centrale indienne qui a été un catalyseur dans la poursuite de la mission d’inclusion financière du secteur de la microfinance. Le secteur s’est vu attribuer une catégorie spéciale dans la catégorie plus large des services financiers non bancaires de la Banque Centrale, ce qui lui confère une identité distincte et une forte crédibilité en ayant la première organisation d’autorégulation du pays reconnue par la Banque Centrale.
- Le fonctionnement de la MFIN (l’association sectorielle) en tant qu’organisation d’autorégulation depuis 2010 a permis au secteur de bâtir sa croissance sur des piliers solides. Les principaux piliers du travail de la MFIN ont été la protection des clients, le code de conduite du secteur et le plaidoyer politique, qui contribuent tous à la construction d’un écosystème de finance responsable.
- La microfinance étant un modèle de grande portée, elle a assuré le plus haut degré de centrage et de connaissance du client. Le temps de réponse dans les situations de crise est beaucoup plus rapide et les solutions proposées sont très ciblées. Cet aspect a aidé le secteur à surmonter les défis posés par la démonétisation en 2016, mais plus récemment, ce modèle a prouvé sa résilience et sa pérennité dans la crise actuelle de la Covid-19. Les soldats de première ligne ont veillé à ce que les rouages du financement continuent de bouger lorsque les clients en avaient le plus besoin pendant les périodes avant et après le confinement. Les plateformes d’exploitation ont été rapidement modifiées pour fonctionner à distance et fournir des services de prêt numériques.
Le lien fort avec les clients a résisté à l’épreuve du temps et a engendré un degré élevé de compréhension mutuelle et de coopération. La plupart des experts financiers se sont trompés lorsque le portefeuille de microfinance a présenté des indicateurs de portefeuille post-Covid meilleurs que prévu après la période de moratoire mandatée par la Banque Centrale.
Aujourd’hui, le secteur de la microfinance travaille en partenariat avec le gouvernement pour déployer divers programmes sociaux, qu’il s’agisse de prêts Shishu dans le cadre du programme Mudra ou Pradhan Mantri Svanidhi. L’importance du secteur a été reconnue par le Premier ministre dans son discours à l’Assemblée générale des Nations Unies en le qualifiant d’instrument de promotion de l’entrepreneuriat féminin.
Comme on dit : “Ce n’est pas le nombre de coups que vous remportez qui fait de vous un gagnant, c’est le fait que vous vous relevez toujours plus fort malgré les coups encaissés et que vous en sortiez gagnant” et ceci est une description appropriée d’un secteur de la microfinance résilient en Inde, jusqu’à présent… mais le voyage ne fait que commencer !
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Source : BW Businessworld
COVID-19 : une reprise des IMF progressive, au rythme de celle de leurs clients
ADA, Inpulse et la Fondation Grameen Crédit Agricole se sont associés pour suivre et analyser les effets de la crise liée au Covid-19 chez leurs institutions de microfinance partenaires dans le monde. Ce suivi est réalisé périodiquement et le sera tout au long de l’année 2020 afin d’avoir une meilleure vision de l’évolution de la situation. Avec cette analyse régulière et approfondie, nous espérons contribuer, à notre niveau, à la construction de stratégies et de solutions adaptées aux besoins de nos partenaires, ainsi qu’à la diffusion et à l’échange d’informations entre les différents acteurs du secteur.
En résumé
Les résultats présentés dans cet article sont issus d’une quatrième enquête [1] d’une série commune à ADA et la Fondation Grameen Crédit Agricole, Inpulse ayant choisi de se joindre à l’initiative une fois sur deux. Les réponses ont été collectées entre le 1er et le 20 octobre auprès de 73 institutions de microfinance (IMF) de 38 pays d’Afrique subsaharienne (SSA-37%), Amérique latine et Caraïbes (LAC-25%), Europe de l’est et Asie centrale (EAC-18%), Asie (15%) et Moyen-Orient Afrique du Nord (MENA-4%) [2].
Les enquêtes précédentes ayant révélé que la principale difficulté financière pour les IMF était l’augmentation de leur portefeuille à risque (PAR), la nouvelle s’est intéressée de plus près à la situation des clients des IMF et à la reprise de leurs activités. En effet, c’est principalement de cela que dépendent les activités des IMF. Avant tout, les résultats de cette enquête confirment la reprise progressive de l’activité des IMF, avec une réduction de la plupart des contraintes opérationnelles rencontrées initialement. La contrainte majeure qui subsiste concerne la collecte des remboursements de prêts, ce qui explique l’augmentation du PAR en tant que principale difficulté financière pour les IMF.
Cette difficulté à collecter les prêts peut être due à des contraintes externes, de mobilité ou de moratoire imposé par les autorités, ou à des difficultés rencontrées par les clients eux-mêmes, pour qui l’activité ne peut pas toujours redémarrer ou se trouve ralentie par le contexte de crise. En effet, si le pic de la crise sanitaire est passé et si celle-ci a moins touché certaines régions comme l’Afrique subsaharienne ou en Asie du Sud-Est, ce qui a permis à certain nombre de secteurs d’activité de redémarrer, l’heure n’est pas encore au retour à la normale. En particulier, les mesures de restriction et la conjoncture économique globale ont eu et ont toujours des impacts négatifs sur l’activité dans un certain nombre de secteurs, et donc sur les sources de revenus des populations. Cela affecte par conséquent les IMF et leur situation financière, c’est la raison pour laquelle il paraît primordial de suivre de près la façon dont la crise est vécue par leurs clients, afin de s’adapter à leurs besoins de manière réactive en proposant des solutions qui permettront à tous, clients comme IMF, de survivre à cette crise.
1. UNE REPRISE DES IMF TOUJOURS CONTRAINTE PAR LA DIFFICULTÉ À COLLECTER LES REMBOURSEMENTS DE PRÊTS
Les réponses collectées lors de ce mois d’octobre montrent que la plupart des IMF reprennent leurs activités de manière progressive (Fig. 1). Seules les activités de certaines IMF du Myanmar restent très limitées par les contraintes rencontrées suite aux mesures d’endiguement actuellement en vigueur dans le pays, ainsi que celles d’une minorité d’IMF en Afrique subsaharienne (une IMF au Mali et une au Malawi). C’est dans la région Europe et Asie centrale que la proportion d’IMF ayant retrouvé un rythme d’activité habituel est la plus importante.
L’une des contraintes rencontrées par les IMF révélée lors des enquêtes précédentes était le fait qu’une partie de leur personnel et de leurs clients soit atteint du COVID-19. Par conséquent, nous nous sommes intéressés à la prévalence de la maladie Covid-19 parmi le personnel et les clients (Fig. 2 et 3).
La situation est de ce point de vue contrastée : la région Afrique subsaharienne apparaît comme la moins touchée, avec une faible proportion d’IMF rapportant qu’une partie de leur personnel (15%) ou de leurs clients (22%) sont affectés. Cette proportion reste par ailleurs très faible (entre 0,1 et de 5%), et 70% des IMF de la région déclarant que ni leurs clients ni leur personnel ne sont touchés par le virus. La région Amérique latine et Caraïbes est au contraire la plus touchée [3] , suivie par l’Europe et l’Asie Centrale, avec une plus grande proportion d’IMF concernées (11% seulement des IMF de la région LAC rapportent que ni leurs clients ni leur personnel sont affectés), et des taux de prévalence plus importants pour une partie de ces IMF. Néanmoins, si la situation sanitaire est plus problématique dans ces régions, elle reste pour l’instant une contrainte relativement mineure pour les IMF.
De plus, globalement, une proportion relativement importante d’IMF déclarent même ne plus rencontrer aucune contrainte (Fig.4), notamment dans la région Europe et Asie centrale (62%), tandis que celles qui continuent de faire face à un certain nombre d’entre elles sont de moins en moins nombreuses au fil des enquêtes, ce qui reflète la tendance à la reprise progressive.
La contrainte principale qui subsiste, citée par 32% des IMF de l’échantillon total, est la difficulté à collecter les remboursements de prêts. Cela a notamment pour conséquence l’augmentation du portefeuille à risque, qui est toujours la première difficulté financière rencontrée par les IMF de toutes les régions, et citée comme telle par 77% d’entre elles, tandis que les autres difficultés tendent à être de moins en moins citées au fil des enquêtes.
Cette difficulté ou impossibilité à collecter les remboursements de prêts peut s’expliquer par des contraintes de mobilité, notamment dans les pays ou régions où des mesures de restriction sont toujours en vigueur, mais aussi par la mise en place de moratoires, que ce soit par les autorités ou par les IMF elles-mêmes si les clients en avaient besoin. En effet, la mise en place d’un moratoire a concerné la majorité (84%) des IMF de l’échantillon enquêté (Fig. 5), et un moratoire est même toujours en vigueur au moins pour une partie des clients pour 48% des IMF au total, l’Asie étant la région où cette situation est la plus fréquente (83% des IMF de la région présentes dans l’échantillon).
Parmi les clients ayant bénéficié d’un moratoire, ceux qui repaient désormais leurs prêts comme à l’accoutumée représentent une minorité (Fig. 6). La majorité des IMF (86% de l’échantillon) déclarent en effet qu’une partie ou la totalité des clients ont eu besoin d’un nouveau moratoire, ou sont même désormais dans le portefeuille à risque, 39% des IMF de l’échantillon étant concernées par cette dernière situation. En Europe et Asie Centrale et en Afrique subsaharienne, c’est même plus de la moitié des IMF qui mentionnent le passage dans le portefeuille à risque d’une partie des clients ayant bénéficié d’un moratoire.
Néanmoins, globalement, la majorité des IMF de chaque région rapportent qu’au moins 70% de leurs clients remboursent leurs prêts (Fig. 7). En Asie du Sud et Centrale et en Europe, ce sont plus de 80% des répondants qui ont des niveaux de remboursements supérieurs à 70%. En revanche, les régions Amérique latine et Caraïbes et Afrique subsaharienne sont celles où la situation est la moins bonne, dans la mesure où ce sont respectivement 34% et 45% des IMF pour lesquelles moins de 70% des clients remboursent leurs prêts, et 17% et 15% pour lesquelles cette proportion est inférieure à 50%.
2. LES CLIENTS DES IMF EUX-MÊMES CONTRAINTS DANS LEUR REPRISE
Ces niveaux de remboursements volatiles et inférieurs aux habitudes pré-crise s’explique notamment par le fait que les clients ne sont toujours pas tous en mesure de reprendre leur activité : hormis dans la région Europe et Asie centrale encore une fois, les IMF rapportant que 90% de leurs clients ou plus ont repris leur activité sont minoritaires. Toutefois, pour la majorité des IMF de l’échantillon (54% au total), entre 50 et 90% des clients ont repris leur activité. La tendance est donc globalement à la reprise progressive.
Néanmoins, même si les clients reprennent leur activité, certains secteurs sont plus affectés que d’autres par la crise. Ainsi, le secteur d’activité mentionné le plus souvent comme étant le plus affecté est celui du tourisme dans toutes les régions en dehors de l’Afrique subsaharienne, où il s’agit du commerce (cité comme tel par 48% des IMF de la région). Le secteur des services arrive en second dans la plupart des régions à l’exception de l’Asie, où le secteur de la production et de l’artisanat y est plus affecté. A l’inverse, l’agriculture n’est citée qu’une fois. De manière générale, le secteur de l’agriculture semble avoir été moins touché que les autres secteurs par la crise liée à la Covid-19, comme le révélaient nos précédents travaux où un certain nombre d’IMF déclaraient vouloir cibler davantage l’agriculture, en tant que secteur moins touché par la crise.
Lorsque l’on s’intéresse aux contraintes rencontrées par les clients par secteur, il apparaît que ces contraintes sont spécifiques à chacun d’entre eux (Fig. 10). Concernant le secteur du tourisme, c’est la diminution du nombre de clients des entrepreneurs travaillant dans ce secteur qui est citée comme la principale source de difficultés, suivie de près par la perte d’emploi, mentionnée par 60% des IMF ayant identifié le tourisme comme secteur le plus affecté. En revanche, dans les autres secteurs, la perte de leur emploi par les clients n’apparaît pas parmi les premières contraintes identifiées. La diminution du nombre de clients reste l’une des contraintes majeures, tant pour le secteur du commerce, que pour les services ou la production et artisanat, résultat que l’on retrouve également dans d’autres enquêtes réalisées directement auprès des clients d’IMF, telle que celles utilisant l’outil développé par la SPTF où la baisse de la demande est identifiée comme la principale raison de la baisse de revenus [4] . Enfin, le manque d’opportunités d’affaires est la première contrainte pour le secteur du commerce (citée par 72% des IMF ayant identifié ce secteur comme étant le plus affecté), tandis que la difficulté à produire ou offrir les produits est spécifique à celui de la production et artisanat.
En s’intéressant de cette manière aux contraintes spécifiques rencontrées par leurs clients en fonction de leur secteur d’activité mais aussi probablement d’autres facteurs, les IMF pourraient ainsi mieux anticiper leur situation financière à court terme, et trouver les réponses adaptées aux besoins de leurs différents segments de clients, qui leur permettront à tous de mieux traverser cette crise. Cette réactivité semble d’ailleurs avoir déjà été adoptée par certaines IMF, dans la mesure où, au-delà de la priorité donnée au remboursement des crédits ou à leur restructuration, certaines d’entre elles ont mis en place non seulement de nouveaux canaux de communication et distribution via le digital, mais aussi de nouvelles politiques de crédit ou de nouveaux produits (Fig. 11).
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[1] Les résultats des trois premières enquêtes auprès des partenaires de ADA, Inpulse et la Fondation Grameen Agricole sont accessibles ici : //www.ada-microfinance.org/fr/crise-du-covid-19 et //www.gca-foundation.org/observatoire-covid-19/
[2] Le nombre d’IMF répondantes par région est le suivant : SSA : 27 IMF ; LAC : 18 IMF ; EAC : 13 IMF, Asie : 12 IMF ; MENA : 3 IMF. Malgré le faible nombre d’IMF répondantes dans la région MENA, il nous semblait important de partager les retours de ces IMF qui prennent le temps de répondre à ces enquêtes. Toutefois, nous invitons à la prudence pour l’interprétation des résultats dans cette région, dont on ne peut affirmer la représentativité.
[3] La région MENA n’étant représentée que par 3 IMF dans l’échantillon enquêté, les chiffres élevés dans cette région doivent être considérés avec précaution.
[4] Les résultats de ces enquêtes sont accessibles ici : //app.60decibels.com/covid-19/financial-inclusion#explore
Kafo Jiginew, résiliente face à la crise Covid-19 au Mali
La crise Covid-19 a impacté l’activité de Kafo Jiginew, institution de microfinance financée par la Fondation Grameen Crédit Agricole depuis 2018. D’abord en raison du ralentissement de l’activité économique internationale qui a impacté la croissance de l’épargne, mais également par rapport à la demande de crédits qui a elle aussi diminué. Ce panorama a été présenté par David Dao, Directeur de Kafo Jiginew, lors d’une interview accordée à l’occasion de la remise de dons d’une valeur de 25 millions de FCFA aux veuves et orphelins des militaires maliens qui font partie du sociétariat de l’institution.
La Covid-19 a également touché le secteur cotonnier malien, financé largement par l’institution, qui a vu sa demande baisser sur le marché mondial. Les demandes de crédit des producteurs de coton ont diminué ce qui pour l’institution représente une baisse des revenus financiers importante. Une autre conséquence est l’accroissement du risque de non remboursement des crédits qui pourrait peser sur la rentabilité financière de Kafo en 2020. David Dao escompte cependant un résultat positif pour 2020 et affirme que la situation ne pèsera pas sur l’existence de l’institution qui est solide.
Kafo Jiginew reste le leader de la microfinance au Mali avec au moins 40% des parts de marché, 430 000 clients et 68 milliards de FCFA de portefeuille. Depuis 2014, l’institution a entamé une phase de rentabilité qui se poursuit encore. En 2015, Kafo Jiginew a par ailleurs initié une opération de rating global avec MFR – Microfinanza Rating, un cabinet d’audit international qui évalue et note sa performance financière et sociale. Ces bonnes pratiques assurent une transparence vis-à-vis des bailleurs internationaux comme la Fondation Grameen Crédit Agricole, qui restera engagée aux côtés de ses partenaires pour faire face à la crise actuelle.
Source : Bamada.net
Les organisations signataires rendent compte de l’engagement Covid-19 et des enseignements tirés
Au cours des derniers mois, le secteur de l’inclusion financière s’est embarqué dans un périple pour faire face à la crise Covid-19. Sur le terrain, les institutions de microfinance ont pris des mesures pour faire face aux risques sanitaires, aux confinements et à la récession économique. Dans l’intervalle, les prêteurs, les investisseurs, les organisations de soutien et les prestataires d’assistance technique ont dû adapter leurs principes d’intervention et coordonner leurs actions (1) . En signant l’Engagement sur les principes clés pour assurer la protection des institutions de microfinance et de leurs clients dans la crise Covid-19 («l’Engagement»), 30 organisations se sont engagées à respecter certains principes clés.
Six mois après la signature de l’Engagement, un groupe de travail composé de signataires (ADA, Cordaid Investment Management, Frankfurt School Impact Finance, Fondation Grameen Credit Agricole, Microfinance Solidaire, SIDI et la Social Performance Task Force) tire les leçons de la mise en œuvre des principes de l’Engagement. Dans une publication commune, les signataires présentent l’état de mise en oeuvre de 10 principes notamment liés aux reports d’échéances et aux premières étapes de restructuration volontaire de la dette, en lien avec ce qui a pu être observé au cours des premiers mois de la crise.
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Nous en concluons une très bonne coordination entre les bailleurs internationaux qui se sont mis d’accord sur les termes de report d’échéances, évitant, dans la majorité des cas, de longues discussions de restructuration. Cette réaction rapide s’est avérée essentielle pour éviter une crise de liquidité dans le secteur, la plupart des partenaires financés ayant maintenu des niveaux de liquidité suffisants. Dans de rares cas, lorsque des comportements individuels non coordonnés menaçaient le partage équitable des contraintes entre les bailleurs internationaux, la pression des pairs a été efficace.
Nous avons également assisté à une coordination sans précédent dans le domaine de l’assistance technique qui a déjà abouti à des collaborations entre les prestataires d’assistance technique, telles que l’organisation d’un webinaire conjoint sur la gestion des liquidités, l’offre d’outils sur la continuité des activités et la mise en œuvre d’enquêtes de terrain auprès des clients finaux. La coordination n’a cependant pas été à la hauteur de notre objectif initial, notamment en raison de la nécessité de prioriser les questions les plus urgentes. Compte tenu des défis importants auxquels les institutions de microfinance seront confrontées sur le terrain, nous pensons qu’il est essentiel de poursuivre nos efforts sur ce front pour éviter les doublons et tendre vers une plus grande efficacité.
Notre engagement en matière de protection des clients et du personnel perdure. Nous avons encouragé les initiatives visant à promouvoir la protection continue des clients et du personnel en ces temps de crise et nous devons poursuivre ces efforts pour nous assurer qu’elles restent au centre des discussions. De nombreuses institutions de microfinance devront redresser une activité intimement liée à la santé financière des clients, aux comportements du personnel sur le terrain et au traitement du personnel. À cette fin, nous encourageons la collecte coordonnée d’informations sur la gestion du personnel et les résultats des clients tout au long de la crise et au-delà. Nous encourageons également l’intensification des initiatives sectorielles qui contribuent à un suivi efficace dans ces circonstances exceptionnelles (2).
Le nouveau financement de la dette a considérablement ralenti pendant la crise mais ne s’est pas complètement arrêté. Alors que certaines économies redémarrent, bon nombre des partenaires que nous finançons ont montré, depuis juillet 2020, des signes prometteurs de reprise, avec des différences importantes entre les pays et les secteurs d’activité. Conscients de l’ouverture de ce nouveau chapitre, nous nous engageons à accompagner et à consolider la reprise économique de manière opportune et responsable.
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[1] //www.covid-finclusion.org/investors
[2] The Social Investor Working Group of the SPTF has issued Lenders’ Guidelines for Defining and Monitoring Responsible Covenants in the Covid-19 context.
Une reprise sous contraintes opérationnelles et financières
ADA, Inpulse et la Fondation Grameen Crédit Agricole se sont associés pour suivre et analyser les effets de la crise liée au Covid-19 auprès de leurs institutions de microfinance partenaires dans le monde. Ce suivi est réalisé périodiquement et le sera tout au long de l’année 2020 afin d’avoir une meilleure vision de l’évolution de la situation. Avec cette analyse régulière et approfondie, nous espérons contribuer, à notre niveau, à la construction de stratégies et de solutions adaptées aux besoins de nos partenaires, ainsi qu’à la diffusion et à l’échange d’informations entre les différents acteurs du secteur.(1)
En résumé
Cet article est rédigé à partir des réponses fournies entre le 23 juillet et le 06 août 2020 par 91 partenaires présents dans 42 pays, répartis entre l’Europe, l’Afrique, l’Asie et l’Amérique latine (2). Les retours des institutions de microfinance (IMF) permettent de constater l’évolution continue de la crise sanitaire liée au COVID-19. Alors que les mesures de réouverture des pays et de relance de l’économie se sont multipliées pendant le mois de juillet, l’impact sanitaire de la crise est mentionné de manière plus significative par nos partenaires dont les clients et les employés sont finalement aussi directement touchés.
C’est dans ce contexte à la fois incertain et évolutif que les IMF bravent les défis qui se présentent à elles depuis plus d’un trimestre désormais. Les difficultés opérationnelles étant toujours d’actualité, les institutions restent vigilantes sur leur portefeuille et le risque que celui-ci porte, qui semble s’être globalement stabilisé, même si à un niveau beaucoup plus élevé qu’avant la crise. Néanmoins, certains signaux sont encourageants sur d’autres problématiques. Ainsi, la grande majorité des IMF estiment pouvoir survivre à cette crise et sans subir de grands changements stratégiques. Également, il apparait que la question de la liquidité a été plutôt bien gérée depuis le début de la crise.
La bataille menée contre le virus n’est néanmoins pas encore gagnée, et ses répercussions sont particulièrement fortes sur le secteur informel de l’économie. Il ressort que les clients de l’économie informelle sont plus touchés, notamment car ils ne bénéficient finalement pas des mesures d’aide que les Etats peuvent apporter. Les IMF sont cependant sensibles à ces besoins et une partie de nos partenaires envisagent d’apporter des services particuliers pour aider leurs clients à faire face à la crise.
1. Des contraintes opérationnelles toujours présentes pour les IMF
De manière générale, nos partenaires témoignent de nouveaux progrès en termes d’assouplissement des mesures d’endiguement dans leur pays, après les premières relaxations des mesures dans certaines régions du monde en juin (notamment en Europe de l’Est, en Asie Centrale et en Afrique subsaharienne). La comparaison des réponses de nos partenaires ayant répondu à notre sondage sur juillet et juin (3) (graphique ci-dessous) rend compte de cette amélioration concernant les difficultés opérationnelles. Ces résultats sont par ailleurs à l’image des résultats généraux obtenus pour le mois de juillet.
L’ensemble des IMF indiquent une amélioration quant aux possibilités de déplacement pour leur personnel. Cependant cela demeure une contrainte majeure en Amérique Latine et dans les Caraïbes, alors que moins de 20% des IMF dans les autres zones sont concernées. De plus, si la liberté de déplacement s’améliore largement dans ces régions, la rencontre des clients sur le terrain demeure une problématique toujours importante pour plus de 30% des IMF. Enfin, à l’exception de l’Amérique Latine, la rencontre des clients en agence semble être aujourd’hui la solution la moins problématique.
En fait, si l’on peut noter globalement une amélioration du contact avec les clients, dans toutes les régions, collecter les remboursements des prêts ou en décaisser de nouveaux à des niveaux standards de pré-crise demeure très difficile, avec des difficultés rencontrées pour plus de 50% des IMF sondées dans chaque région (respectivement 70% et 66% au global), certaines difficultés étant liées aux contraintes réglementaires nationales ou locales.
« Bien que d’autres IMF recommencent à opérer, nous attendons toujours d’avoir l’autorisation du gouvernement régional » – Partenaire au Myanmar
D’autant plus que les IMF sont encore en pleine activité de restructuration des prêts des clients au mois de juillet (80% des sondés).
« La communication sur le report des échéances constitue un frein sur le remboursement des crédits » – Partenaire au Sénégal
Et alors que nous notons depuis plusieurs mois la singularité de la zone Amérique Latine dans les réponses récoltées dû à un contexte sanitaire COVID-19 particulièrement difficile, les informations obtenues montrent que la situation n’est pas réglée pour autant dans les autres régions.
Les doutes quant à un potentiel retour à la normale pour les activités des IMF ne sont effectivement pas levés puisque la crise sanitaire reste la problématique centrale de la période actuelle, et qu’elle persiste. L’actualité de juillet a notamment été marquée par la résurgence ponctuelle de nombre de cas dans certains pays. Ce qui se traduit de manière très significative et pour la première fois dans nos enquêtes par une proportion fortement en hausse de partenaires qui sont touchés par la crise sanitaire, aussi bien parmi leur personnel que leurs clients (graphique ci-contre (4)).
Ainsi, au niveau mondial de l’enquête, ce sont 51% de nos partenaires qui déclarent en juillet 2020 que parmi leurs clients, certains ont contracté le COVID-19, et près d’un tiers indiquent que cela concerne également leurs employés. Si nous n’avons pas de données pour connaître respectivement les proportions concernées chez les clients et le personnel, cette tendance est néanmoins significative. Plus précisément, ce sont plus de trois IMF sur 4 en Asie Centrale et Amérique Latine dont des clients ont été atteint du virus (une sur deux en juin). Si l’Amérique Latine est largement concernée à la fois côté client et côté personnel, les chiffres sont également en légère hausse concernant le personnel des IMF d’Europe et Asie Centrale. Les zones Asie du Sud et Afrique Subsaharienne semblent globalement plus en retrait sur ce point mais les chiffres incitent cependant à maintenir une vigilance certaine.
« Plus de 10 clients sont morts à cause du Covid-19 » – Partenaire au Honduras
2. Les IMF continuent de faire face à des problématiques financières majeures
Comme nous le constatons depuis le début de nos enquêtes, l’augmentation du portefeuille à risque et la réduction de l’encours de crédit sont les deux principales conséquences directes de la crise pour une institution de microfinance. Les autres difficultés financières sont en revanche dans des proportions plus faibles et sont stables de juin à juillet (figure ci-dessous (5)). Ce point vaut pour toutes les régions sauf l’Amérique Centrale, où nos partenaires ayant répondu à l’ensemble de nos sondages témoignent des problèmes et une crainte grandissante sur les questions de fonds propres, de manque de liquidité ou d’augmentation des dépenses.
Le détail de l’analyse montre que la contraction de l’encours de crédit est un phénomène hétérogène. Ainsi, au niveau de l’ensemble des répondants, ce sont 39% des IMF d’Asie Centrale qui indiquent souffrir d’une réduction de leur portefeuille, contre 55% en Afrique Sub-saharienne, 71% en Asie du Sud et 88% en Amérique Latine à la même période.
En revanche, il apparait que la hausse du portefeuille à risque est une problématique commune à toutes les IMF, quelque soit leur région ou leur taille, et elle concerne plus de 80% de nos partenaires. Cependant, si le PAR 30 des institutions de microfinance s’est dégradé depuis le début de la crise, il ne subit plus de changements majeurs entre juin et juillet, tout en restant à un niveau bien supérieur à celui d’avant la crise. Comme indiqué dans le graphe ci-dessous, la structure du PAR30 des partenaires de l’échantillon de 54 IMF est assez stable d’un mois à l’autre. Et il s’agit d’une tendance que nous voyons à l’échelle de tous les sondés : une part entre 15 et 20% des IMF constate un PAR30 en baisse ou stable, tandis qu’environ 40% a vu son PAR30 augmenter sans doubler depuis la fin de l’année 2019. Finalement, les cas les plus risqués représentent régulièrement entre 30 et 40% des sondés.
« [Il est difficile] de couvrir les charges de dotations aux provisions pour les mauvaises créances » – Partenaire en République Démocratique du Congo
Cependant, toutes ces difficultés ne devraient pas être fatales pour nos partenaires. Lorsqu’interrogés sur de possibles changements stratégiques suite à la crise, 93% des sondés n’en anticipent aucun à court ou moyen terme. Nos partenaires ne se sentent donc pas concernés par de potentielles ventes d’une partie de leur actifs, mises sous tutelle administrative ou liquidations, signe d’une certaine confiance en l’avenir.
Enfin, les dernières informations de nos partenaires indiquent qu’une crise de liquidité semblerait avoir été évitée, avec 24% des sondés soulignant ce problème (contre près de 40% lors de notre enquête menée en mai). De plus, dans le détail, la proportion d’IMF soulevant ce point dans chaque région ne dépasse pas un tiers.
Les premières explications nous amènent tout d’abord vers les multiples reports d’échéances accordés aux IMF par leurs investisseurs étrangers et locaux mais également aux niveaux réduits de décaissements depuis le début de la crise. Notons également la faible proportion d’IMF ayant subi un mouvement important de retrait de l’épargne depuis le début de la crise, aidant la gestion de la trésorerie. Parmi les IMF qui nous rapportent cette difficulté, la plupart proviennent d’Afrique Subsaharienne et d’Asie et ne témoignent pas de besoins supplémentaires notables par rapport à d’autres IMF. Ces différents facteurs influent sur les besoins en liquidités des IMF. Ainsi, à l’échelle globale, 47% des sondés n’ont pas de besoins additionnels de financement pour 2020. Pour près d’un quart des IMF hors Afrique Subsaharienne, ceux-ci ont même baissé. Finalement, seul un quart des sondés fait état de besoins supplémentaires dans de fortes proportions.
3. A juillet, un secteur informel exposé
Si les institutions de microfinance sont toujours exposées à la crise, leurs clients le sont tout autant. 92% de nos partenaires indiquent en fait que les clients évoluant dans l’économie informelle sont soit modérément touchés par la crise, soit les plus touchés par la crise. Comme tous les autres entrepreneurs et clients des IMF, ils souffrent d’une activité réduite, mais subissent également les conséquences des grandes mesures internationales et nationales de gestion de la pandémie, par exemple dans les secteurs du tourisme, du textile, de la culture… Avec des moyens de secours limités et une activité réduite qui ne peut générer suffisamment de revenus, ceux-ci seraient plus vulnérables. Ce propos est tenu en très forte majorité en Asie Centrale et en Amérique Latine (plus de deux tiers des sondés de ces régions) alors qu’en Afrique Subsaharienne, les retours indiquent que les clients de l’économie informelle sont impactés de la même manière que ceux de l’économie formelle.
« En raison des conditions économiques et de marché actuelles, il est difficile pour les petites entreprises de relancer leurs activités économiques courantes au niveau où elles se trouvaient avant la crise COVID-19 » – Partenaire au Sri Lanka
Les raisons invoquées par nos partenaires sont avant tout d’ordre pécuniaire : la vulnérabilité des travailleurs du secteur informel proviendrait du manque de soutien financier de la part des gouvernements au secteur. Cette explication est avancée par une vaste majorité (78%), qui note également à 57% que les clients de ce milieu n’ont pas accès à des services non-financiers adaptés (développement des entreprises, éducation financière, éducation à la santé…). L’absence de services d’assurance est également soulevé par 50% de ces IMF. En revanche, le manque d’accès aux services d’épargne n’est que très peu cité.
Les IMF réfléchissent déjà à comment répondre au mieux aux besoins de leurs clients. Ainsi, 48% des IMF témoignant d’un secteur informel vulnérable disent prévoir de lancer des programmes d’éducation financière, et 33% imaginent accompagner les clients dans la gestion de leur activité. Néanmoins, seule une faible proportion d’entre eux imagine se lancer dans des produits de micro-assurance (maximum 11%). Les IMF justifient ces ambitions par deux raisons principales : se rapprocher et se concentrer sur les populations moins desservies, renforcer les clients, mais également répondre à une demande d’offres adaptées et nouvelles pendant une période particulière. Pour certaines IMF, cela pourra se traduire par d’autres initiatives, comme le développement du segment agricole (toujours fortement mentionné par les IMF) ou par un développement de solutions digitales pour les clients, pour préparer le monde d’après. Comme nous le dit un partenaire en Amérique Latine :
« Nous planifions les programmes d’éducation financière et de gestion d’entreprise par voie numérique pour initier les clients à l’utilisation des réseaux sociaux pour vendre leurs produits, car le principal problème qu’ils ont eu est que leurs lieux de vente étaient fermés »
Les résultats de cet article mettent en évidence les difficultés opérationnelles et financières rencontrées par les IMF au cours de ce premier semestre, mais aussi leurs premiers pas dans la compréhension des problèmes et la recherche de solutions. Contexte dans lequel l’avenir nous met au défi de continuer à nous interroger sur les actions de relance les plus favorables pour chaque région, comment elles peuvent être mises en oeuvre et comment les différents acteurs directement et indirectement du secteur de la microfinance peuvent contribuer à sa relance. Des questions qui représentent de grands défis mais aussi des éléments importants pour réfléchir aux solutions nécessaires.
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1 Les résultats des enquêtes précédentes sont disponibles ici pour la première et ici pour la deuxième.
2 Le nombre total d’IMF ayant répondu à l’enquête pour chaque région est le suivant : Asie du Sud (« Asie ») 14, Amérique Latine et Caraïbes (« LAC ») : 24, Europe et Asie Centrale (« ECA ») : 18, MENA : 6, et Afrique Subsaharienne (« SSA ») 29. Pour un total de 91 institutions. Le faible échantillon de la région MENA ne permet pas de faire le suivi des chiffres de la zone.
3 Cette comparaison porte sur un échantillon de 54 IMF : 12 en Asie, 7 en EAC, 13 en LAC, 22 en SSA.
4 Cette comparaison porte à nouveau sur l’échantillon de 54 IMF.
5 Idem
La crise Covid-19 : des impacts variés selon la taille des institutions de microfinance
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ADA, Inpulse et la Fondation Grameen Crédit Agricole se sont associés pour suivre et analyser les effets de la crise liée au Covid-19 chez leurs institutions de microfinance partenaires dans le monde. Ce suivi est réalisé périodiquement et le sera tout au long de l’année 2020 afin d’avoir une meilleure vision de l’évolution de la situation. Avec cette analyse régulière et approfondie, nous espérons contribuer, à notre niveau, à la construction de stratégies et de solutions adaptées aux besoins de nos partenaires, ainsi qu’à la diffusion et à l’échange d’informations entre les différents acteurs du secteur.
Les résultats présentés dans cet article sont issus d’une deuxième vague d’enquête (1) commune à ADA et la Fondation Grameen Crédit Agricole, Inpulse ayant choisi de se joindre à l’initiative une fois sur deux. Les réponses ont été collectées entre le 18 juin et le 1er juillet auprès de 108 institutions de microfinance (IMF) principalement issues des régions Amérique latine et Caraïbes (LAC-46%), Afrique subsaharienne (SSA-29%), Asie (14%) et Europe de l’est et Asie centrale (EAC-10%), une seule IMF de la région Moyen-Orient Afrique du Nord (MENA) étant représentée. Ce panel d’IMF répondantes est relativement diversifié en termes de taille, avec 49% d’IMF Tier 2 (2), 35% d’IMF Tier 3 et 16% d’IMF Tier 1, réparties par région comme représenté dans la Figure 1.
Figure 1. Répartition des IMF répondantes par région et par Tier
MENA Tier 2
En résumé :
Cette nouvelle vague d’enquête montre que la crise à laquelle sont actuellement confrontées les IMF révèle leurs forces et faiblesses structurelles spécifiques à leur taille : les plus grandes IMF (les Tier 1) apparaissent mieux armées pour résister aux difficultés financières provoquées par la crise sanitaire et les mesures d’endiguement de l’épidémie, pour prendre des mesures de gestion de crise et pour avoir recours aux mesures spécifiques mises en place par leurs autorités locales. En revanche, les IMF de taille plus modeste (Tier 2 & 3) sont plus à même d’offrir par elles-mêmes des services autres que financiers à leurs clients pour les aider à faire face à la situation, et sont désireuses de développer encore davantage les services non financiers à l’avenir. Plus généralement, si elles envisagent de lancer de nouveaux produits ou services, c’est avant tout pour répondre aux besoins de leurs clients plus que pour rester conformes à leur stratégie ou réduire les risques. Ainsi, si les plus grandes IMF semblent plus résilientes en temps de crise, les plus petites ne sont pas en reste et demeurent fidèles à leur forte mission sociale. C’est aussi une véritable force pour ces institutions, qu’il ne faudra pas oublier au profit de structures plus autonomes en cette période de crise.
Les plus grandes IMF sont moins sujettes aux difficultés financières…
Depuis le mois de juin, les mesures d’endiguement de l’épidémie s’assouplissent dans certaines régions, notamment en Europe de l’est, Asie centrale et en Afrique subsaharienne. Par conséquent, les difficultés opérationnelles auxquelles font face les institutions de microfinance diminuent dans ces régions par rapport à mai (3), alors qu’elles continuent de se faire sentir dans la région d’Amérique latine et Caraïbes où les mesures d’endiguement sont toujours en place, et où une proportion plus importante d’IMF a donc toujours des difficultés pour se déplacer, rencontrer les clients dans les agences, et donc à débourser les prêts et collecter les remboursements, comme représenté dans la Figure 2. Par exemple, 76% des IMF de la région Amérique latine et Caraïbes déclarent que leur personnel rencontre des difficultés pour se déplacer, contre 23% des IMF d’Afrique subsaharienne.
Figure 2. Difficultés opérationnelles rencontrées par les IMF par région
Comme expliqué dans notre précédent article, ces difficultés opérationnelles se répercutent sur le portefeuille et sa qualité pour toutes les IMF. Néanmoins, les difficultés financières qu’elles impliquent ne se font pas ressentir de la même manière en fonction de la taille des IMF. En effet, les plus grandes IMF apparaissent globalement moins confrontées à ce type de problématique, avec des proportions moins importantes d’IMF Tier 1 qui déclarent avoir des difficultés à rembourser leurs financeurs (12% contre 22,5% des IMF Tier 2 et 3), avoir des fonds propres insuffisants pour faire face à crise (6% contre 29% des IMF Tier 2 et 3) ou faire face à un manque de liquidités (12% contre 29% en moyenne pour les IMF Tier 2 et 3), comme représenté dans la Figure 3. Les IMF Tier 1 semblent ainsi mieux armées que les autres pour résister aux conséquences de la crise sur leur situation financière.
Figure 3. Difficultés financières rencontrées par les IMF selon leur taille
Si l’augmentation du portefeuille à risque reste la première difficulté rencontrée pour toutes les IMF, cette augmentation se matérialise différemment en fonction de leur taille. Ainsi, elle semble moins forte pour les IMF Tier 1 que pour les autres, comme représenté dans la figure 4 : seules 12% des IMF Tier 1 déclarent que leur portefeuille à risque à 30 jours a doublé ou plus que doublé par rapport à fin 2019, contre 44% des IMF Tier 2 et 57% des IMF Tier 3. A l’inverse, 35% des IMF Tier 1 déclarent que cet indicateur est resté stable ou a diminué, contre 17% des IMF Tier 2 et 8% des IMF Tier 3.
Figure 4. Evolution du PAR30 des IMF par rapport à fin 2019 selon leur taille
… et plus à même de mettre en place des solutions de gestion de crise…
Dans la plupart des pays, des mesures gouvernementales ont été mises en place afin de permettre aux institutions de microfinance de mieux faire face à la crise. Néanmoins, toutes les IMF ne déclarent pas en bénéficier. Si le recours à ces mesures varie en fonction de la région, très probablement en raison d’une communication et d’une mise en place variables selon les pays (les IMF de la région Asie sont par exemple relativement plus nombreuses à déclarer bénéficier d’un certain nombre de mesures), la localisation géographique ne semble pas être le seul facteur déterminant du bénéfice de certaines mesures gouvernementales : les IMF de plus grande taille sont aussi plus susceptibles d’en bénéficier, comme représenté dans la figure 5.
Figure 5. Mesures gouvernementales dont les IMF déclarent bénéficier, selon leur taille
Cet effet « taille » est réel dans la mesure où il ne s’explique pas par une répartition spécifique des IMF par région. Par exemple, concernant le report ou l’annulation de paiement de taxes et la non-provision des prêts affectés par le Covid-19, l’analyse par région montre que les IMF d’Asie sont relativement plus nombreuses à déclarer en bénéficier alors que les IMF Tier 1 sont minoritaires dans la région. De la même manière, concernant la fourniture de lignes de liquidités, les IMF d’Afrique subsaharienne sont parmi les plus nombreuses à déclarer en bénéficier alors que les IMF Tier 1 y sont très peu représentées.
En ce qui concerne les mesures opérationnelles et de gestion de crise mises en place, là encore le type de mesure prise varie en fonction de la taille des IMF (Figure 6) : 100% des IMF Tier 1 de l’échantillon déclarent par exemple restructurer les prêts des clients, contre 69% en moyenne des autres IMF. Elles sont aussi relativement plus nombreuses à discuter avec l’autorité de contrôle pour éventuellement déroger aux règles prudentielles pendant la crise. A l’inverse, les IMF Tier 3 sont moins susceptibles d’avoir actualisé leur plan de liquidité ou d’avoir mis en place de nouvelles solutions digitales.
Figure 6. Mesures opérationnelles et de gestion de crise prises par les IMF selon leur taille
…mais les petites IMF restent à l’écoute des besoins de leurs clients
En revanche, malgré les difficultés qui se posent à elles, les IMF de plus petite taille restent à l’écoute des besoins de leurs clients : elles sont par exemple aussi nombreuses que les IMF Tier 1 à avoir lancé des enquêtes auprès des clients pour mieux comprendre l’impact de la crise (Figure 7). D’autre part, si elles ont été moins à même de décaisser des prêts d’urgence à leurs clients, elles ont en revanche davantage mis en place de mesures allant au-delà de leur activité principale pour mieux répondre aux besoins de leurs clients face à la crise sanitaire. Elles sont par exemple relativement plus nombreuses à avoir lancé des campagnes de sensibilisation sur les questions d’hygiène ou avoir mis à disposition des kits d’urgence pour les clients. Les IMF de grande taille semblent avoir été moins enclines à instaurer elles-mêmes ce type de services directs aux clients et se sont davantage reposées sur des partenariats avec des structures spécialisées.
Figure 7. Mesures de réponse à la crise pour les clients selon la taille des IMF
Les IMF Tier 1 sont globalement plus nombreuses à déclarer envisager lancer de nouveaux produits ou services à moyen terme ; avec des contraintes financières plus réduites comme montré précédemment, ces IMF ont probablement plus de marge de manœuvre pour travailler dans ce sens (Figure 8). En particulier, si globalement peu d’IMF envisagent de lancer des produits de micro-assurance à l’avenir, ce sont les IMF Tier 1 qui sont les plus susceptibles de le faire. Elles sont également plus nombreuses à souhaiter cibler davantage l’agriculture ou lancer de nouveaux produits et services digitaux. En revanche, les IMF de plus petite taille envisagent tout autant mettre en place des services non-financiers, qu’il s’agisse d’éducation financière ou de « Business Development Services ».
Figure 8. Nouveaux produits, services ou marchés vers lesquels les IMF envisagent de s’orienter à moyen terme, selon leur taille
Des variations entre IMF de différentes tailles ressortent à nouveau lorsque l’on s’intéresse aux motivations des IMF à s’orienter vers de nouveaux marchés ou développer de nouveaux produits ou services (Figure 9). Ainsi, parmi celles qui ont déclaré vouloir lancer au moins un nouveau produit ou service et précisé leurs motivations (76 IMF parmi les 108 répondantes à l’enquête), la volonté de répondre aux nouveaux besoins des clients et/ou de suivre les nouvelles tendances du marché est citée relativement plus souvent par les IMF Tier 3 que par les autres ; à l’inverse, elles sont moins à nombreuses à justifier ce choix par le fait que cela soit conforme à leur plan stratégique ou par la volonté de réduire les risques. L’attention portée par les IMF de plus petite taille aux besoins de leurs clients sera probablement l’une de leurs forces en cette période de crise.
Figure 9. Principales motivations des IMF pour s’orienter vers de nouveaux marchés, produits ou services, selon leur taille
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(1) Les résultats de la première vague d’enquête auprès des partenaires de ADA, Inpulse et la Fondation Grameen Agricole sont accessibles ici : //www.findevgateway.org/paper/2020/06/beyond-difficulties-posed-covid-19-crisis-new-opportunities-are-emerging-microfinance
(2) Les Tiers sont définis en fonction de la valeur des actifs totaux, avec une valeur des actifs totaux supérieure à 50 millions USD pour les IMF Tier 1, comprise entre 5 et 50 millions USD pour les Tier 2, et inférieure à 5 millions USD pour les Tier 3.
(3) Voir les résultats de la première vague d’enquête accessibles via le lien cité ci-dessus.
Impact de la Covid-19 sur les groupes d’épargne des réfugiés en Ouganda
VisionFund Uganda travaille dans le district d’Obongi depuis mai 2019 et a déboursé 92 000 $ US à 100 groupes d’épargne, ce qui représente 2 264 personnes. VisionFund a commencé à former des groupes d’épargne dans le district de Yumbe fin 2019, mais n’a encore financé aucun groupe. Les groupes d’épargne opèrent dans les deux districts depuis un certain temps et tous les groupes existent depuis au moins deux cycles (ou deux ans). VisionFund Uganda est la première institution de microfinance à offrir des prêts à ces groupes. Entre avril et mai, une étude a été menée pour comprendre l’effet de la crise de la Covid-19 sur les groupes d’épargne, aussi bien au niveau des communautés d’accueil que des réfugiés.
Réunions des groupes d’épargne
La majorité (81%) des groupes continuent de se réunir; seuls 19% des groupes ont cessé de se réunir. La principale stratégie a été de continuer à se réunir (65%), mais en petits groupes, conformément aux exigences gouvernementales en matière de distanciation sociale. Une explication de la plus grande résilience des groupes de réfugiés peut être que ces groupes ont reçu plus de soutien dans leur formation que les groupes des communautés d’accueil. Presque tous les groupes de réfugiés épargnent toujours (certains épargnent moins) tandis que 24% des groupes dans les communautés d’accueil ont cessé d’épargner. La conclusion est que les groupes de réfugiés se sont non seulement adaptés aux nouvelles directives entourant l’organisation des réunions, mais ont également trouvé des moyens de continuer à se réunir, montrant des niveaux de résilience plus élevés.
Lorsqu’on les interroge sur l’avenir du groupe, sur les 417 personnes interrogée, 65% prévoient de continuer à épargner. Cependant, il est inquiétant de constater que 28% des répondants s’attendent à arrêter d’épargner, chiffre qui monte à 39% des répondants pour les communautés d’accueil. Il est donc important de mieux comprendre ce que cela signifie à long terme.
Impact sur les ménages
Au niveau des ménages, les difficultés apparaissent sur deux fronts. 88% des répondants ont signalé une augmentation des prix des aliments de base, ce qui exerce une pression sur les budgets des ménages. Presque tous les réfugiés (96%) ont signalé une hausse, ce qui reflète probablement la réduction de leurs rations du PAM. Dans le même temps, 92% des répondants ont signalé un certain niveau de stress financier dû à la baisse de l’activité commerciale (34%), à la baisse des revenus (23%), aux difficultés à épargner (25%) et à l’insécurité alimentaire (11%). Il est pertinent de conclure que tous les ménages sont affectés par la pandémie de la Covid-19, mais même si les réfugiés sont plus impactés, ils semblent être plus résilients.
Malgré ces tensions, les ménages ne recourent pas à une demande accrue au fonds social des groupes d’épargne ou ne vendent pas leurs actifs (87% n’ont pas eu à vendre d’actifs). En termes de requêtes au fonds social du groupe d’épargne, 58% des groupes n’ont signalé aucun changement dans le nombre de demandes (avec peu de différence entre les communautés hôtes et les réfugiés), mais on note que parmi ceux ui ont eu recours au fonds social, les montants demandés sont plus importants.
Impact commercial
Les membres du groupe d’épargne se livrent à de multiples activités économiques. À l’instar d’autres études sur l’impact de la Covid-19, 93% des répondants ont signalé une baisse de leurs revenus. Plus de la moitié des groupes ont signalé soit une forte baisse des revenus (47%), soit un arrêt complet des revenus (11%). Fait intéressant, 6% ont signalé une augmentation de leurs revenus, reflétant qu’il existe des opportunités commerciales même en cas de crise.
En conclusion, les trois points suivants peuvent être soulignés :
- Les groupes d’épargne des réfugiés sont résilients: la résilience dont font preuve ces groupes d’épargne de réfugiés (par rapport aux groupes des communautés d’accueil) continue de soutenir la pensée que la formation et le soutien des groupes d’épargne de réfugiés est une réponse essentielle pour le développement de moyens de subsistance sur le long terme à destination des réfugiés.
- La Covid-19 a un impact dramatique sur les moyens de subsistance des ruraux pauvres: cette enquête a été réalisée dans une partie reculée de l’Ouganda, ce qui confirme que les communautés rurales sont tout aussi touchées que les autres par la crise de la Covid-19.
- Les enquêtes peuvent être effectuées en toute sécurité en situation de confinement: Enfin, ce rapport montre que même en situation de confinement, l’utilisation d’un outil numérique simple et la mise en pratique de directives de distanciation sociale peuvent être rapidement mises en place.
Pour plus d’informations, cliquez ici.
Un Consortium pour soutenir la microfinance en Afrique face à la crise du Covid-19
Dans la crise économique liée au Covid-19, la survenance d’une crise de liquidité et/ou de solvabilité s’avère être l’un des principaux risques auquel les institutions de microfinance font face. Pour y faire face, la Fondation Grameen Crédit Agricole, le Microfinance African Institutions Network (MAIN), la Solidarité internationale pour le Développement et l’investissement (SIDI) et la Fondation ACTES créent un consortium pour mieux accompagner les organisations soutenues en Afrique.
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En avril 2020, le MAIN a adressé un questionnaire à tous ses membres afin de recueillir leurs besoins et savoir quel type d’accompagnement le réseau pourrait leur proposer. Les résultats de cette enquête montrent que la plupart des institutions interrogées rencontrent des difficultés pour la gestion de leur liquidité et se demandent comment continuer à servir de manière pérenne leurs clients dans un tel contexte.
C’est dans ce cadre que s’est constitué le Consortium qui regroupe la Fondation Grameen Crédit Agricole, le MAIN, la SIDI et la Fondation ACTES. L’objectif du Consortium est d’offrir aux organisations soutenues des outils d’analyse et de gestion de risques afin d’anticiper et de gérer au mieux les impacts de la crise sur leur liquidité et leur solvabilité.
Le Consortium proposera ainsi à 50 institutions de microfinance, dont 31 partenaires de la Fondation Grameen Crédit Agricole, principalement en Afrique de l’Ouest et en Afrique de l’Est, un accompagnement sur le thème de la gestion du risque de liquidité et du risque de solvabilité. Les organisations ciblées sont majoritairement des petites institutions (Tiers 3 : portefeuille de prêt < 10 millions de dollars), très présentes en milieu rural.
L’accompagnement prendra la forme d’un cycle de trois formations en ligne pour chaque institution, d’ateliers de travail et d’un coaching personnalisé qui sera assuré par le Cabinet Senbumo. En plus de la gestion de la liquidité et de la solvabilité, les institutions seront formées sur la thématique de la reprise des activités suite à la crise du Covid-19. Le programme débutera le 06 juillet 2020 et s’étendra sur une durée de 6 semaines.
Les bailleurs en microfinance et plateformes s’accordent sur des principes dans la crise du Covid-19
Juillet 2020. Deux groupes de bailleurs de fonds et d’acteurs de la microfinance publient un ensemble de principes pour soutenir le secteur de la microfinance et les clients fragiles dans la crise du Covid-19. Les deux groupes ont coordonné leurs efforts afin d’accroître leur complémentarité et leur cohérence.
Les institutions de microfinance (IMF) jouent un rôle important dans la lutte contre la pauvreté. Elles offrent aux populations à faibles revenus des produits et services financiers et non financiers pour soutenir les activités génératrices de revenus. Dans le cadre de la crise du Covid-19, le soutien au secteur de la microfinance est donc indispensable pour protéger les populations les plus vulnérables. Cela nécessite une approche collective au sein du secteur.
C’est pourquoi, nous, principaux bailleurs en microfinance, fonds d’impact, plateformes et réseaux couvrant les marchés d’Afrique, Asie, Asie centrale, Moyen-Orient, Europe de l’Est et Amérique latine, avons conclu deux accords complémentaires. Ceux-ci encadrent une série de principes pour soutenir les IMF afin d’éviter le resserrement du crédit, ce qui serait extrêmement dangereux pour les clientèles fragiles du secteur de la microfinance. Nous avons publié les deux documents en tant que guides pour les équipes d’investissement, les investisseurs, les entités émettrices et autres parties prenantes.
- « Principes clés pour assurer la protection des institutions de microfinance et de leurs clients dans le cadre de la crise du Covid-19 » : L’accord se fonde pour l’essentiel sur la mutualisation des informations, des analyses et des prévisions disponibles ainsi que sur la mise en œuvre concertée de décisions partagées. Les signataires, y compris les prêteurs, les fonds d’impact, les plateformes et les réseaux, conviennent de coordonner les politiques, l’assistance technique et les ressources afin d’aider les institutions de microfinance à faire face à la crise. Le principe directeur sera de protéger à la fois les institutions de microfinance et leurs clients afin de garantir dans les meilleures conditions possibles la continuité de l’accès au financement et veiller au bien-être des clients et du personnel.
- « Accord de coordination entre les gestionnaires de fonds de microfinance et de fonds d’investissement à impact social dans le cadre de la crise du Covid-19 » : Ce protocole d’accord traite de l’impact sur les flux de liquidités au sein des institutions financières dans le cadre de la crise du Covid-19 et des mesures connexes pour empêcher la propagation. Le protocole d’accord élaboré par les VIM reconnaît en outre l’importance de la rapidité et de la coopération entre les prêteurs et les autres parties prenantes et présente un cadre de gestion du rééchelonnement de la dette en rapport avec le Covid.
Les signataires du Pledge et le Protocole reconnaissent et expriment leur soutien à chacun des deux documents car ils sont considérés comme complémentaires et poursuivent un objectif similaire. D’autres acteurs publics et privés du secteur de l’inclusion financière sont invités à soutenir, approuver et agir conformément aux principes présentés. En particulier, les signataires estiment qu’il est essentiel que le secteur public s’aligne sur les pratiques du secteur privé pour renforcer le secteur de l’investissement à impact et son impact social sur les ménages à faible revenu et les petites entreprises.
L’implication de toutes les parties prenantes est vitale pour renforcer l’impact de la microfinance. Nous nous engageons à continuer de soutenir l’action de nos partenaires pour promouvoir l’inclusion financière partout dans le monde.
Crise Covid-19 : Des nouvelles opportunités pour les institutions de microfinance
ADA(1), Inpulse(2) et la Fondation Grameen Crédit Agricole s’associent pour suivre et analyser de près les effets de la crise COVID-19 chez leurs partenaires dans le monde. Ce suivi se fera périodiquement tout au long de l’année 2020 dans le but d’évaluer l’évolution des effets de la crise ainsi que les besoins financiers et les mesures d’adaptation mises en oeuvre par nos partenaires. Avec cette analyse régulière et approfondie, nous espérons contribuer, à notre niveau, à la construction de stratégies et de solutions adaptées aux besoins de nos parties prenantes, ainsi qu’à la diffusion et à l’échange d’informations entre les différents acteurs du secteur pour la recherche commune de solutions globales et systématiques.
Cet article est rédigé à partir des réponses fournies entre le 18 et le 27 mai 2020 par 110 partenaires présents dans 47 pays répartis entre l’Europe, l’Afrique, l’Asie et l’Amérique latine, 5 régions (3) et 13 sous-régions du monde(4). Dans notre analyse, nous nous sommes intéressés aux très petites IMF (46 %), avec moins de 5 millions de dollars d’actifs (Tier 3), aux IMF de taille moyenne (47 %), avec un montant d’actifs compris entre 5 et 50 millions de dollars (Tier 2) et aux IMF de taille supérieure (plus de 50 millions d’actifs, Tier 1) à hauteur de 7%.(5)
En résumé
La période actuelle ne laisse aucune IMF ou région du monde indifférente. La crise liée au COVID-19 a frappé la plupart des métiers de la microfinance en son cœur. L’ensemble des institutions sondées font face à des problématiques communes en raison de la crise : difficultés pour les déboursements, le recouvrement et la rencontre des clients, entre autres. Ces activités profondément opérationnelles, très liées au contact client et à la rencontre, ont des conséquences financières pour les IMF. La gestion du portefeuille et de son risque sont les défis à court terme que pose la crise d’après plus de 80% de nos partenaires.
Cependant, des différences régionales marquées ressortent de ces travaux. La crise sanitaire, en perpétuelle évolution, n’a pas les mêmes conséquences sur toutes les régions du monde, et la même intensité. Du côté des opérations par exemple, les difficultés ou l’impossibilité de récolter l’épargne n’est pas une problématique pour tout le monde. Cela concerne 55% des IMF d’Afrique Subsaharienne sondées et 60% de celles en Asie du Sud, alors que le sujet n’est que très peu ou pas évoqué dans les autres zones. Cela dépend notamment de la constitution du marché local, et de la capacité pour les institutions à proposer ce produit à leurs clients, en fonction des législations en vigueur. Sur les contraintes que pose la crise, nous remarquons qu’une forte proportion d’IMF d’Amérique Latine et Centrale ainsi que d’Asie Centrale et de la zone MENA témoignent d’une difficulté pour les employés à se déplacer ou rencontrer les clients dans les agences, contrairement aux IMF d’Asie du Sud-Est ou d’Afrique Subsaharienne.
Le portefeuille a risque est également impacté de manière diverse en fonction des zones. Ainsi, seulement 17% des IMF d’Asie Centrale et d’Europe et d’Amérique Centrale et Latine constatent un PAR 30 + R qui a plus que doublé, alors que cela concerne 41% des IMF en Afrique Subsaharienne, 27% de celles d’Asie du Sud et 33% de celles de la zone MENA. Ces régions ne sont pas en reste cependant, puis qu’elles témoignent tout de même d’un PAR 30+R en hausse. Ainsi, au niveau global, 80% des sondés indiquent une détérioration de la qualité du portefeuille, qui représente donc un challenge pour l’ensemble des IMF à court et moyen-terme.
Pour répondre à ces problématiques, les besoins des IMF varient également. Alors que 60% des sondés expriment des besoins supplémentaires en financement, cela est moins le cas pour la zone Europe et Aise Centrale. En effet, 57% des IMF de cette zone indiquent ne pas avoir de besoins additionnels, et 22% considèrent que leurs besoins ont baissé. En revanche, ce sont environ 30% des institutions des régions MENA, Afrique Subsaharienne et Amérique Latine et Centrale qui voient leurs besoins de financements être 20% et 50% au-dessus de ce qu’ils avaient envisagé.
Les informations récoltées témoignent en revanche de la proactivité des IMF face à la crise. A travers le monde, celles-ci ont multiplié les ajustements pour s’adapter à la crise. Entre comités dédiés, plans de continuité et discussions entre toutes les parties prenantes, les institutions ont choisi de ne pas rester muettes face aux conséquences de la crise. Enfin, au-delà des difficultés conjoncturelles, les réflexions menées par la plupart de nos partenaires s’orientent également vers de nouvelles opportunités pour le futur, avec par exemple le ciblage de nouveaux marchés ou le développement de nouveaux produits. Cela pourrait contribuer à l’avenir à une plus grande flexibilité de nos partenaires, bien que cela reste à confirmer.
L’impact de la crise du COVID-19 sur le secteur de la microfinance : le regard de différentes IMF à travers le monde
La rigueur des mesures de confinement est toujours variable selon les pays. 44% des répondants ont indiqué que dans leur pays, un confinement presque total et une restriction de la circulation sont en vigueur. 46 % de nos partenaires, principalement ceux situés en Afrique Subsaharienne et en Amérique Latine et Centrale, ont fait état d’un confinement limité et de restriction partielle de leurs déplacements. Enfin, seulement 10 % des partenaires, principalement situés en Amérique latine, ont déclaré qu’il n’y a pas ou très peu de mesures de confinement. Le contexte de chaque région est différent et largement, ou totalement, déterminé par les actions établies par les autorités gouvernementales sur place. Alors que l’Europe et l’Asie Centrale semblent présenter une plus grande uniformité dans les mesures de confinement, la situation n’est pas la même en Amérique latine où des mesures de confinement restrictives ont été établies dans certains pays tandis que dans d’autres, ce type de mesure n’a pas encore été envisagé.
Un autre aspect important à considérer est le fait que le développement de la pandémie a été progressif dans les différentes régions du monde. Fin 2019, le virus était largement répandu en Chine. En mars il avait été contrôlé en Asie, alors qu’au même moment, l’Europe devenait le nouvel épicentre de la pandémie et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) déclarait le virus comme “pandémie mondiale”(6). Actuellement, l’Amérique et l’Afrique sont fortement touchées. L’évolution de la pandémie dans les différentes régions du monde détermine également de manière significative le type de réponses apportées par nos partenaires, leur niveau d’affectation et très certainement l’évolution de certains de leurs indicateurs les plus pertinents. Tendances auxquelles nous prêterons attention dans nos prochaines enquêtes et analyses.
La crise du COVID-19 a provoqué un net ralentissement, voire une impossibilité de mener à bien les activités essentielles de nos partenaires
82% de nos partenaires ont déclaré avoir des difficultés ou ne pas pouvoir recouvrir les remboursements des prêts de manière habituelle. Cette difficulté semble avoir des répercussions sur les partenaires de toutes les régions, mais surtout sur ceux des régions MENA (100%), d’Afrique Subsaharienne (85%) et ALC (81%). La deuxième difficulté la plus contraignante, soulignée par 80% de nos partenaires, est l’impossibilité de rencontrer les clients sur le terrain. Les IMF dans la région MENA continuent d’être les plus touchées (100%), suivies par celles situées dans la région EAC (91%) et ALC (81%). La troisième difficulté, manifestée par 74% de nos partenaires, concerne le déboursement de prêts. Cette difficulté est un peu plus exacerbée chez les partenaires situés dans les régions MENA (89% des partenaires de la zone), ALC (81%) et ASS (78%).
En revanche, pour 94% de nos partenaires, la communication avec les clients ne semble pas poser de problème particulier en ces temps. Ceci peut être dû, comme détaillé ci-après, à l’utilisation significative de systèmes digitaux et de technologies numériques pour la communication à distance. De même, 94% des IMF ont déclaré que leurs employés n’ont pas été contaminés par le virus du COVID-19, ce qui représente un résultat très satisfaisant des mesures prises au début de la crise par nos partenaires pour la protection de leur personnel(7).
Les IMF ont connu différentes difficultés financières en raison du COVID-19
Pour 91% de nos partenaires, l’augmentation du portefeuille à risque est la plus grande difficulté financière à laquelle ils ont dû faire face en raison de la pandémie. Il s’agit d’une difficulté rapportée dans toutes les régions et par les IMF de toutes tailles, mais elle concerne 100% des partenaires situés dans la région MENA, 93% de ceux présents en ASS et en Asie, et 91% et 86% de ceux situés dans les régions EAC et ALC, respectivement. La réduction exceptionnelle du portefeuille est également une grande difficulté pour 80% de nos partenaires. Ce constat est principalement fait pour 93% des IMF situées dans la région ASS et 86% de celles présentes en ALC. L’augmentation du coût des matériaux et des équipements et le manque de liquidités ont été des difficultés rencontrées respectivement par 46% et 39% des partenaires.
« Nous pensons que nous n’aurons peut-être pas suffisamment de fonds pour les décaissements à fin juin si la situation s’améliore sur le terrain » – Partenaire en Asie du Sud
Le PAR 30 est déjà, à ce stade, une préoccupation majeure
80 % de nos partenaires ont indiqué que leur PAR 30 avait augmenté en raison de la crise du COVID-19. En détails, pour 12 % des partenaires, il a été multiplié par deux et pour 25 % des partenaires, le PAR 30 a plus que doublé. Pour 43% des partenaires, il a augmenté sans doubler. Les partenaires situés principalement en Asie, en Amérique et en Asie Centrale et Europe sont ceux qui indiquent que leur PAR 30 a augmenté sans doubler, tandis que la plupart des partenaires en Afrique ont signalé une augmentation du PAR 30 de plus du double, suivis par les partenaires dans la région MENA.
Stratégies d’atténuation de la crise : de la restructuration du crédit à l’utilisation de moyens technologiques
Nos partenaires mettent en oeuvre différentes mesures et opérations financières pour atténuer les effets de la crise et s’y adapter. 75% d’entre eux, principalement ceux situés en Asie (87%), ont entrepris la restructuration des crédits de leurs clients. Également, 65% de nos partenaires ont ralenti ou arrêté le décaissement de prêts. Cette mesure a été principalement mise en oeuvre par des partenaires situés dans la région ALC (78%) et bien moins plébiscitée dans la région MENA (44 %).
« Analyse des demandes de rééchelonnement afin de pouvoir accompagner les clients avec des prêts d’urgence, mais c’est au cas par cas » – Partenaire en Afrique de l’Ouest
Une autre stratégie pertinente est l’orientation des prêts vers des clients dans les secteurs moins touchés par la crise, par exemple l’agriculture. Il s’agit d’une mesure citée par 51% des répondants, principalement ceux situés en Afrique et Asie Centrale. Néanmoins, 50% des sondés disent donner la priorité au remboursement des crédits.
De plus, la communication avec les clients est une stratégie prioritaire pour nos partenaires. 73% d’entre eux ont amélioré la communication avec les clients en cette période, et 50% ont lancé une campagne de sensibilisation à l’hygiène pour les clients, que ce soit par SMS, par vidéo, etc.
Enfin, notons que la technologie est un outil important pour faire face à la crise. Les partenaires utilisent des solutions numériques existantes (48%) ou de nouvelles solutions (31%) pour la communication avec les clients ainsi que la gestion des produits et services financiers.
« Nous avons l’intention d’améliorer l’utilisation des approches numériques pour la prestation de services, aider les clients à commercialiser leurs produits et à diversifier leurs activités (…) » – Partenaire en Asie du Sud
Stratégies de gestion des ressources humaines : des mesures d’hygiène à l’utilisation des moyens technologiques
90% des partenaires ont fourni des équipements sanitaires à leur personnel. Les mesures d’hygiène supplémentaires dans les bureaux et de désinfection ont été prises respectivement par 82% et 70% des partenaires sondés. L’organisation des temps de travail et des déplacements sur le terrain est indiquée comme une autre mesure de grande importance pour les IMF, afin de lutter contre la crise sanitaire. 71% des partenaires, principalement ceux situés dans les régions MENA, ALC et Asie, ont mis en oeuvre le télétravail autant que possible. Dans la même optique, 66% des partenaires restreignent ou interdisent les déplacements sur le terrain de leurs équipes. Enfin, 54% des IMF sondées, principalement situées dans la zone MENA et en Amérique, ont réduit les heures de travail et 52% d’entre elles ont baissé les heures de service à la clientèle dans les agences.
L’utilisation du numérique pour maintenir la communication et la possibilité de travailler pour les employés est également pertinente dans un tel contexte d’après nos informations. Ainsi, 82% des IMF utilisent des solutions de réunion virtuelles et 57% utilisent une solution de partage de documents en ligne (principalement celles des régions MENA et ALC). En outre, 46% des sondés ont fourni à leurs employés des ordinateurs portables ou des tablettes (notamment dans la zone MENA, à hauteur de 78 %).
« Nous avons établi deux groupes de communication WhatsApp avec le personnel, un pour parler singhalais et un pour parler tamoul. Ensuite, nous avons eu des communications régulières avec eux pendant le confinement » – Partenaire en Asie du Sud
Mesures de gestion de crise
On peut considérer que nos partenaires ont mis en oeuvre deux grands types de mesures pour gérer la crise COVID-19 de manière pertinente. Le premier groupe de mesures porte sur le développement d’actions internes pour l’analyse et le suivi des effets de la crise : 78% des partenaires ont mis en place un comité de gestion ad hoc de suivi. Ces mesures ont été particulièrement prioritaires pour les partenaires des régions ASS et MENA. 75% des partenaires, principalement ceux situés en Asie et en Afrique Subsaharienne, ont préparé un plan de continuité des activités. 74% des partenaires, plutôt ceux de la région EAC et MENA, ont mis à jour leur plan de liquidité. En outre, 65% des sondés ont réalisé une simulation du scénario le plus défavorable, cette démarche étant davantage mise en place dans la région MENA qu’en Afrique.
Le deuxième groupe de mesures comprend des mesures visant à demander l’appui d’entités tierces. 53 % des partenaires, ceux situés dans la région MENA et ALC notamment, ont demandé un soutien financier aux bailleurs de fonds et à leurs partenaires financiers. 52%, notamment ceux situés dans la région MENA, ont également négocié avec les prêteurs pour arranger le remboursement de leurs prêts. De plus, 37% des partenaires, en particulier ceux situés en Asie et en Afrique subsaharienne, ont demandé un soutien en assistance technique de la part des bailleurs de fonds et des partenaires. Ces trois démarches ont été moins développées par les partenaires situés dans la région EAC, dont la demande d’assistance technique se démarque moins.
30 % de nos partenaires ont déclaré qu’ils n’avaient pas de besoins de financement supplémentaires et 12 % ont indiqué que leurs besoins avaient diminué depuis le début de la crise. Ces réponses proviennent principalement de partenaires situés dans la région EAC.
Au contraire, 58% des partenaires ont indiqué qu’ils auraient besoin de financements pour des montants supérieurs à leurs prévisions. Parmi eux, 28%, principalement ceux situés en Asie et dans la région MENA, ont déclaré qu’ils auraient besoin de fonds supplémentaires, entre 0% et 20% de leur budget. 24%, et plutôt ceux présents dans la région MENA, ont déclaré qu’ils auraient besoin de 20% à 50% de fonds en plus. Enfin, 6% des IMF, en particulier celles situées en Asie, ont déclaré que leurs besoins dépassent 50% des montants prévus.
Perspectives d’avenir : des nouveaux marchés et nouveaux produits
À ce stade, une majorité de nos partenaires (57%), ont exprimé leur intérêt à concentrer davantage leurs activités vers le secteur agricole. Cette hypothèse est particulièrement soulevée par les partenaires des régions Afrique, Asie et EAC. Cela peut être dû à la fois à l’augmentation des besoins des clients dans ce secteur, ou à son identification comme l’un des secteurs d’activité les moins touchés par la crise du COVID-19 (aspects déjà envisagés dans les articles élaborés par Inpulse et la Fondation Grameen Crédit Agricole)(8). Cette hypothèse sera importante à étudier dans nos travaux futurs puisque le secteur agricole représente des enjeux à la fois économiques, sociaux et environnementaux, tels que la concentration d’une partie importante du portefeuille de nos partenaires, mais aussi la création d’emplois dans certains pays et une interaction potentiellement négative avec le changement climatique en cours.
Enfin, d’autre part, 37 % de nos partenaires prévoient de lancer des programmes d’éducation financière et 27 % imaginent se concentrer davantage sur les femmes comme clientes.
« Nous prévoyons de promouvoir l’éducation numérique pour les clientes femme (culture numérique) » – Partenaire en Amérique du Sud
Il s’agit là de secteurs traditionnellement abordés dans le secteur de la microfinance. Mais notons que 25% de nos partenaires ont également manifesté leur intérêt pour le lancement de produits financiers “verts”, liés à la protection de l’environnement. Cet intérêt pourrait démontrer la prise de conscience accrue de nos partenaires sur les problèmes environnementaux liés à leurs actions. Nous interrogeons le fait de savoir si cela représente le renforcement de la microfinance verte en raison de la crise du COVID. Enfin, il faudra voir quel type de produits verts nos partenaires cibleraient dans les mois à venir. Ces questions seront pertinentes dans nos prochains travaux.
En revanche, le lancement de produits de micro-assurance liés à l’hygiène, le risque de décès, la santé ou les risques environnementaux ne semble pas pertinent pour nos partenaires. De plus, 22% des sondés indiquent ne pas prévoir de s’orienter vers de nouveaux marchés ou développer de nouveaux produits.
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(1) ADA : //www.ada-microfinance.org/fr
(2) Inpulse : //www.inpulse.coop/
(3) Les régions et sous-régions concernées sont les suivantes : Asie (Asie du Sud et Asie du Sud-Est), EAC (Europe orientale et australe et Asie occidentale et centrale), ALC (Caraïbes, Amérique centrale et Amérique du Sud), MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) et ASS (Afrique centrale, Afrique de l’Est, Afrique australe et Afrique de l’Ouest).
(4) Le nombre total d’IMF ayant répondu à l’enquête pour chaque région est le suivant : Asie:15, CAE : 23, LAC : 36, MENA : 9, SSA : 27. Pour un total de 110 institutions.
(5) Cette classification correspond à celle traditionnellement utilisée dans le secteur de la microfinance, plus d’information ici
(6) Propagation analysis and prediction of the COVID-19 ici
(7) D’après les articles de Inpulse et de la Fondation, ces mesures étaient principalement axées sur les campagnes de sensibilisation à l’hygiène et le télétravail
(8) Idem
Nouveaux signataires pour protéger la microfinance face aux effets économiques du Covid-19
Face à la crise sanitaire et économique provoquée par le Covid-19, un groupe des bailleurs de fonds, plateformes et acteurs clés du secteur de la finance inclusive en microfinance ont établi un engagement commun : « Principes clés pour protéger les institutions de microfinance et leurs clients dans la crise du Covid-19 ». A l’initiative de la Fondation Grameen Crédit Agricole, cet engagement a été construit en consensus avec tous les premiers signataires. L’objectif est de protéger aussi bien les institutions de microfinance que leurs clients pour garantir un accès continu au financement dans les meilleures conditions possibles et veiller au bien-être des clients et du personnel.
L’engagement vise à guider les parties prenantes afin de mieux soutenir les institutions de microfinance et les clients vulnérables pendant cette crise. Les principes fondamentaux de cet engagement sont la mise en commun des informations, analyses et anticipations disponibles ainsi que la mise en œuvre concertée des décisions partagées. Les signataires conviennent de coordonner les politiques, l’assistance technique et les ressources afin d’aider les institutions de microfinance à faire face à cette crise sans précédent.
Depuis sa publication en mai, six nouvelles organisations ont signé l’engagement. Cette initiative compte aujourd’hui 26 signataires actifs en Afrique, en Asie, en Europe de l’Est et en Amérique latine : ADA, Alterfin, Azerbaijan Micro-finance Association, Bamboo Capital Partners, CERISE, CIDR Pamiga, Cordaid Investment Management, Crédit Agricole CIB Inde, Crédit Agricole Indosuez Wealth (Asset Management), Crédit Agricole S.A., European Microfinance Network, Fondation Grameen Crédit Agricole, FS Impact Finance, GAWA Capital, InFiNe.lu, Inpulse, Kiva, Luxembourg Microfinance And Development Fund, MCE Social Capital, Microfinance African Institutions Network, Microfinance Center, Rabo Foundation, SIDI, SIMA, Social Performance Task Force et Whole Planet Foundation.
Les signataires invitent d’autres parties prenantes à se joindre à cette initiative commune. La coordination des efforts pour soutenir les actions des institutions de microfinance est essentiel pour surmonter cette crise.
Les démarches responsables des institutions face aux effets du Covid-19
Par Fondation Grameen Crédit Agricole
En avril dernier, l’étude d’Africa’s Pulse, revue du groupe de la Banque Mondiale, estimait que la croissance économique en Afrique subsaharienne passerait de +2,4% à une fourchette comprise entre -2,1% et -5,1% ce qui constituerait la première récession dans la région depuis 25 ans. Cette récession devrait frapper les pays dépendants des exportations minière et pétrolières tandis que les pays ne disposant pas de ressources naturelles devraient afficher une croissance ralentie mais positive.
La Fondation Grameen Crédit Agricole, en lien permanent avec son réseau de 80 institutions de microfinance (IMF) et entreprises sociales partenaires présentes dans 40 pays, continue son travail de collecte d’informations, d’analyse et de partage de ses observations. Les témoignages privilégiés de nos partenaires nous permettent de continuer notre suivi de la crise et de ses conséquences. Sur ce dernier questionnaire nous nous sommes concentrés sur deux aspects particuliers : les adaptations opérationnelles des IMF et le rôle des agents de crédit pendant cette crise.
En synthèse
La crise économique est devenue une réalité pour la grande majorité des institutions de microfinance accompagnée par la Fondation Grameen Crédit Agricole. Elles ont quasiment toutes mis en place des programmes massifs de reports d’échéance pour faciliter la reprise économique de leurs emprunteurs.
Les agents de crédits de ces Institutions constituent le point de contact privilégié entre les clients et les institutions de microfinance. Ils passent près de la moitié de leur temps de travail à étudier les demandes de reports des échéances de crédits et à les mettre en place.
Les institutions ont rapidement adopté des programmes d’allègement de leurs charges, en veillant à la protection sociale de leurs employés et à la sauvegarde des emplois. Seules 12% d’entre elles ont procédé à des licenciements économiques de collaborateurs ce qui est relativement faible comparativement aux moyennes nationales. En revanche, les institutions reportent leurs programmes de recrutements et une grande partie de leurs investissements. Elles semblent également chercher à orienter leurs financements vers des secteurs considérés aujourd’hui comme moins risqués. C’est notamment le cas de l’agriculture. Cette observation est récente. Elle reste à confirmer et sera suivi attentivement dans nos prochains points d’actualité.
En cherchant pro activement des remparts à la crise, en assurant des démarches responsables, les IMF sont dans la bonne voie : les solutions innovantes d’aujourd’hui pourront également être leurs succès de demain.
Les institutions se concentrent désormais sur le traitement des risques
Alors que la crise sanitaire semble marquer le pas dans les pays ayant adopté les mesures les plus efficaces, les plans de sortie du confinement permettent d’entrevoir une reprise très progressive de l’activité économique. Nos derniers résultats confirment ce que nous observons depuis plusieurs semaines : la capacité d’adaptation remarquable des institutions de microfinance face à une crise sans précédent.
Près de 90% des institutions ont mis en place un comité de crise, présidé par le Directeur général et réunissant le comité de direction, pour piloter les différentes décisions et affronter les effets de la crise. Ce comité se tient généralement toutes les semaines.
« Nous avons créé une “équipe de gestion de crise” composée des membres du comité exécutif et soutenue par le président du conseil d’administration chaque fois que cela est nécessaire. Nous avons une réunion hebdomadaire avec le conseil d’administration pour faire le point sur la situation et valider les principales décisions » – Partenaire au Myanmar
Les effets de la crise se font désormais sentir sur 81% des partenaires sondés qui font état d’une montée des risques sur leur portefeuille de clientèle. Y répondre concentre l’essentiel des efforts des institutions de microfinance, désormais, au détriment d’autres activités considérées aujourd’hui comme moins essentielles (elles étaient près d’une sur deux à fournir ce type de prestations début avril contre une sur trois aujourd’hui). Cette diminution de l’activité destinée à la fourniture de services non financiers (campagne de sensibilisation, d’information, fourniture d’équipements…) permet une croissance forte des activités dédiées à la restructuration des crédits.
« Pour soutenir nos clients au cours des prochains mois, nous proposons la suspension des versements du principal et des intérêts à tous les clients qui n’étaient pas dans le portefeuille à risque au 1er mars. A ce jour, 75% des clients contactés ont accepté. La procédure va se poursuivre » – Partenaire en Côte d’Ivoire
Les institutions s’adaptent sur les plans financier et de l’activité
Le tableau ci-après montre la progression des difficultés rencontrées et les moyens d’atténuation mis en œuvre pour y faire face.
Sur le plan financier
La volatilité des monnaies dans ce contexte pèse sur les trésoreries des institutions : 64% des répondants hors zone Franc CFA font ainsi face à une forte dévaluation de leur monnaie locale face au dollar. Cette dévaluation impacte directement les institutions qui se sont endettées dans cette monnaie puisqu’elles-mêmes perçoivent très majoritairement les intérêts de microcrédit en monnaie locales.
« La situation s’aggrave encore avec la dévaluation importante du KGS au cours des derniers mois, ce qui contribue à augmenter le coût de couverture de change » – Partenaire au Kirghizstan
Les informations fournies par nos partenaires lors de ce sondage confirment aussi les dispositions quasi-obligatoires prises par les IMF pendant la crise : 67% des IMF interrogées ont réduit ou arrêté les décaissements de microcrédits. Dans une même proportion les institutions ont commencé à restructurer massivement les prêts accordés aux petits emprunteurs en accordant des reports d’échéances de 3 mois, en moyenne. Ces périodes de moratoires constituent un élément véritablement essentiel de la gestion de crise, à tous les niveaux. Qu’ils soient mandatés par les régulateurs locaux, ou proposés spontanément par les IMF, ils permettent aux emprunteurs de bénéficier d’un allègement des charges avant une reprise de leurs activités. De la même façon, les nombreux processus de reports des échéances des investisseurs permettent aux IMF de conserver de précieuses liquidités dans une période d’incertitude. La Fondation Grameen Crédit Agricole a ainsi accordé de nombreux reports d’échéance en avril, en parfaite concertation avec les autres prêteurs.
La crise n’entame pas pour autant la proactivité des IMF et les incite à s’adapter. Pour cela, certaines cherchent des secteurs plus résilients dans ce contexte de crise économique. C’est ainsi que nous avons constaté que 40% des institutions envisagent de s’orienter vers le secteur agricole alors que ce secteur était plutôt délaissé car considéré comme plus risqué avant la crise. Ce point sera particulièrement suivi lors des prochains questionnaires tant ce pourcentage nous semble marquer un changement d’attitude notable. Cette nouvelle orientation est envisagée par plus de la moitié d’IMF dont le montant des prêts agricoles ne dépasse pas un tiers de leur portefeuille, mais également par des IMF très rurales et agricoles. Il est encore trop tôt pour le dire mais la crise actuelle pourrait encourager les institutions à découvrir des secteurs traditionnellement délaissés.
« Nous allons de l’avant avec des plans sur le financement rural et agricole » – Partenaire en Sierra Leone
Sur le plan de l’activité
Concernant l’activité, les difficultés de déplacement des équipes tendent à se résorber quelque peu : 55% éprouvent des difficultés en mai contre près de 80% en avril. En revanche, les réunions de groupe sont toujours prohibées, l’interdiction est d’ailleurs en croissance, ce qui pénalise les processus relationnels des institutions, en premier lieu avec les clients qui n’ont pas d’alternative aux prêts solidaires.
« Les réunions de groupe étaient hebdomadaires ou bihebdomadaires pour les remboursements et les rencontres sociales. Sans réunion de groupe, vous ne pouvez plus exiger le remboursement » – Partenaire au Kenya
Sur le plan social, seulement 12% des sondés ont dû se séparer d’employés depuis le début de la crise ce qui est cependant assez peu en comparaison des moyennes nationales de croissance des chiffres du chômage. Nos partenaires semblent suivre le premier principe érigé par SPTF (1) « Keep staff employed » selon lequel « les employés d’aujourd’hui seront les atouts demain ». Pour un grand nombre de nos partenaires, se séparer de salariés en période critique semble une perte plus importante qu’un léger gain économique conjoncturel. En revanche, les anticipations pèsent déjà sur les projets de croissance et de développement de nos partenaires puisque près d’une institution sur deux a mis en attente ces projets de recrutement en cours. Cette incertitude pèse également sur les projets organisationnels avec 41% des IMF interrogées qui ont décidé de reporter ce type de projets internes.
La protection du personnel est toujours un point de vigilance avec 90% des IMF qui continuent à lui fournir des moyens importants et à lui rappeler les gestes barrières. Dès le début de la crise, nos partenaires ont pris des décisions rapides pour diminuer le poids de leurs charges fixes et limiter le risque d’exposition à la crise sanitaire : congés payés obligatoires (52%), télétravail (62%), rotation des équipes réduction du temps de travail (57%) ou encore réduction des horaires d’ouverture des agences (52%). Le niveau d’avancement de digitalisation interne de certaines institutions a favorisé ces mutations organisationnelles. C’est le cas notamment pour nos partenaires en Europe et en Asie Centrale, qui bénéficient de nombreux outils électroniques et en ligne.
« La plupart d’entre nous, au siège, travaillons à distance, grâce à notre propre système informatique à distance qui permet à tous les départements de continuer à travailler sans problème » – Partenaire en Géorgie
La crise actuelle qui, nous l’avons vu, limite les capacités de « business as usual » des IMF, nous a amené à étudier l’adaptation du métier d’agent de crédit, au cœur du métier de la microfinance. Certaines missions restent les mêmes, notamment pour les IMF dans les pays les moins affectés : déboursements de prêts (43%), suivi des remboursements (38%) ou analyse des dossiers clients (43%).
La restructuration de prêts en cours prend une place de plus en plus importante dans le quotidien des agents de crédit (43%), avec l’encouragement à utiliser des paiements mobiles (36%) et la rédaction des avenants liés aux reports d’échéances (31%).
Tout comme dans le secteur de la banque de détail, où le chargé de clientèle a démontré toute son importance en période de crise, les agents de crédits des institutions de microfinance sont le lien privilégié des clients. 81% des sondés affirment que le rôle essentiel des agents de crédits est de maintenir le contact avec les clients et/ou les leaders de groupes de crédit.
Nous maintenons le contact avec tous les clients individuels, les chefs de groupe et les présidents de banque de village par le biais de canaux digitaux et téléphoniques. – Partenaire en Zambie
Renforcer l’interaction avec les clients par téléphone (intelligent) ou autres appareils numériques et réaliser le recouvrement par l’intermédiaire du chef de groupe si possible – Réseau international d’IMF
Cette démarche essentielle et massive est d’autant plus à privilégier qu’elle est reconnue par la Social Performance Task Force (SPTF) dans ses principes responsables de crise , comme étant essentielle en période de fragilité de la clientèle. Remarquons également que 33% des IMF ont initié des sondages auprès de leurs clients pour mieux comprendre leurs besoins et proposer des offres et services adaptés. Pour près de la moitié des IMF (43%) les conseillers ont également le rôle de « conseiller sanitaire » en rappelant les bonnes mesures d’hygiène, c’est le cas notamment en Afrique de l’Ouest et en Europe.
“L’un des meilleurs investissements que vous puissiez faire en ce moment est de maintenir un contact rapproché avec vos clients. Beaucoup ne peuvent pas effectuer de paiements, mais ils représentent malgré tout des atouts précieux”. – SPTF
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(1) SPTF est une organisation à but non lucratif qui s’engage avec des parties prenantes de la finance inclusive pour développer et promouvoir des normes et bonnes pratiques de gestion de la performance sociale.
Une coalition internationale pour protéger les institutions de microfinance et leurs clients dans la crise du Covid-19
A l’initiative de la Fondation Grameen Crédit Agricole, un groupe de bailleurs de fonds et de plateformes de la microfinance a travaillé sur un ensemble de principes pour mieux soutenir le secteur de la microfinance dans la crise sanitaire et économique provoquée par le Covid-19. Fondation Grameen Crédit Agricole, ADA, Alterfin, Cerise, CIDR Pamiga, Cordaid Investment Management, Crédit Agricole CIB Inde, CA Indosuez Wealth (Asset Management), European Microfinance Network, FS Impact Finance, InFiNe.lu, Inpulse, Luxembourg Microfinance And Development Fund, MCE Social Capital, Microfinance Center, Rabo Foundation, SIDI, SIMA et Social Performance Task Force sont les premiers signataires d’un engagement commun qui vise à soutenir les institutions de microfinance et les clientèles fragiles pendant cette crise.
A l’échelle mondiale, les institutions de microfinance fournissent des produits et des services financiers et non financiers à plus de 140 millions de clients à faible revenu [1]. La microfinance joue un rôle essentiel dans le financement d’activités génératrices de revenus dans le secteur formel mais également dans le secteur informel. Dans le contexte de la crise du Covid-19, les microentreprises de l’économie informelle et les petites entreprises forment une pièce maîtresse dans la reprise économique et sociale. Soutenir les institutions de microfinance dans ce contexte revêt dès lors une importance capitale pour protéger leurs emprunteurs les plus vulnérables.
Face à ces enjeux, un groupe de bailleurs et plateformes de la microfinance ont relevé le défi et établi un engagement commun : « Principes clés pour protéger les institutions de microfinance et leurs clients dans la crise du Covid-19 ». Il vise à guider les bailleurs et les autres parties prenantes afin de mieux soutenir les institutions de microfinance et les clientèles fragiles pendant cette crise. Il s’inspire des meilleures pratiques et des outils du secteur de la microfinance, tels que les travaux effectués par le Social Performance Task Force [2] et les principes d’IAMFI sur le rééchelonnement de la dette en microfinance [3].
Les principes fondamentaux de cet engagement sont la mise en commun des informations, analyses et anticipations disponibles ainsi que la mise en œuvre concertée des décisions partagées. Les signataires conviennent de coordonner les politiques, l’assistance technique et les ressources afin d’aider les institutions de microfinance à faire face à la crise. L’objectif est de protéger aussi bien les institutions de microfinance que leurs clients pour garantir un accès continu au financement dans les meilleures conditions possibles et veiller au bien-être des clients et du personnel.
Étant donné que les obligations et mandats individuels peuvent influer sur la manière dont les dispositions de l’engagement sont mises en œuvre, il ne s’agit pas d’un accord juridiquement contraignant. Ce n’est pas un document figé ; il pourrait être amélioré si besoin pour mieux répondre à l’évolution de la crise. Les signataires de l’engagement maintiendront une communication ouverte avec leurs pairs, pour partager leurs décisions et pour se conformer à ces principes.
Les signataires invitent d’autres parties prenantes à se joindre à cette initiative commune et engagée. L’implication des acteurs privés, publics et solidaires est au cœur du suivi et du soutien aux actions des institutions de microfinance au niveau mondial. Il est essentiel de renforcer l’impact de l’inclusion financière pour lutter contre la pauvreté dans ce contexte sans précédent.
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[1] Baromètre de la microfinance 2019
[2] //sptf.info/resources/covid19
[3] Charting the Course: Best Practices and Tools for Voluntary Debt Restructurings in Microfinance, IAMFI, Morgan Stanley, 2011. The document is available on Findev Gateway
Le digital et le secteur de la microfinance face à la crise sanitaire
Par Fondation Grameen Crédit Agricole
La mise en place d’un observatoire dédié au suivi des effets de la crise sanitaire en relation avec 80 institutions de microfinance (IMF) et entreprises de social business partenaires dans une quarantaine de pays émergents nous permet de collecter régulièrement des informations pour les partager et en tirer les meilleurs enseignements.
Cette semaine nous avons plus particulièrement suivi la façon dont les institutions de microfinance utilisaient les canaux digitaux pour pallier à leur difficulté de contact direct avec les emprunteurs qui ont lieu traditionnellement soit en agence, soit lors des réunions de groupe ou bien encore, lors des décaissements de fonds (la microfinance utilise très majoritairement des espèces lors de la remise des sommes empruntées) ou du suivi des projets financés.
Dans notre enquête menée début avril, 68% des institutions de microfinance partenaires indiquent avoir accru l’utilisation des canaux digitaux pour pallier aux difficultés de contact, en conséquence des mesures de confinement ou d’interdiction de réunions de groupe. Cette croissance forte des usages que l’on observe dans le secteur de la finance traditionnelle s’observe donc également dans le secteur de la microfinance dont l’industrie s’adapte à marche forcée.
Les moyens technologiques et les processus incluant des outils digitaux sont en train d’être rapidement développés par des Institutions de toutes tailles (les plus petites ayant des tailles de portefeuille clients inférieures à 10 millions de $, les plus grandes dépassant très largement les 100 millions de $). Depuis le début de la crise, les institutions produisent des plans de continuité d’activité, base de nouvelles discussions et d’échanges avec leurs bailleurs de fonds, dans lesquels elles y incluent très fréquemment des nouveaux usages digitaux.
Pour la plupart des Institutions, la première étape est celle de la sensibilisation des clients à la possibilité d’utiliser des moyens de paiement à distance. Cette étape est mise en œuvre par l’intermédiaire de messages SMS (particulièrement adaptés pour des couvertures réseau en 2G) mais également par les réseaux sociaux, lorsque le réseau téléphonique le permet.
« [Nous] encourageons les clients par SMS à utiliser les plateformes d’argent mobile pour les remboursements car c’est le mode le plus sûr pour le moment » – IMF en Ouganda
« [Nous] commençons à informer les clients par les médias sociaux et les SMS sur la possibilité de remboursement via les terminaux, les portefeuilles mobiles et les services bancaires par Internet » – IMF au Tadjikistan
Pour les nombreuses IMF qui ne l’avaient pas encore dans leur gamme de services, le premier processus qui a été rapidement développé au début de cette crise sanitaire est celui du paiement des échéances par monnaie électronique. Cette pratique de paiements à distance est encouragée par de nombreux régulateurs, c’est notamment le cas de la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC) pour les pays sous son autorité ou de la Banque Centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) qui a décidé la réduction des frais de transfert et d’utilisation de cette forme de monnaie. Cette mise en place de paiement à distance est accompagnée d’envois massifs de messages d’information à destination des clients pour leur expliquer ces nouvelles modalités.
« Nous envoyons de nombreux SMS à nos clients pour leur rappeler comment utiliser le code de l’argent mobile pour effectuer leurs remboursements de prêt ainsi que la hotline qu’ils peuvent appeler pour obtenir de l’aide ou se plaindre » – IMF en Ouganda
Ces services à distance permettent aux clients de payer leurs échéances sans avoir à se déplacer (et donc à utiliser les transports en commun) en utilisant le réseau des kiosques de paiement des opérateurs téléphoniques généralement dense et présents y compris en zones rurales.
La mise en place de ces moyens de paiement autorise également, désormais, le décaissement de prêts sur les portefeuilles électroniques des clients, ceux-ci se déplaçant dans ces mêmes kiosques non pas pour payer leurs échéances mais pour obtenir le décaissement en espèces de leurs microcrédits. En période de confinement, l’utilisation de la monnaie électronique permet donc de poursuivre l’activité de financement.
« L’Autorité monétaire palestinienne exhorte les Institutions de microfinance à octroyer des prêts à taux d’intérêt réduits pour financer des projets générateurs de revenus par le biais des canaux digitaux » – IMF en Palestine
Pourtant, de façon étonnante, cette crise est vécue par certaines institutions comme une véritable opportunité d’accélérer la mise en place de plateformes digitales et le lancement de nouveaux services pour gagner en optimisation opérationnelle voire même en excellence relationnelle. Pour les dirigeants des Institutions partenaires, devoir investir dans les outils digitaux pour des raisons aujourd’hui « vitales » pour leurs institutions leur semble être un moyen d’accélérer des plans d’investissement auxquels ils songeaient avant la survenance de la crise. Elle leur permet ainsi d’engager sans attendre la modernisation de leur modèle de distribution et de leur processus, ce qui n’a pas manqué de nous étonner très favorablement bien que nous connaissions la vitalité et la capacité d’innovation de nos partenaires.
« Cela avait été envisagé avant le problème du COVID […]. Cependant, des discussions sont maintenant en cours concernant la possibilité de lancer [la solution de paiement mobile] accessible à tous les clients » – IMF au Sri Lanka
« Dans des moments comme celui-ci, où tout peut être considéré comme un vecteur de transmission du virus, il est prudent de diminuer la manipulation des espèces. [Nous] avons donc profité de cette crise pour améliorer [notre plate-forme digitale] afin de détecter les lacunes et de réduire les failles de notre système » – IMF au Ghana
Les économies de certains pays qui étaient déjà fortement digitalisées, comme en Afrique de l’Est par exemple, semblent offrir une plus grande résilience aux effets de la crise. Les institutions de microfinance opérant dans ces zones affichent en effet une agilité d’adaptation remarquable. A titre d’exemple, l’économie kenyane, particulièrement ouverte aux opérations de paiement, de financement et d’investissement par le biais de porte-monnaie électroniques fonctionne selon des usages à distance qui minimise les risques de propagation du virus.
« Le Kenya est mieux préparé que les autres pays en raison de la forte pénétration de l’argent mobile. Le concept est largement utilisé par la population » – IMF au Kenya
De nombreuses institutions nous disent qu’elles seront plus structurées et plus efficaces au lendemain de cette crise. Ces expériences, quelquefois vitales pour poursuivre leur activité, leur paraissent très utiles pour envisager des gains de performance opérationnelle dans le futur.
« Notre équipe a adapté notre application mobile pour ajouter une fonctionnalité permettant de demander à distance la restructuration d’un prêt. […] Nous avons introduit un nouveau critère dans notre outil de surveillance – «urgence (coronavirus)», ce qui signifie que les agents de crédit devront surveiller leurs clients à distance, obtenir des informations et saisir des données de surveillance dans le logiciel » – IMF au Kazakhstan
« Notre nouvelle stratégie se concentre sur la transformation de [notre] mode de fonctionnement actuel pour adopter davantage de solutions numériques, réduire le besoin d’interactions physiques entre les employés et les clients et remplacer les transactions en espèces par des fonctionnalités de paiement mobile » – IMF en Géorgie
Ces effets positifs de la digitalisation obtenus grâce à des évolutions menées à marche forcée par les institutions de microfinance se retrouvent également dans les entreprises sociales de notre portefeuille de participations. La digitalisation des processus opérationnels est un moyen de lutter très efficacement contre les contraintes du confinement pour ses entreprises qui ont à traiter directement avec le public ou avec des fournisseurs de matières premières. C’est le cas par exemple d’une entreprise sénégalaise qui, grâce au paiement digital, voit ses activités de collecte de lait et de vente de produits laitiers se poursuivre et générer une croissance qui dépasse les prévisions.
Pour une autre entreprise sociale, spécialisée dans le traitement de l’eau potable, la crise sanitaire a également conduit au développement de livraison d’eau à domicile consécutivement à une commande en ligne.
Nos partenaires sont conscients que le recours aux solutions digitales n’est pas une solution globale pour répondre à toutes les questions soulevées par cette crise systémique. Ils s’attendent en effet à ce que leurs clients et leurs opérations rencontrent des problèmes de relance économique auquel le digital ne pourra être que d’une aide parfaitement relative. Malgré l’usage de plus en plus intensif des canaux digitaux, l’activité commerciale des Institutions de microfinance ralentit. Elles se concentrent toutes sur l’accompagnement de leurs clientèles en prenant soin de faire face, tout en conservant une maitrise du risque et une bonne qualité opérationnelle, aux demandes de reports d’échéances de plus en plus nombreuses.
Dans certaines zones, les autorités de tutelle ont émis des directives ou de fortes recommandations pour que les IMF octroient des moratoires à leurs clients pouvant durer plusieurs mois ce qui imposent une activité très importante aux institutions.
Pour autant, dans la majorité des témoignages que nous avons recueillis, la crise sanitaire est perçue comme une séquence qui impose aux différents Comités de direction de nos partenaires une réflexion profonde sur leur performance opérationnelle sous contrainte. Les expériences vécues et les solutions trouvées pour faire face à la crise sanitaire seront très utiles pour « le jour d’après », nos partenaires en sont persuadés.
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Les institutions de microfinance anticipent les premiers effets d’une récession
Par Fondation Grameen Credit Agricole
La crise commence à produire ses effets économiques
Quelques jours après notre dernière publication, l’impact du coronavirus continue de s’étendre et de s’intensifier. Le cap du million de contaminés dans le monde a été dépassé et de nouveaux foyers de l’épidémie se confirment.
La Fondation Grameen Crédit Agricole, en lien permanent avec son réseau de près de 80 institutions de microfinance (IMF) partenaires présentes dans 40 pays, continue son travail de collecte d’informations, d’analyse et de partage de ses observations. Au cours de ces derniers jours, nous avons centré notre suivi sur les conséquences de la crise et le travail des IMF pour y faire face. Ces informations sont très importantes. Elles nous permettent, à notre niveau, de prendre les décisions les plus pertinentes pour la gestion de la Fondation, pour l’accompagnement de nos partenaires et l’efficacité de notre action au plus près de leurs difficultés et anticipations. Elles contribuent également au partage d’informations entre les acteurs de ce secteur qui s’organisent collectivement, dans ces moments de crise.
Les résultats que nous avons obtenus confirment les tendances pressenties dans les informations remontées lors des premières semaines : la crise est très dure, au-delà sans aucun doute de nos premières prévisions de début mars, mais la résistance s’organise. L’effet de la crise sanitaire est systémique. Aucun modèle de stress ne l’avait anticipé. La réponse devra être donc être systémique, elle aussi, si nous voulons éviter une défaillance majeure de cette industrie.
Les petites activités de proximité entrent en récession
78% de nos partenaires constatent les premiers effets de la récession économique sur leurs zones d’activité.
Dans les premiers retours que nous recevions, les zones rurales semblaient échapper aux premiers effets de la crise, surtout dans les zones de production vivrière. Désormais, quelle que soit la taille des institutions (les plus petites ont un portefeuille de financement inférieur à 10 millions de dollars, et supérieur à 100 millions de dollars pour les plus importantes) et leur situation géographique, elles sont toutes, peu ou prou, confrontées à des problèmes similaires : l’impossibilité de déplacement (74%), la baisse des décaissements aux emprunteurs (77%), l’interdiction des réunions de groupe (63%) sont les raisons les plus citées par nos partenaires concernant les causes de ralentissement de leur activité.
« Comme indiqué lors de la première analyse, l’impact direct prévu (jusqu’à 6 mois) est la possible détérioration de la qualité du portefeuille dans les secteurs du tourisme, des transports et de l’hôtellerie, ainsi que celle des prêts financés par les transferts de fonds depuis l’étranger. Un impact à moyen terme est également attendu en raison du ralentissement général de l’économie et de la réduction de la clientèle solvable. » – Partenaire en Géorgie
Plus du tiers de nos partenaires subit des confinements quasi-totaux (36%) et les autres s’adaptent à des mesures contraignantes de pré-confinement.
« [Nos] activités ont été fortement affectées jusqu’à présent, les entreprises des clients étant principalement touchées par les craintes générales du public et plus directement par les directives strictes mises en place par le gouvernement pour tenter de contrôler la propagation du virus. Il est également anticipé qu’il y aura une augmentation du coût de la vie […]. Les importations diminuent, les coûts de production augmentent. Il est probable que le PIB du Kenya chute et que l’inflation augmente, ce qui affectera l’économie du pays. » – Partenaire au Kenya
« Nous constatons que le gouvernement prend de plus en plus de mesures pour limiter les déplacements et les activités commerciales. Par exemple, un gouvernement régional a précisé que toutes les activités de microfinance dans la région devaient être suspendues pendant le mois d’avril. Nous recevons des demandes similaires de la part des autorités des villages d’autres régions. » – Partenaire en Birmanie
Des effets qui impactent désormais les comptes des institutions
Ces difficultés commencent à se traduire dans les chiffres des IMF. Ainsi, 74% des institutions expliquent avoir noté une hausse de leur portefeuille à risque (PAR 1) par rapport à la fin de l’année 2019. Cette augmentation est pour l’instant contenue à moins de 10% en valeur absolue pour 8 institutions sur 10.
Les institutions accélèrent clairement l’usage du digital et l’intensifient afin de compenser l’impossibilité des équipes commerciales de se déplacer et d’organiser des décaissements en main propre. Ainsi, 68% des sondés déclarent avoir recours à une utilisation plus importante des services digitaux pour réaliser leurs activités à distance.
Les opérations de restructuration des prêts ont déjà commencé pour près d’une IMF sur deux (43%). L’intervention annoncée des régulateurs et législateurs dans le secteur financier se confirme : près de la moitié des sondés (44%) sont incités à proposer pro-activement des moratoires et des restructurations au profit de leurs emprunteurs (les pays qui ont imposé ces mesures sont, notamment, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Sri Lanka, le Cambodge, l’Inde, l’Ouganda, le Burkina Faso, le Rwanda, le Sénégal, la RDC, l’Egypte, le Maroc et de nombreux pays d’Europe de l’est). De nouvelles initiatives commencent également à être envisagées, comme la mise en place de produits d’urgence (de type minimum vital) dans les mois à venir.
Les institutions mettent en place des plans de crise
Cette crise systémique engage une revue en profondeur des planifications d’activité des IMF et des besoins de financement. A l’examen, la hausse des reports d’échéance accordés aux emprunteurs ne se traduit pas encore, de façon significative, par des besoins en ressources financières additionnelles pour les IMF interrogées. Ainsi au moment de l’enquête, 48% d’entre elles ne percevaient pas encore de changements dans leurs besoins de liquidités par rapport aux projections faites pour l’année, et un tiers envisageait même une baisse de leurs besoins en raison d’une baisse significative de leur activité.
A ce stade, seule une IMF sur cinq (19%) anticipe une hausse de ses besoins financiers, liée à l’augmentation du prix des intrants (semences, engrais, matières premières…) qui déclenchera une hausse des besoins financiers de la part des emprunteurs, principalement dans les zones rurales de nos territoires d’intervention. Les grands réseaux internationaux de microfinance sont à l’origine de cette analyse prospective.
« En plus de la crise du Covid-19, le Kazakhstan a été touché par la forte baisse des prix du pétrole qui a affaibli la monnaie nationale de 380 tenges à 445 pour un dollar » – Partenaire au Kazakhstan
Les réponses de nos partenaires font apparaitre d’autres facteurs d’inquiétude désormais, notamment dans leur capacité à financer leur activité: un quart d’entre eux prévoient une perte de valeur de leur monnaie locale face au dollar (26%) et une augmentation conséquente des couvertures de change dans leurs financements à venir (23%). Une IMF sur cinq constate d’ores et déjà des difficultés de financement rencontrées avec leurs bailleurs de fonds habituels.
Pour pouvoir piloter au plus près la montée des risques et des évolutions de financement, plus de la moitié des Institutions IMF (55%) déclarent avoir finalisé, ou être en passe de le faire, un Plan de Continuité d’Activités incluant un suivi précis de la liquidité. Cette réactivité est remarquable et de tels plans sont un élément essentiel pour aider les IMF à faire face et gérer les conséquences de la crise.
Notre analyse nous amène à constater une apparente corrélation dans la qualité des Plans de Continuité d’Activité suite à la crise du Coronavirus et l’expérience passée d’une crise forte ayant déjà affecté l’IMF. Les enseignements tirés des crises passées semblent ainsi jouer un très grand rôle dans la capacité de résilience des institutions face à une crise, qu’elle soit financière, politique, sanitaire… Pour autant, bon nombre d’institutions moins expérimentées en la matière montrent également une volonté d’innovation et une capacité d’anticipation remarquables.
Les bailleurs de fonds ont également réagi très rapidement. Forts eux aussi des enseignements de crises passées, ils font montre, depuis quelques semaines, d’une capacité d’intervention et d’anticipation remarquable dans un secteur d’activité encore jeune, malgré tout. Ainsi, dans toutes les régions du monde les prêteurs internationaux, des Fondations, fonds d’investissement, banques locales, travaillent autour de plans d’actions communs. De multiples réunions s’organisent, un peu partout dans le monde, pour anticiper la crise et veiller à en absorber les effets qui seraient dévastateurs sans cette prise de conscience et cet engagement rapide et déterminé ; tous s’accordent sur la nécessité d’un partage d’information et d’une coordination efficaces entre les différents acteurs. Les bailleurs organisent leur action autour de réponses adaptées aux besoins en financement des IMF impactées par la crise, mais également en proposant des outils de suivi, des plans d’assistance technique ou des formations pour renforcer les capacités des équipes des IMF face à cette situation aussi soudaine qu’exceptionnelle.
Tous ces éléments rappellent à quel point cette crise est l’affaire de tous les acteurs de la microfinance. L’implication et la rigueur des institutions locales, la coordination des réseaux internationaux, le soutien des bailleurs de fonds publics ou privés et la confiance des investisseurs seront les valeurs clés de notre capacité collective à remporter le défi de ce tsunami sanitaire.
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ADA publie un guide pour pour assurer la continuité des IMF pendant la crise
La crise sanitaire et économique générée par le Covid-19 affecte fortement les institutions de microfinance et leurs clients. Pour soutenir le secteur de la microfinance dans ce contexte si particulier, l’ONG ADA poursuit sa mission de promouvoir l’inclusion pour tous en mettant en profit son savoir et son expertise en gestion des risques avec un guide de bonnes pratiques pour la continuité des institutions de microfinance.
Disponible en français, anglais et espagnol, ce guide propose des recommandations aux institutions de microfinance pour organiser une gestion de crise et assurer une continuité de leur activité.
Le document est téléchargeable sur le site de ADA, dans une page exclusivement dédié à la gestion de la crise du Covid-19, un espace qui propose des articles de partenaires, des guidelines, des témoignages et vidéos afin d’offrir un lieu d’échanges et de partage d’expériences entre les professionnels du secteur.
Ce guide décrit certains points d’attention pour l’analyse et les mesures à prendre pour organiser une gestion de crise appropriée et assurer la continuité des activités face à la pandémie COVID-19.
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[INTERVIEW] “La vie doit continuer, il ne faut pas perdre l’espoir”
Interview de Dara Huot, Directeur, Phare Performing Social Enterprise
Le CambodgeMag a interviewé Dara Huot, Directeur de Phare « Performing Social Enterprise », partenaire de la Fondation Grameen Crédit Agricole. Il fait part de ses inquiétudes et espoirs concernant l’entreprise sociale du cirque Phare.
Depuis le 17 mars, les représentations du cirque Phare, l’une des principales attractions de Siem Reap, mais aussi de Battambang, ont été suspendues…
Oui, il s’agissait pour nous d’appliquer une décision gouvernementale prise à l’encontre des salles de spectacles. Avant cela, nous avions mis en œuvre toutes les mesures nécessaires pour désinfecter les locaux entre chaque performance et respecter les distances entre les spectateurs. La température était contrôlée pour chaque personne entrant dans le chapiteau, et des distributeurs de solution hydroalcoolique étaient disposés un peu partout. Mais de toute façon, le nombre de spectateurs se réduisait peu à peu. Le décret gouvernemental n’a fait que précipiter une fermeture qui aurait été inéluctable.
Comment le personnel a-t-il réagi à cette fermeture ?
Phare est une très grosse entreprise sociale, divisée entre Siem Reap et Battambang. Ici, nous avons 40 artistes et 70 employés. L’école de Battambang, qui propose des formations au cirque, mais aussi à l’animation graphique, à la danse, la peinture ou encore au théâtre, compte 110 professeurs pour 1 200 élèves. Lorsque la fermeture a été décidée, nous en avons profité pour reprendre notre liste de « choses à faire », vous savez, tous ces petits trucs qui s’accumulent au fil du temps et que nous réservons généralement pour la saison creuse.
Nous avons tout nettoyé, refait les peintures, effectué tous les travaux de maintenance… Et puis, lorsque nous avons fini tout ça, chacun est rentré chez soi. La grande majorité du personnel vient de Battambang, beaucoup ont donc rejoint leur famille là-bas. Tous les artistes continuent à s’entraîner d’arrache-pied, pour la reprise des spectacles, mais aussi pour les prochaines tournées. Certaines ont été annulées, mais nous espérons pouvoir effectuer celle prévue en France pour cet hiver.
Les salaires continuent-ils d’être versés ?
L’intégralité des salaires a été versée durant tout le mois de mars. À partir d’avril, ces derniers ont diminués de 50 %, et il en sera ainsi pour les mois suivants. Il est impensable de laisser nos employés sans aucun revenu, et nous n’hésitons pas à puiser dans notre trésorerie pour cela. Mais combien de temps pourra-t-on encore continuer ainsi ? Au bout de 3 ou 4 mois, les caisses seront vides… D’autant plus qu’il nous faut continuer à payer tous nos loyers.
Vos employés bénéficient-ils d’un soutien de la part des institutions ?
Non, ce n’est pas comme en France, où des indemnités sont accordées aux personnes qui se retrouvent sans emploi. Rien n’est prévu pour eux ici, et la situation est d’autant plus dure que nombre d’employés ont contracté des dettes auprès des banques et des organismes de microfinance. Les intérêts qu’ils doivent rembourser chaque mois sont très élevés, et je ne vois pas comment ils vont pouvoir s’en sortir. Le seul espoir serait un assouplissement, de la part de ces organismes, des modalités de remboursement. En réduisant peut-être les taux d’intérêt, en espaçant les échéances ou, pourquoi pas, en les suspendant le temps que les choses reviennent à la normale. Un moratoire sur les loyers pourrait aussi permettre à de nombreux Cambodgiens de voir passer la crise. Dans l’état actuel des choses, rembourser un crédit, payer un loyer et subvenir aux besoins de sa famille lorsque l’on a un salaire réduit ou, pire, lorsque l’on se retrouve au chômage va poser de grands problèmes à toute une partie de la population.
En quoi cette crise va-t-elle changer Siem Reap ?
Depuis l’ouverture de la ville au tourisme de masse, c’est-à-dire une vingtaine d’années, le nombre de visiteurs n’a fait que croître de manière exponentielle. Les infrastructures, elles, n’ont pas forcément suivi. L’environnement a beaucoup souffert de la hausse de fréquentation, les déchets ne sont pas toujours bien gérés, l’accès à l’eau et sa qualité posent encore problème dans certains quartiers. Les besoins en électricité ont augmenté, mais les coupures restent nombreuses. Pourquoi ne pas profiter de cette « pause » involontaire pour se renouveler, se remettre en question et, ainsi, embellir la cité ? Il faut rester positif, essayer de voir ce que nous pourrons tirer de cette épreuve. La vie doit se poursuivre, il ne faut pas perdre espoir, et continuer à être positif malgré les circonstances. Nous devons plus que jamais prendre soin de nous et de nos proches, et rester forts. C’est important pour soi, mais aussi pour celles et ceux qui nous entourent. Tout le monde espère que cette pandémie durera le moins longtemps possible. 2019 aura été une année difficile, et 2020 sera encore bien pire. Mais nous nous en sortirons, et reviendrons, je le souhaite, endurcis par cette épreuve. Même s’il sera, bien entendu, très difficile de remonter la pente.
Le secteur de la microfinance s’organise face aux effets de la crise sanitaire
Par Fondation Grameen Crédit Agricole
Le virus COVID-19 continue de s’étendre à travers le monde avec plus de 450 000 cas confirmés au 26 mars 2020. Les gouvernements, même ceux qui s’en défendent, engagent des mesures d’endiguement de l’épidémie de plus en plus strictes. Alors que la situation évolue plus rapidement chaque jour, les acteurs de la microfinance se préparent à affronter cette crise en prenant des premières dispositions salutaires.
A la suite de son enquête lancée il y a deux semaines, la Fondation Grameen Crédit Agricole a créé un observatoire pour actualiser en permanence les informations recueillies au travers d’échanges quotidiens avec ses Institutions de microfinance (IMF) partenaires. L’objectif est de mieux comprendre comment les accompagner mais aussi de partager ses analyses avec les autres acteurs financiers du secteur de la Finance inclusive et de l’aide au développement.
S’adapter pour freiner la propagation du virus
Les IMF ont très vite perçu l’enjeu sanitaire de la crise. Elles ont immédiatement cherché à ajuster leurs modalités de fonctionnement aux risques de contaminations en adoptant les gestes barrières recommandés et lancé des campagnes de sensibilisation auprès des clients et des employés.
“Le lavage des mains est obligatoire dans toutes les agences, avec la mise à disposition de seaux et de savon pour toutes les personnes entrant dans les bureaux. Des désinfectants pour les mains sont fournis sur le comptoir pour tous les clients qui font des transactions avec les caissiers. […] Le processus d’acquisition de masques de protection pour les caissiers est en cours. Il est fortement conseillé à tous les membres du personnel qui ressentent des symptômes de rester chez eux pendant le suivi. Nous avons fortement recommandé à tout le personnel d’éviter de se rendre dans les branches compte tenu de l’évolution de la situation, sauf si cela est absolument nécessaire”. – Partenaire en Sierra Leone
Les IMF ont également dû s’adapter aux décisions prises par les autorités locales pour freiner la propagation du virus. Les organisations dans les zones les plus risquées se sont ainsi vu contraintes de cesser partiellement ou complètement leurs opérations et de fermer certaines de leurs agences de proximité.
“Toutes les opérations seront fermées à partir de 12h00, le 26 mars 2020, conformément à l’annonce faite par le Président le lundi 23 mars et afin de permettre au personnel de rentrer chez lui pour la période de confinement. […] Les décaissements destinés aux clients ont été reportés à la fin de la période de confinement”. – Partenaire en Afrique du Sud
Le télétravail ou les systèmes de rotation des effectifs ont été rapidement mis en place chez une très grande majorité de nos partenaires. Face aux nombreuses interdictions de regroupements, les institutions travaillent désormais avec un représentant des groupes solidaires de crédit et restent en contact avec leurs clients par le biais de services de messagerie instantanée.
Les solutions digitales sont particulièrement adaptées à ce contexte. Elles permettent la poursuite des activités de décaissement des microcrédits et de recouvrement à distance. Dans une laiterie du Sénégal, par exemple, le paiement de la collecte de lait aux éleveurs n’a pas connu de perturbation car elle se fait depuis quelques semaines via un dispositif de paiement par téléphonie mobile.
“Nous encourageons par SMS nos clients à utiliser les plateformes de paiement mobile pour les remboursements car il s’agit du mode le plus sûr à l’heure actuelle”. – Partenaire en Ouganda
Si les IMF ont su faire preuve d’adaptation rapide quant à leurs modalités de fonctionnement, le temps est également à la préparation face au ralentissement économique qui se profile. Les réunions de crise se multiplient dans les sièges sociaux, ou via des visio-conférences depuis les domiciles des responsables, afin de mettre en place des plans de continuité.
Nouvelles régulations
Un nombre croissant de pays instaure de nouvelles régulations relatives au crédit pour amortir le choc économique et le probable risque d’insolvabilité des clientèles en situation de fragilité. Les régulateurs incitent notamment les institutions financières à accorder des reports de paiement à leurs clients affectés par la crise, ainsi qu’à restructurer les prêts. De telles décisions commencent déjà à être mises en pratique.
” Le gouvernement met également en œuvre des mesures pour aider les entreprises locales, comme la réduction des taux d’intérêt. Par exemple, le taux d’emprunt pour les prêts garantis est abaissé de 1%” – Partenaire au Myanmar
“La Banque Centrale du Kirghizistan a pris les mesures de soutien suivantes : 1) annuler l’accumulation des pénalités pour tous les emprunteurs ; 2) revoir les conditions de remboursement des prêts et prévoir un retard de paiement d’au moins 3 mois lorsque les emprunteurs en font la demande ; 3) lors de la restructuration de prêts liés à des changements dans les flux de trésorerie des emprunteurs dus au coronavirus, les institutions ne doivent pas considérer qu’il s’agit de créances douteuses si la cause en est la crise sanitaire” – Partenaire au Kirghizstan
“La Banque centrale a annoncé que les institutions financières doivent accepter toutes les demandes de report de remboursement jusqu’au 30 avril”. – Partenaire au Kosovo
Le secteur de la microfinance montre un haut degré de responsabilité et de maturité pour faire face à cette crise mondiale. Les institutions partenaires de la Fondation Grameen Crédit Agricole produisent des situations financières régulières et des analyses prévisionnelles sur leurs besoins de financement dans les mois qui viennent. Bien que nous n’ayons pas encore observé d’augmentation particulière, l’évolution des niveaux de portefeuille à risque (PAR) fait l’objet systématique d’un très haut degré de vigilance. De nombreux échanges entre prêteurs, organisations non gouvernementales spécialisées et institutions de microfinance sont désormais quotidiennement organisés.
La Fondation Grameen Crédit Agricole est au contact régulier de ses partenaires et confrères dans un effort réciproque de mise en commun des idées et des ressources. Nous partageons avec nos partenaires, avec les acteurs de l’investissement responsable et avec nos pairs nos analyses et les bonnes pratiques mises en place par les institutions de microfinance.
La mise en commun des informations disponibles, des analyses et des anticipations, puis la mise en œuvre concertée des décisions partagées sont des principes aujourd’hui vitaux pour notre secteur. Au prix de cette transparence, de cette concertation et d’une nécessaire adaptation de nos principes d’intervention, nous devrions pouvoir être en mesure de surmonter les effets de cette crise sanitaire exceptionnelle qui risque d’emporter avec elle de nombreuses institutions de microfinance, laissant les populations fragiles dans des situations désespérées. Car nous savons que la crise frappera en tout premier lieu les populations les plus démunies. Durement. Sachons être ensemble à la hauteur de ce défi humanitaire.
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Comment le Coronavirus affecte le secteur de la microfinance
Par Fondation Grameen Crédit Agricole
Créée en 2008, à l’initiative conjointe de Crédit Agricole SA et du professeur Yunus, fondateur de la Grameen Bank et prix Nobel de la paix 2006, la Fondation Grameen Crédit Agricole est un opérateur engagé dans la promotion d’une économie mieux partagée.
Investisseur, bailleur de fonds, prestataire d’assistance technique et conseiller en fonds, la Fondation compte plus de 80 partenaires (institutions de microfinance et social business) et opère dans une quarantaine de pays avec près de 100 millions d’euros d’encours de financement. La Fondation se concentre sur les institutions de microfinance au service des femmes et des populations rurales. Ces institutions soutiennent environ 4 millions de clients.
Le secteur de la microfinance est exposé et inquiet
Le 19 mars, selon les chiffres à cette date de Santé Publique France, le coronavirus a atteint 213 00 personnes dans le monde. 8 800 décès sont à déplorer. Après avoir annoncé la fermeture de nombreuses institutions et entreprises, des mesures de confinement continuent d’être prises dans le monde. L’Afrique et l’Amérique du Sud n’ont pas été officiellement touchées par le virus pendant longtemps, mais elles sont aujourd’hui confrontées à cette pandémie avec des centaines de cas déjà identifiés.
La crise sanitaire mondiale devient peu à peu une crise économique. Les activités économiques sont ralenties dans tous les pays et les bourses ont perdu près d’un tiers de leur valeur en moins d’un mois. Le secteur de la microfinance va être sans aucun doute durement affecté par les effets de cette crise mondiale.
L’équipe de la Fondation Grameen Crédit Agricole a rapidement lancé une enquête auprès de ses partenaires le 11 mars dernier afin de recueillir leurs premières impressions et analyses, l’impact sur leur activité de financement, l’activité de leurs clients et l’anticipation des besoins et des difficultés à venir. Toutes les informations contenues dans cet article proviennent de cette enquête. 56 Institutions de microfinance (IMF) y ont répondu, sur 75 partenaires interrogés (taux de participation de 75%). Les dernières réponses ont été reçues le 19 mars.
Tous nos partenaires traduisent dans leurs réponses une réelle inquiétude sur les effets attendus de cette crise sanitaire mondiale.
Les décisions des gouvernements locaux impactent déjà les petites activités génératrices de revenus
48% des IMF interrogées ont estimé que leurs clients étaient d’ores et déjà touchés par les effets de l’épidémie du coronavirus au moment de l’enquête, et 68% d’entre eux pensent qu’ils le seront dans un avenir proche. Dans de nombreux pays d’intervention, les gouvernements ont décidé de fermer des écoles ainsi que les activités non essentielles, de restreindre les déplacements ou d’interdire les rassemblements. C’est notamment déjà le cas au Sri Lanka, au Cambodge, en Roumanie, au Myanmar, en Sierra Leone, en Jordanie, au Mali et dans d’autres pays en activité. Ces changements ont lieu partout aujourd’hui et chaque jour de nouveaux pays sont ajoutés à cette liste.
De telles décisions ont d’ores et déjà un impact direct sur les clients de nos partenaires. De nombreux emprunteurs des services de microfinance dépendent des importations pour leur activité commerciale. Les fermetures de frontières et les interdictions de voyager ont des effets directs sur leurs activités. L’interdiction de voyager en Chine affecte non seulement les pays asiatiques mais aussi les pays africains.
“Comme la frontière avec la Chine a été fermée, certains prix des produits agricoles diminuent, de sorte que nos clients agriculteurs n’obtiennent pas de bons prix pour leur récolte.” – Institution de microfinance du Myanmar
“Nous avons des clients qui voyagent pour leurs achats (Chine, Côte d’Ivoire, Togo, Bénin, …). Les commerçants du secteur informel ont peur et cela peut affecter leurs activités.” – Institution de microfinance du Burkina Faso
L’impossibilité de se rassembler impacte toutes les opérations qui ont lieu dans les marchés et les foires. Les commerçants sont interdits d’exercice de leurs activités et n’ont pas de revenus alternatifs. L’interdiction de voyager affecte fortement le tourisme mondial et en conséquence toutes les petites activités de proximité dépendantes du tourisme (hôtels, chauffeurs, guides, restaurants, vendeurs de souvenirs…). Les transferts de fonds diminuent, ce qui affecte également des familles restées dans les pays d’origine qui dépendent, en grande partie, de ces transferts.
“ Si l’interdiction de voyager se poursuit dans la région du Golfe et en Europe, l’économie de la Jordanie risque de souffrir car elle dépend aussi des revenus du tourisme et des transferts de fonds du Golfe” – Institution de microfinance de Jordanie
A l’exception d’un cas, nous n’avons pas eu d’information sur la mise en œuvre d’éventuels plans d’atténuation économique qu’auraient mis en place les autorités locales, ce qui témoigne probablement d’une difficulté à ajuster ou à intervenir dans ce cadre, probablement aussi d’un manque de données précises ou de moyens budgétaires disponibles. Le seul exemple précis qui nous a été fourni est celui de la Palestine. À travers huit lignes directrices, l’Autorité monétaire palestinienne est intervenue en exhortant les sociétés financières à continuer de fournir des services de prêt aux personnes pour assurer la poursuite du cycle commercial et économique et envisager le report des paiements mensuels périodiques de tous les emprunteurs pour les quatre prochains mois (six mois pour le tourisme et le secteur hôtelier). Les mesures prévoient également qu’aucun frais, commission ou intérêt supplémentaire sur les versements différés ne saurait être perçu pendant la période.
L’activité des institutions financières pourrait se contracter
Bien que préoccupées par l’évolution de la crise et ses premiers signes, 59% (33) des IMF interrogées ont indiqué que leur activité n’était pas encore affectée par l’épidémie à la date de l’étude (entre le 11 et le 19 mars). 23 IMF (37%) se sentaient préoccupées au moment de cette enquête, donnant plusieurs explications telles que le risque pour le personnel de terrain, les déplacements restreints, le travail à domicile.
L’une des principales préoccupations est l’interdiction des réunions qui affectera toutes les institutions dont la méthodologie de microfinance est basée sur une approche de « groupe caution solidaire ». Certains partenaires s’adaptent déjà en nommant des représentants des groupes pour limiter les réunions ou en s’appuyant sur des « représentants de groupe » parmi leurs clients.
Dans certains pays où aucune décision claire n’a encore été prise, les IMF envisagent de reporter les décaissements si leurs agents de crédit ne sont pas en mesure de voyager ou doivent adapter temporairement leur processus de recouvrement.
“Pendant la période d’urgence jusqu’au 29 mai 2020, les réunions du centre client n’auront pas lieu comme d’habitude. Au lieu de cela, la méthode «Pay and Go» a été mise en place de la façon suivante : seuls les clients « chefs de groupe », de deux à quatre personnes par centre de 15 à 20 clients en général, sont invités à se rendre à la réunion habituelle du centre. Ce sont les chefs de groupe qui percevront l’acompte de leurs membres ”. – Institution de microfinance d’Indonésie
“Nous avons mis en place une procédure spéciale pour rencontrer individuellement les membres des groupes de caution solidaire. Nous fournissons des conseils aux clients sur la meilleure façon de faire face à la situation” – Institution de microfinance du Sénégal
Nos partenaires doivent également s’adapter à la situation rencontrée par leurs collaborateurs en veillant avant tout à sauvegarder leur santé. Les risques de transmission de virus sont un facteur important à prendre en compte pour l’activité des agents de crédit. Les réponses au questionnaire montrent que les règles de confinement empêchent directement et immédiatement le bon déroulement de l’activité pour tous les services des institutions. Certains membres du personnel travaillent déjà à domicile dans certaines nstitutions.
“Almaty, où se trouve le siège social, sera en quarantaine à partir du 19 mars, les employés travailleront à distance” – Institution de microfinance du Kazakhstan
“Le personnel sur le terrain court un risque important de contracter le virus. Les employés hésitent donc à travailler avec les clients. La mise en quarantaine frappera l’ensemble du marché des IMF” – Institution de microfinance en Ouganda
Le portefeuille à risque et les besoins de liquidité sont sous vigilance
Beaucoup d’institutions se déclarent préoccupées par la montée des risques. Mais selon notre enquête, au moment de répondre, seules 11 IMF (20%) notaient une augmentation du portefeuille à risque. Nos partenaires africains ont semblé davantage préoccupé que leurs pairs des autres continents. En revanche, un grand nombre d’entre eux sur toutes nos zones d’intervention (40 pays sur 3 continents, Afrique, Asie, Europe), sont inquiets pour l’avenir : 36 IMF (64%) prévoient une augmentation du portefeuille à risque.
“Nous allons probablement enregistrer une augmentation potentielle du portefeuille d’impayés et une réduction de la demande de crédit. Cette augmentation des impayés devrait être de l’ordre de 2% mais la croissance de notre portefeuille va sans aucun doute ralentir” – Institution de microfinance du Cambodge
Étonnamment, quelques partenaires considèrent qu’ils ne courent pas plus de risques que d’habitude. Ces réactions proviennent d’institutions qui sont majoritairement implantées en zones rurales.
“De manière générale, nos clients étant principalement des ruraux (70%), nous prévoyons qu’ils ne connaîtront pas de forte détérioration d’activité ou de revenus en raison de la hausse des prix de leurs produits agricoles. Nous y verrons plus clair dans la seconde moitié d’avril.” – Institution de microfinance du Kyrgyzstan
“Au 16 mars 2020, nos activités se poursuivent comme d’habitude. Nous n’avons pas encore vu d’impact sur le remboursement des prêts au Cambodge, notamment Siem Reap et Phnom Penh. Cependant, nous nous attendons à une certaine augmentation à Siem Reap à partir de la fin de ce mois. Dans cette zone du pays toutefois, nos clients vivent principalement dans des zones rurales. L’exposition que nous avons sur le tourisme, l’hôtellerie et l’industrie des services est minime.” – Institution de microfinance du Cambodge
Cette crise sanitaire va avoir un impact sur les besoins de liquidité des institutions. Selon notre enquête, 29 IMF (52%) prévoient une évolution de leurs besoins de financement. La plupart des IMF de petite taille (portefeuille inférieur à 10 Millions de dollars) ne prévoit pas de changements dans le temps. Leur taille semble être un facteur d’agilité mais nous sommes attentifs à ce point qui ne nous semble pas particulièrement évident. La majorité des institutions de taille moyenne (taille du portefeuille entre 10 et 100 millions de dollars) prévoit des modifications dans leurs besoins de financement auprès des bailleurs de fonds (dont la Fondation Grameen Crédit Agricole). De nombreuses Institutions s’attendent à des problèmes de refinancement de leurs activités. Un renchérissement des mécanismes de couverture de change est attendu et des discussions avec les différents prêteurs sont ou vont être engagées d’ici peu.
“ Indirectement, le taux de change devient très volatile en raison de l’épidémie. Nous avons une hausse des demandes de microcrédits en dollars US et une diminution des demandes en monnaie locale, ce qui affecte le volume de prêts que nous pouvons décaisser.” – Institution de microfinance du Myanmar
Des problèmes de liquidité sont anticipés. En effet, le non-remboursement par les bénéficiaires de microcrédit pourrait constituer un obstacle à la possibilité de décaisser de nouveaux prêts. La hausse des provisions pour risques et pertes potentielles est perçue comme un obstacle pour obtenir de nouveaux financements en provenance des bailleurs de fonds habituels.
“Si la situation se poursuit jusqu’au milieu de l’année, nous aurons besoin de liquidités car la plupart des actifs liquides auront été supprimés par un provisionnement élevé pour les actifs dépréciés (pertes attendues) en raison de la hausse du non-remboursement” – Institution de microfinance en Ouganda
” Le non-remboursement des prêts entraîne une diminution de la liquidité. Oui, nous avons pris des mesures pour limiter cette situation potentielle” – Institution de microfinance du Mali
Le secteur de la microfinance en appelle à des mesures adaptées
Certaines IMF ont déjà demandé à la Fondation s’il était possible d’aider leurs institutions à traverser la période ou les effets de la pandémie seront les plus rudes.
“Nous aimerions bénéficier de conseils sur la façon d’éviter la maladie et sur les traitements disponibles et efficaces pour le traitement en cas d’infection” – Institution de microfinance du Benin
“Nous souhaiterions que la Fondation Grameen Crédit Agricole compile des informations sur les mesures de à mettre en place pour éviter le corona virus, et aussi, concernant les institutions du monde entier, sur la façon de relever les défis qui nous attendent.” – Institution de microfinance en Ouganda
Un partenaire a rappelé que lors de catastrophes naturelles passées, il y avait eu des mesures particulièrement adaptées qui avaient été mises en place. Certaines, qui peuvent paraitre contre-intuitives, avaient donné lieu à une augmentation des financements pour permettre aux clients de se remettre des chocs et dépasser cette période difficile. Assécher les financements n’aurait qu’un effet d’intensification des difficultés et des impacts de la crise.
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