21 octobre 2019
© Didier Gentilhomme

A l’occasion de la Semaine Africaine de la Microfinance (SAM) à Ouagadougou, le portail FinDev a posé quelques questions à Eric Campos, Délégué général de la Fondation Grameen Crédit Agricole et Directeur RSE de Crédit Agricole SA sur l’adaptation des institutions de microfinance au changement climatique.

Comment la finance inclusive peut-elle contribuer à atteindre les ODD en Afrique ?

La finance inclusive est une démarche volontaire du secteur financier qui vise à créer de l’impact social positif, tout en assurant une création de valeur financière permettant de rendre cette démarche durable. La microfinance, lorsqu’elle est socialement performante, est un instrument de finance inclusive. Mais cela peut être aussi vrai pour le secteur bancaire classique, qui peut chercher à associer rentabilité financière des moyens mis en œuvre et impact social.La microfinance inclusive permet de favoriser l’accès au financement des populations traditionnellement exclues du secteur bancaire. A ce titre, elle soutient le niveau de consommation des populations à faibles revenus souvent informels, et quelquefois relativement plus vulnérables (populations rurales, femmes, jeunes en recherche d’emplois) et leur permet de se constituer un peu de capital. Lorsque ces financements soutiennent le développement des petites entreprises, celles-ci créent de la croissance, dynamisent l’emploi et stimulent l’économie locale.

Quel est le rôle des IMF face au changement climatique, en particulier en Afrique, un continent particulièrement vulnérable à ces bouleversements ?

L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture a souligné l’extrême urgence à soutenir l’adaptation de ces petites exploitations au changement climatique. Agriculteurs, éleveurs nomades, pêcheurs et petits exploitants forestiers sont tous tributaires d’activités qui sont étroitement et inextricablement liées au climat. Les effets négatifs sur la sécurité alimentaire s’aggravent, pouvant même devenir catastrophiques dans certains endroits particulièrement vulnérables. Renforcer la résilience de la petite agriculture familiale face au bouleversement des conditions d’exploitation est donc une urgence. Le continent africain est à ce titre le plus exposé car sur 178 millions d’exploitants agricoles assurés dans le monde, seuls 0,25% sont africains.
Face au changement climatique, l’accès aux services financiers est essentiel car il contribue à soutenir la stabilité des activités agricoles lorsque des IMF parviennent à atteindre les agriculteurs en zones rurales. Pour autant, force est de constater que les défis sont encore colossaux. De lourds investissements sont nécessaire pour améliorer la productivité agricole, développer les infrastructures rurales et permettre l’installation d’entreprises de transformation de produits agricoles et d’activités agro-industrielles. Dans les zones rurales, la microfinance reste encore un outil trop isolé et qui, faute d’un écosystème de soutien à la modernisation de l’agriculture, n’est pas encore à la hauteur des enjeux du continent.

En particulier, comment les IMF peuvent-elles soutenir les populations rurales et les petits producteurs ?

Alors que ces agriculteurs devraient idéalement avoir une sécurité financière adéquate et de bons moyens de subsistance, ils mènent au contraire une vie faites de luttes quotidiennes. Ils font face à un accès limité aux intrants agricoles (semences, engrais, eau, produits agrochimiques, agricoles outils et machines) et aux marchés. Ils subissent désormais régulièrement des événements météorologiques inattendus affectant leur production, et donc leurs revenus, sans protection assurancielle. Face aux effets ravageurs du changement climatique, les agriculteurs sont souvent démunis.
Les IMF sont souvent les seuls recours pour que l’agriculteur finance son besoin d’exploitation. Elles proposent une diversité de produits financiers qui cherchent à s’adapter aux activités du monde rural. Lorsque les IMF sont socialement engagées, elles proposent également un « accompagnement terrain » qui renforce leur efficacité (ateliers, visites terrain et évaluation des risques, conseil à l’achat de matière première, …). Le secteur de la microfinance reste donc encore la seule alternative aux usuriers dans de très nombreux territoires ruraux. Ces institutions peuvent également proposer des produits d’assurance agricole mais dont le coût reste, malheureusement, encore hors d’atteinte d’une agriculture villageoise majoritairement de subsistance.

Quelles sont les actions concrètes de la Fondation Grameen Crédit Agricole sur ce thème en Afrique ?

La ruralité est la pierre angulaire de la croissance des pays en développement. Les zones rurales possèdent un important potentiel de croissance mais, faute de moyens, se vident de leurs habitants qui migrent vers des zones d’emplois potentiels et s’installent dans les périphéries urbaines. Cet enjeu de développement des économies rurales est aussi lié au nécessaire renforcement de l’agriculture de subsistance, pour pallier à la malnutrition dans un contexte de croissance de la population exponentielle, et à la promotion de l’ancrage des populations autour des emplois du secteur agricole.
La Fondation est un acteur du développement rural. 40 % des financements accordés sont fléchés en Afrique subsaharienne, notre présence est effective dans une quinzaine de pays et la politique de financement de la Fondation cible majoritairement les zones rurales et les femmes. Les principes d’actions sont marqués par l’exigence dans la gestion des performances sociale et économique de nos partenaires. Avec des critères d’éligibilité stricts et une analyse des performances économique et sociale systématique, nous promouvons une finance responsable. Mais parce que la lutte contre la pauvreté ne peut pas se mener seule, nous agissons aux côtés d’autres acteurs engagés. Avec ouverture, volonté et écoute, nous appelons de nos vœux la convergence des actions et des agendas.

Qu’attendez-vous de la SAM 2019 ?

Le combat contre le réchauffement climatique est un enjeu global dans lequel nous en appelons à la responsabilité de tous. Mais la résilience des populations et des économies est un défi local qui nécessite des acteurs publics et privés capables, chacun dans son domaine de responsabilité, de contribuer à la modernisation des territoires. La SAM est un lieu d’échange, d’apprentissage, d’information et de partage. C’est aussi un lieu où se fabrique la coalition des bonnes volontés. Espérons que cette cuvée 2019 nous apporte l’optimisme de la volonté et l’énergie de l’inspiration.

Source : Portail FinDev