Depuis 2019, la Fondation Grameen Crédit Agricole, l’Agence suédoise de développement et coopération Internationale (Sida) et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) unissent leurs forces pour soutenir les populations réfugiées en Ouganda.
La Fondation a été sélectionnée par l’Agence Suédoise de Développement et de Coopération Internationale (Sida) et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) pour la conception et la coordination d’un programme innovant ayant pour objectif d’améliorer les moyens de subsistance, la résilience et l’inclusion financière des réfugiés et des communautés d’accueil en Ouganda.
Hanadi Tutunji, Financial Inclusion Officer au sein du HCR revient sur ce programme commun sur quatre ans.
En quoi l’inclusion financière est-elle une solution durable pour les réfugiés en Ouganda ?
L’Ouganda accueille environ 1.5 million de réfugiés et de demandeurs d’asile, ce qui en fait le premier pays d’accueil en Afrique, et le troisième dans le monde. C’est l’un des pays avec les politiques d’accueil les plus progressives au monde, et l’un des pays leaders pour la mise en place du Cadre d’Action Globale pour les réfugiés (CRRF) et du Global Compact on Refugees (GCR). En Ouganda, les réfugiés vivent dans des campements proches des communautés d’accueil, et ont accès aux même services publics nationaux, en matière de santé, d’éducation, d’accès à l’eau, de moyens d’existence et d’assainissement. Les réfugiés sont par ailleurs libres de leurs mouvements, ont le droit de travailler, et ont été inclus dans le Plan National III pour le Développement du pays.
Une grande majorité des réfugiés (94%) vit dans 13 campements, situés dans le Sud-Ouest et le Nord du pays. Les 6% restants vivent en zone urbaine, près de Kampala. Malgré les politiques progressistes et inclusives de l’Ouganda, le taux de pauvreté des réfugiés est près de deux fois plus élevé que celui des communautés d’accueil, ce qui crée des défis pour la coexistence pacifique des communautés, et des problématiques de sécurité, en particulier pour les femmes, les filles et les personnes ayant des besoins spécifiques.
En 2020, le Programme Alimentaire Mondial a réduit de 30% les rations alimentaires pour les populations réfugiées, en raison d’un manque de financements. L’impact de cette réduction des rations alimentaires a été accru par la crise de la COVID-19, et du confinement national. Suite au confinement, 13% des réfugiés ont dû cesser de travailler (en particulier ceux vivant dans les zones urbaines), ce qui a encore accru leur insécurité alimentaire et financière.
Des solutions durables doivent donc être trouvées pour relever les défis humanitaires et de développement auxquels l’Ouganda est confronté, notamment en raison du nombre important de réfugiés en situation de déplacement prolongé.
L’inclusion financière permet de favoriser l’accès des réfugiés aux systèmes financiers, de développer l’activité économique et de promouvoir les micro-entreprises et l’auto-emploi. Les services financiers et non financiers proposés aux réfugiés les aident à subvenir à leurs besoins de manière durable. Il est donc important de s’engager auprès du secteur privé et de faciliter son action pour développer et fournir des services financiers sur mesure aux réfugiés, y compris l’accès aux services d’épargne, de prêts, d’assurances et de transferts de fonds.
Pouvez-vous expliquer les spécificités du programme ?
Le programme vise à améliorer l’accès au crédit des réfugiés et de leurs communautés d’accueil afin qu’ils puissent développer des activités génératrices de revenus. A terme, l’objectif du programme est d’améliorer la résilience d’environ 100 000 ménages parmi ces populations.
Ce programme, qui tire parti de financements mixtes (capitaux publics et privés), comprend trois volets : un fonds de garantie des prêteurs, un financement de la dette pour trois institutions de microfinance (IMF) et une assistance technique pour les IMF et les réfugiés.
Le HCR partage des données socio-économiques, facilite l’accès aux réfugiés, forme le personnel des IMF sur les besoins des réfugiés et leur protection, et supervise la participation des réfugiés aux formations financières et commerciales. La Fondation Grameen Crédit Agricole, avec le soutien financier de Sida, assure le volet Assistance Technique du programme qui vise notamment à offrir aux réfugiés des services non financiers, tels que la formation commerciale et l’éducation financière. L’assistance technique permet par ailleurs de couvrir une partie des coûts initiaux de mise en place encourus par les IMF pour étendre leurs opérations de prêt aux réfugiés.
Grâce au programme, les IMF ont pu ouvrir de nouvelles agences dans les districts de Moyo (campement de Parlorinya), Yumbe (campement de Bidibidi) et Isingiro (campement de Nakivale) où vivent de nombreux réfugiés. A fin mars 2021, 14 777 prêts avaient été accordés par les IMF bénéficiaires du programme, dont 6 423 prêts (44%) aux populations réfugiées. 19 294 personnes avaient par ailleurs bénéficié de formations. Le programme s’adressant à la fois aux réfugiés et à leur communautés d’accueil, il facilite les liens entre les communautés, favorisant ainsi leur coexistence pacifique.
Quelles sont les priorités et les perspectives du HCR en matière d’inclusion financière dans le monde ?
Les besoins financiers des réfugiés évoluent dans le temps, allant du financement des moyens de survie au moment de leur arrivée à des services plus complets tels que l’épargne, les paiements et le crédit dans un deuxième temps.
L’inclusion financière représente un tremplin pour passer de l’aide humanitaire au développement d’activités pérennes. Le HCR veille à ce que les réfugiés ainsi que les personnes vulnérables dans les communautés d’accueil aient accès à des services financiers abordables et adaptés, et que des prestataires de services financiers responsables fournissent ces services.
Pour renforcer l’inclusion financière, le HCR souhaite à l’avenir étendre ses partenariats, continuer à soutenir et motiver ses partenaires à fournir des services durables aux réfugiés et les accompagner dans leur mission de plaidoyer pour améliorer le cadre réglementaire.