20 juin 2018

Du défi démographique à l’environnemental, en passant par l’enjeux de la lutte contre la pauvreté, Jean-Marc Chataigner expose sa vision du développement du Sahel et fait appel à « la poursuite d’une solidarité internationale accrue » par « une approche conjointe, partenariale, co-construite avec les gouvernements, les collectivités, les associations locales, les populations. Coup de projecteur sur son interview.

Quels enjeux et perspectives d’une approche intégrée pour le retour à une paix durable au Sahel ?

Les grands défis de la région nécessitent la poursuite d’une solidarité internationale accrue parce que les pays sahéliens n’ont pas encore la capacité d’y faire face seuls. Il faut une approche conjointe, partenariale, co-construite avec les gouvernements, les collectivités, les associations locales, les populations. Il faut une approche intégrée des différentes composantes d’action de la communauté internationale, des efforts nationaux, régionaux et internationaux. A travers la mission qui m’a été confiée par le Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, la France promeut l’idée d’une approche mieux articulée des différentes actions politiques et diplomatiques, notamment pour la mise en œuvre de l’accord de paix au Mali, des efforts sécuritaires, à travers la mise en place de la force conjointe du G5 Sahel et du relais qui devra être pris in fine dans des approches renouvelées du développement.

L’Alliance Sahel, lancée en 2017 par la Chancelière Merkel et le Président Macron, vise dans ce sens l’obtention de résultats concrets sur un nombre limité de secteurs, sur des sujets essentiels pour l’avenir du Sahel qui ont pourtant été délaissés ces dernières années par les bailleurs de fonds comme l’agriculture et l’éducation. L’Alliance Sahel privilégie une approche en termes d’efficacité de l’APD (Aide Publique au Développement) et de transparence et de redevabilité des actions mises en œuvre, en lien étroit avec les gouvernements partenaires et les sociétés civiles concernées. Elle entend renforcer le ciblage des actions des bailleurs de fonds sur les zones les plus fragiles et vulnérables, périphériques et éloignées des capitales, et favoriser une meilleure articulation des programmes de développement avec les problématiques humanitaire et de sécurité.

Comment reconstruire un partenariat de confiance et pérenne entre la France et le continent africain ?

Les relations entre la France et l’Afrique ont toujours eu une dimension particulière liée à une histoire partagée faite de moments difficiles, mais aussi d’une communauté d’armes exemplaire pour faire face aux ennemis de la liberté. Mais le monde de 2018 n’est plus celui de 1945 ou même celui de 1958. Les relations internationales ont profondément évolué avec la fin de la guerre froide, les attentats de 2001, l’émergence de nouvelles puissances, l’apparition de menaces planétaires auxquelles nous devons faire face et qui peuvent susciter de forts replis nationalistes. Dans ce nouveau concert international, la France, et à travers elle plus largement l’Europe, et l’Afrique ont des intérêts communs à faire valoir.

Dans son discours à Ouagadougou en novembre dernier, le Président de la République a clairement jeté les bases de cette nouvelle relation à bâtir à travers notamment l’appel à une meilleure écoute de la jeunesse africaine, un vrai changement de méthode dans la gestion de l’aide publique au développement, « ne plus construire des cathédrales à notre gloire » a-t’il même précisé, la priorité à l’éducation, en particulier celle des jeunes filles, la lutte commune contre l’extrémisme religieux et l’obscurantisme, le lancement d’une réflexion sur la restitution du patrimoine africain, les conditions de circulation des étudiants africains et l’accueil des talents africains, l’investissement dans les infrastructures africaines de demain. Tous ces sujets, je ne les cite pas tous car la liste est impressionnante, sont cruciaux pour l’établissement d’une relation de respect, de partenariat et d’équilibre, seule à même d’instaurer une confiance réciproque durable sur le long terme entre nos deux continents.

Quels sont les enjeux de croissance, de paix et de sécurité pour l’Europe et l’Afrique ?

L’Afrique est le lieu d’enjeux économiques et sécuritaires essentiels pour l’Europe dans une aire géographique en pleine mutation et à fort développement démographique.

Le décollage de nombreux pays africains est aujourd’hui engagé et représente des opportunités commerciales et d’investissements pour l’Europe dans des marchés en pleine émergence. A contrario, la persistance d’Etats fragiles et faillis constitue une menace à la fois pour notre sécurité collective et la pérennité du développement africain. Le renforcement des capacités régionales de paix et le déploiement sur le modèle du G5 Sahel de forces militaires africaines capables de faire face aux différentes menaces qui pèsent sur la paix et la sécurité du continent est à ce titre une priorité fondamentale.

Retrouvez sa tribune ici.